La mort de SeaFrance, dont le tribunal de commerce de Paris a prononcé lundi la liquidation judiciaire avec cessation d'activité, ouvre la voie au rapprochement de Louis-Dreyfus Armateurs et du groupe danois DFDS. Les deux opérateurs avaient initialement présenté une offre de reprise partielle de SeaFrance au travers d'une société commune. Mais leur proposition avait été écartée par le tribunal de commerce, qui avait estimé que le prix avancé pour la reprise des actifs était bien trop faible. LDA et DFDS avaient alors la possibilité de reformuler leur offre, ce qu'ils n'ont pas fait face à l'opposition d'une majorité de salariés, emmenés par la CFDT Maritime Nord, syndicat ultra-majoritaire de SeaFrance, farouchement opposée à cette solution et portant elle-même son propre projet : une reprise de la compagnie par les salariés, au travers d'une Société coopérative et participative (SCOP). Accusant la CFDT de refuser toute discussion, LDA et DFDS ont finalement jeté l'éponge, laissant seul en lice le projet de SCOP. Mais ce dernier, faute de financement (50 millions d'euros étaient nécessaires), n'a pas convaincu le tribunal de commerce, qui a donc mis fin à l'existence de SeaFrance. Le SeaFrance Berlioz (© : MER ET MARINE - GILDAS LE CUNFF DE KAGNAC) Ultime manoeuvre de la SCOP Aujourd'hui, SeaFrance est morte et enterrée. La société n'existe plus et ses actifs, à commencer par ses quatre navires (les ferries Berlioz, Rodin et Molière, ainsi que le fréteur Nord Pas-de-Calais) vont être vendus aux enchères afin d'éponger les dettes de la société (estimées à 190 millions d'euros), qui était filiale à 100% de la SNCF. Les 880 salariés vont, quant à eux, recevoir dans les deux prochaines semaines leurs lettres de licenciement. La CFDT Maritime Nord et la SCOP, qui existe juridiquement, tentent une dernière manoeuvre avec Eurotunnel, qui a annoncé lundi, à la surprise générale, sa volonté de racheter d'ex-navires de SeaFrance pour les louer à la coopérative ; tout en continuant de jouer la carte de la création d'une société d'économie mixte avec les collectivités locales, qui seraient prêtes à mettre 15 millions d'euros sur la table. Des réunions étaient prévues hier, à Calais, où s'est notamment rendue Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais la ministre n'est pas allée dans ce sens, évoquant simplement la proposition de LDA d'embaucher 300 personnes dans le détroit (voir plus loin) et les possibilités de reclassement offertes par la SNCF, maison-mère de SeaFrance. C'est Thierry Mariani, quelques heures plus tard, qui a dévoilé les propositions du groupe ferroviaire. Celui-ci va proposer aux ex-SeaFrance 500 offres d'emploi, avec des aides, notamment en matière de déménagement, pouvant aller jusqu'à 10.000 euros ; ainsi qu'une prise en charge d'une formation, a précisé le ministre. Cette solution de reclassement avait déjà été rejetée par la CFDT Maritime Nord, qui souhaite maintenir l'emploi à Calais. Toutefois, malgré une tentative syndicale de la dernière chance, le gouvernement semble donc enterrer la piste de la SCOP, qu'il ne considère pas viable. Mais il se protège politiquement, en cette période sensible électoralement, en proposant, entre les recrutements potentiels chez LDA et les reclassements à la SNCF, d'éviter à 800 salariés de se retrouver au chômage. Le Norman Spirit (© : MER ET MARINE - YVES MADEC) Au moins deux navires sous pavillon français dans le détroit Et pendant ce temps, LDA et DFDS abattent leurs cartes. Rejetés par les leaders syndicaux de SeaFrance, les deux opérateurs annoncent comme on pouvait s'en douter leur renforcement sur le détroit. Hier, LDA a confirmé sa volonté de positionner deux navires au minium dans le détroit du Pas-de-Calais et d'embaucher au passage 300 personnes, par exemple chez les ex-salariés de SeaFrance. « Notre offre industrielle de reprise de SeaFrance avait été refusée, il y a quelques semaines, par le tribunal de commerce. Il n'avait pas été possible de présenter cette offre au personnel de SeaFrance, comme nous le souhaitions. Face à cette situation et pour préserver ce qui peut l'être, nous envisageons aujourd'hui avec notre partenaire DFDS, un nouveau projet certes moins ambitieux mais porteur d'emplois et cohérent sur le plan industriel », explique l'armateur français, avant de poursuivre : « Notre objectif est d'opérer au moins deux navires sous pavillon français sur le détroit, navires armés uniquement avec des marins français. Ainsi, nous voulons reconstruire la ligne et reconquérir la clientèle. Pour cela nous embaucherons environ 300 personnes (dont apparemment 240 navigants, ndlr) et allons démarrer cette campagne de recrutement le plus rapidement possible. Les navires qui seront utilisés sur cette ligne seront soit des navires actuellement propriété des groupes Louis Dreyfus Armateurs et DFDS, soit disponibles sur le marché ».
