Les sabotages et attaques dans la région du Golfe ne sont pas sans conséquences pour le transport maritime. La Fédération française de l’assurance explique que la situation « accroît les risques de pertes et de dommages liés aux actions militaires des forces en présence pour tous les acteurs du transport et du commerce maritime qui interviennent dans ces espaces maritimes et terrestres ». Par conséquent, « les assureurs transports qui sont spécialisés dans les risques de guerre doivent tenir compte de ces menaces pour continuer d’assurer ces expéditions. Cette approche se traduit par un réajustement et une adaptation des contrats d’assurance au cas le cas en vue de mutualiser ces risques exceptionnels », nous a indiqué la FFA, sans plus de détails.
Déjà, CMA CGM a annoncé, le 1er juillet, la mise en place d’une surcharge risque de guerre « en raison des récents incidents survenus dans le détroit d'Ormuz et de l'augmentation significative des coûts d'assurance au Moyen-Orient ». A partir du 5 juillet la surcharge s’élèvera à 36 dollars par EVP (Equivalent Vingt Pieds, taille standard du conteneur) réglable par le payeur du fret pour toutes marchandises depuis ou vers Oman, les Emirats Arabes Unis, le Qatar, Bahrein, l'Arabie Saoudite (Dammam et Jubail), le Koweït, l’Irak.
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Pour Hervé Thomas, délégué général d’Armateurs de France, « il s’agit d’un point extrêmement préoccupant pour l’industrie du shipping ». Des consignes, ont-elles été données aux équipages ? « Il n’est pas de tradition que les navires marchands soient armés. On reste purement dans la neutralité et la vulnérabilité de navires qui pratiquent une activité commerciale ». Sans s’étendre, il évoque des pratiques développées pour la lutte contre la piraterie au large de la Somalie (confinement de l’équipage dans une citadelle, maintien d’une vitesse élevée, barrière physique type barbelé ou verre pilé…). Mais cette fois, il ne s’agit pas de pirates tentant de monter à bord d’un bateau pour le prendre en otage avec son équipage. « On est bien sur deux registres différents. En tout état de cause, il n’y a pas de réponse à des agressions violentes comme celles qu’on a pu connaître récemment. Cela (les bonnes pratiques évoquées plus haut, ndlr) s’applique à des opérations type lutte anti-piraterie plutôt qu’à de la lutte antiterroriste ou contre une agression militaire caractérisée avec des missiles ou des torpilles. Dans ce cas, il n’y a clairement pas de parade. Un navire marchand ne sait pas réagir ».Selon le délégué général d’Armateurs de France, « la meilleure réponse, c’est de permettre aux commandants et aux armateurs de disposer de l’information la plus actualisée possible sur l’état connu d’une menace à un instant T ». Ainsi, les armateurs peuvent participer à la Coopération Navale Volontaire (CNV, auparavant appelé Contrôle Naval Volontaire), un partage d’informations entre les pouvoirs publics (essentiellement la Marine nationale dans la zone du Golfe) et les acteurs privés du monde maritime français. Dans ce cadre, les navires marchands font remonter du terrain des informations (menaces, trafics…) vers l’Etat et en particulier les militaires. « Evidemment, la France coopère avec un certain nombre de nations partenaires. Et ces informations centralisées permettent, quasi en temps réel, d'informer les navires marchands sous intérêts français. Cela leur permet de savoir s’il y a lieu de se méfier d’une activité qui doit paraître suspecte ou si, entre guillemets, les eaux sont considérées comme claires et libres ».
Moyens militaires français sur zone
Des convois ou escortes n'ont à ce stade pas encore été mis en place, option évoquée après les dernières attaques dans le secteur d’Ormuz par le président américain Donald Trump. Mais cela reste une possibilité au cas où les tensions dégénèreraient. Ce ne serait d’ailleurs pas une première. Il y a un peu plus de 30 ans, notamment, il avait fallu à la fin de la guerre Iran-Irak protéger le trafic commercial pris pour cible dans la zone. La France avait notamment mené en 1987-88 l’opération Prométhée mobilisant une partie importante de sa flotte de guerre, dont le porte-avions Clémenceau, resté sur zone pas moins de 14 mois, ainsi que des chasseurs de mines qui avaient neutralisé un certain nombre d’engins potentiellement fatals aux navires de commerce et bâtiments militaires.
Aujourd’hui, l’heure n’est pas à une telle mobilisation, comme en témoigne le retour du groupe aéronaval français à Toulon à la fin de cette semaine, le Charles de Gaulle et son escorte étant passés au nord de l’océan Indien il y a peu. Et auraient pu y demeurer si la situation s’était envenimée. Mais la France maintient dans ce contexte une vigilance accrue et peut compter sur la présence de ses forces armées dans la région. Elles y opèrent notamment depuis leurs bases à Abu Dhabi et Djibouti, alors que les bâtiments de la Marine nationale s’y relaient de façon permanente. Ainsi, alors que le groupe aéronaval est passé deux fois dans le secteur depuis avril, un groupe de guerre des mines a été déployé plusieurs mois dans la région du Golfe dans le cadre d’une mission régulière (il en rentre tout juste). Actuellement, c'est la frégate Surcouf qui assure la présence navale française au nord de l'Océan Indien.