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Afin de sauver l’autoroute de la mer entre le port espagnol de Gijón et Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire, Louis Dreyfus Armateurs a décidé d’investir en développant un réseau de lignes complémentaires. Alors qu’une liaison entre Santander et Poole a été ouverte le 3 novembre, un service entre Montoir et Rosslare sera inauguré le 5 janvier. S’y ajoute, en plus, une nouvelle liaison entre Gijón et Poole. Soit en tout quatre rotations : Santander – Poole, Gijón – Poole, Gijón – Montoir et Gijón – Montoir – Rosslare. L’objectif de LDA, qui exploite ces services via ses filiales GLDA et LD Lines, est de faire en sorte que l’autoroute transgascogne (Montoir-Gijón), lancée en septembre 2010, puisse être viable économiquement et cela sans subventions. « Il faut transformer le laboratoire qu’est cette autoroute de la mer. Trois ans et demi après son lancement, elle rencontre un fort succès commercial puisque le taux de remplissage atteint 70%, ce qui est remarquable sur une base annuelle. Mais succès commercial ne veut pas dire succès économique. Du fait de la compétitivité du transport routier, nous sommes limités dans un niveau de prix qui ne permet pas de rentabiliser cette ligne sans subvention », explique-t-on chez LDA.

 

 

Fin des aides publiques l’an prochain

 

 

L’armement tricolore bénéficie à ce titre d’un fort soutien, soit 30 millions d’euros d’aides de la part des gouvernements français et espagnol, ainsi que 4 millions d’euros provenant de l’Europe dans le cadre du programme Marco Polo. Le tout sur une période limitée de quatre ans, qui prend fin en septembre 2014. Sans ce coup de pouce, l’ADM Montoir-Gijón serait déficitaire de 5 bons millions d’euros par an. En clair, sans évolution, elle risquait de s’interrompre l’an prochain faute de viabilité économique. « Ce serait évidemment dommage d’avoir fait tant d’efforts pour que cela s’arrête. Nous avons décidé de ne pas baisser les bras et d’avoir plutôt une politique offensive de développement et d’investissement pour faire en sorte de pérenniser cette autoroute de la mer sans subvention. Cela, en augmentant la productivité globale de l’opération en ouvrant de nouvelles lignes et en faisant travailler les navires de manière plus intensive ».

 

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Le Norman Asturias à Montoir (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

 

Renforcement et optimisation de l’outil naval

 

 

Dans un premier temps, des économies ont été réalisées sur les coûts d’exploitation de la ligne Montoir-Gijón. Afin de diminuer les frais de soute, la vitesse du navire a été ralentie, allongeant le temps de transit de 15 heures à 16h30. Des efforts ont été également faits par les prestataires de la compagnie (ports, pilotes, lamaneurs…) Mais le gros des gains attendus passe par la constitution d’un nouveau réseau maritime au sein duquel l’outil naval sera optimisé. Jusqu’ici, le Norman Asturias, seul navire affecté à l’ADM, n’était exploité que trois jours et demi par semaine. L’objectif est qu’il le soit, à compter de janvier 2014, six jours par semaine. Pour cela, le Norman Asturias va coordonner son activité avec un second navire, le Scintu, affrété depuis novembre par LDA et qui sera rebaptisé le mois prochain Norman Atlantic. Grâce au développement de nouvelles lignes, l’armateur va désormais pouvoir proposer, chaque semaine, trois allers-retours entre la France et l’Espagne, un aller-retour entre la France et l’Irlande, et deux allers-retours entre l’Espagne et l’Angleterre.

 

 

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© LD LINES

Le réseau de LD Lines et DFDS (© LD LINES)

 

 

Monter à 40.000 pièces de fret par an

 

 

De cette manière, LDA espère développer un réseau économiquement viable. En termes de trafic, son objectif est d’atteindre le cap annuel des 40.000 pièces de fret transportées, contre 22.000 aujourd’hui sur la seule ADM Montoir-Gijón. « Nous allons grâce à ces nouveaux services développer un réseau commercial pour nos clients, essentiellement espagnols et portugais, qui travaillent avec la France, l’Angleterre et l’Irlande ». L’armateur propose, ainsi, d’éviter aux camions de traverser l’Hexagone entre la Péninsule ibérique et les îles britanniques. Une option intéressante pour les transporteurs qui utilisent Cherbourg ou le détroit pour traverser la Manche et rejoindre l’Angleterre, ainsi qu’une liaison presque directe (avec une escale sans débarquement à Montoir) pour toucher l’Irlande. Comme pour l’autoroute transgascogne, sur laquelle transitent vers la France des voitures neuves (Renault Clio, Mégane et Captur fabriquées en Espagne, avec un trafic de 30.000 unités par an pour le compte du groupe CAT), LDA espère, en plus des pièces de fret, disposer d’un fond de cale de ce type pour sa nouvelle liaison vers l’Irlande. Côté capacités, on rappellera que les Norman Asturias et Norman Atlantic sont des sisterships. Réalisés par le chantier italien Visentini en 2007 et 2009, ces navires de 186 mètres de long pour 26 mètres de large comptent 2250 mètres linéaires de garages, permettant d’accueillir 110 pièces de fret. A cela s’ajoutent des ponts dédiés aux voitures, avec une capacité de 150 véhicules.

 

 

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© LD LINES

Véhicules de tourisme sur le Norman Ansturias (© LD LINES)

 

 

La question des passagers

 

 

Quant aux passagers, s’ils ne constituent pas l’axe de développement prioritaire de la compagnie, d’abord focalisée sur le fret, la demande existe. De nombreux vacanciers apprécient en effet l’ADM pour se rendre en Espagne ou venir en France, au point que l’été, GLDA doit refuser des clients. Jusqu’ici, l’armateur n’a pas développé cette activité outre mesure puisque, dans le cadre des subventions perçues, notamment Marco Polo, le trafic de passagers est limité à sa portion congrue afin que les aides ne constituent pas une distorsion de concurrence vis-à-vis d’autres compagnies. Conçu pour pouvoir accueillir 800 personnes, le Norman Asturias n’embarque ainsi que 450 passagers maximum. Tous doivent voyager avec leur voiture, les piétons n’étant pas acceptés. Mais avec la fin des aides publiques en septembre 2014, l’armateur pourrait revoir sa politique sur le marché touristique. En dehors d’une légère augmentation de capacité, les marges étant disponibles même si l’armateur estime que 800 passagers est un chiffre trop élevé pour assurer le niveau de confort souhaité, la mise en ligne d’un navire pouvant transporter plus de passagers pourrait être envisagée. Pour autant, l’option du véritable ferry n’est pas encore à l’ordre du jour. « Notre activité est plus basée sur le fret que sur les passagers. Mais il est vrai que la demande existe et que l’an prochain nous n’aurons plus de contraintes liées aux aides publiques. Disposer d’un navire avec des capacités supérieures en termes de passagers, pourquoi pas ? Mais si c’est le cas, il ne s’agirait pas d’un ferry classique en raison de la saisonnalité de ce marché, qui fonctionne essentiellement durant les trois mois d’été. Il faudrait donc trouver un compromis autour d’un ro-pax (navire roulier transportant des passagers, ndlr) assurant essentiellement des liaisons fret mais pouvant accueillir plus de passagers ». En dehors de la liaison Montoir-Gijón, il est en tous cas fort probable que la demande soit également au rendez-vous pour les nouveaux services vers l’Irlande et entre l’Espagne et le Royaume-Uni.

 

 

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© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU

Le Norman Asturias à Montoir (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

 

 

GLDA et LD Lines, mais pas encore DFDS

 

 

On rappellera que le Norman Asturias est affrété auprès du chantier Visentini, alors que le Scintu (Norman Atlantic) l’est auprès de Stena. Tous deux sont exploités sous pavillon italien, le projet d’immatriculer en France le bateau exploité sur l’ADM n’étant plus à l’ordre du jour compte tenu de l’environnement économique et de la nécessité de rendre cette ligne viable.  

Concernant les sociétés d’exploitation, l’ADM est depuis l’origine opérée par GLDA, une société initialement créée par Grimaldi et Louis Dreyfus Armateurs, le groupe italien s’étant finalement retiré de l’aventure dès le début. Pour des questions de convention signées avec les Etats français et espagnols, la société est restée en place, y compris lorsque LDA a versé en 2012 sa filiale dédiée au transport de fret et de passagers dans une société détenue à 75% par DFDS. Exploitant déjà une liaison entre Dunkerque et Douvres, le groupe danois a, à cette occasion, pris les commandes des anciennes lignes de LD Lines (Dieppe – Newhaven, Le Havre – Portsmouth et Calais – Douvres). Le fait que les nouvelles lignes entre l’Espagne, la France, l’Irlande et l’Angleterre, toujours à l’exception de Montoir-Gijón avec GLDA (qui pourra être absorbée sitôt les conventions étatiques arrivées à échéance), soient exploitées par LD Lines ne constitue pas, selon Louis Dreyfus Armateurs, un retour du groupe sur cette activité. « Pour le moment, DFDS s’occupe des lignes transmanche. Ensuite, nous verrons ». 

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