Un geste de plus à intégrer dans la manœuvre d’accostage ? Le « cold ironing », ou alimentation par le courant quai, ne devrait plus être réservé aux seuls bâtiments militaires. Parce que si l’on parle beaucoup de restrictions des émissions polluantes en mer des navires, il ne faut pas oublier qu’ils brûlent également du carburant à quai. Et que les normes relatives aux rejets atmosphériques, comme celles de la convention Marpol, ne se limitent pas à la haute mer. Elles vont s’appliquer tout autant à quai.
Plusieurs ports ont déjà anticipé ce mouvement et mis en place des systèmes de connexion électrique des navires en escale. En Europe, Stockholm et Göteborg, en Suède, sont précurseurs. Aux Etats-Unis, la Californie a rendu obligatoire le cold ironing dans ses ports, dont Long Beach (Los Angeles), le plus gros de la côte ouest. Le reste du pays devrait suivre. Même la Chine a décrété que tous les nouveaux terminaux en construction devaient être équipés de ces systèmes.
Les mêmes prises et les mêmes câbles dans le monde entier
Face à ces nouvelles préoccupations, les industriels ont décidé de s’organiser. En septembre 2012, l’International Electric Comittee a mis en place la toute première norme en matière de connexion à quai : la CEI 8005-1. Elle a été ratifiée par l’ensemble des Etats membres et pose donc un standard commun pour l’ensemble des ports et des navires dans le monde : mêmes prises et mêmes câbles. Pour cela, le norme définit un cahier des charges assez précis sur ce vecteur d’énergie moyenne tension qui devrait progressivement entrer dans les mœurs d’une marine marchande encore majoritairement habituée aux basses tensions. Même si l’augmentation de la taille des navires et des nouveaux types de propulsion électrique a déjà entamé le mouvement.
Le cold ironing, c’est d’abord une source d’énergie qui se trouve à quai : le réseau port. Il doit pouvoir fournir une quantité d’énergie suffisante pour alimenter plusieurs navires à quai. Ce n’est pas un souci en Europe, où la plupart des ports ont leur propre réseau, qu’ils peuvent facilement redimensionner en fonction des besoins. Mais c’est parfois moins évident dans certains pays émergents, ainsi que des ports soumis à des contraintes géographiques et énergétiques particulières. On pense par exemple à la Californie, où le port de Long Beach a dû s’adjoindre un champ d’éolienne pour suppléer aux carences du réseau électrique de l’Etat.
Du courant moyenne tension transformé sur le quai
Ce courant, souvent de haute tension, est transformé, sur le quai, en courant de moyenne tension : 6.6 kV pour les connexions vers des navires de fret, 11 kV pour les navires à passagers. Chaque poste à quai est équipé de son propre transformateur, de manière à éviter qu’un incident électrique sur un bateau puisse se propager vers les autres.
Le choix de la moyenne tension s’explique par la nécessité d’une manutention aisée. Un câble transportant de la moyenne tension a une section bien moindre qu’avec une basse tension, tout en permettant de transporter plus de puissance électrique. Ainsi, là où un câble moyenne tension permet d’alimenter un navire, il en faudrait une douzaine en basse tension. La tension sera une nouvelle fois convertie à bord pour alimenter l’ensemble des réseaux, majoritairement en basse tension sur un bateau.
Des dispositifs de sécurité spécifiques
Manipuler des moyennes tensions nécessite des précautions particulières, notamment en raison des tensions résiduelles qui peuvent rester dans les câbles. C’est pour cette raison que le câble est, durant la manutention, relié à la terre et à un système d’inter-verrouillage, qui va connecter le quai et le navire uniquement lorsque les tensions seront en phase, et que les fréquences seront donc synchronisées.
C’est au commandant que revient la décision de connecter le navire. Si l’installation électrique n’est pas sensible à la température ou à l’humidité, elle est, comme tout le reste du navire, soumise aux conditions de vent ou de mer.
Le passage progressif à l’alimentation en courant quai ne devrait cependant pas révolutionner les habitudes du bord, notamment des personnels du service machine qui ont déjà des solides connaissances en matière d’électricité.