Un navire atypique pour Chantier Naval de Marseille est en arrêt technique depuis le 7 juin et jusqu’en fin de semaine prochaine. Il s’agit du câblier français Raymond Croze, d’Orange Marine, qui réalise là son entretien quinquennal. Au programme, 22 jours de travaux, avec nettoyage complet de la coque, remise en peinture et traitement antifouling. S’y ajoutent différentes interventions techniques, comme le contrôle des propulseurs ou encore la visite des ballasts. L’ensemble des systèmes de sécurité est également contrôlé.
En cale sèche dans la forme 9, le navire, qui a déjà recouvré une belle livrée blanche, devrait ressortir le 28 juin. Il était déjà venu en arrêt technique à Marseille en 2007.

Le Raymond Croze le 13 juin (© EMMANUEL BONICI)

Le 16 juin (© EMMANUEL BONICI)

Le Raymond Croze hier, mardi 19 juin (© EMMANUEL BONICI)

Le pont de travail principal (© EMMANUEL BONICI)
Construit à La Rochelle et mis en service en 1983, le Raymond Croze, baptisé en hommage à un ancien directeur général des télécommunications décédé en 1978, mesure 107.8 mètres de long pour 17.8 mètres de large, son tirant d’eau étant de 6.2 mètres. Equipé de deux moteurs d’une puissance unitaire de 1420 kW et deux propulseurs en tunnel de 550 kW chacun, à l’avant et à l’arrière, le navire de 6830 GT de jauge, doté d’un système de positionnement dynamique (DP), peut atteindre la vitesse de 15 nœuds, son autonomie étant de 12.000 milles.
Il compte deux cuves principales d’un diamètre de 12.5 mètres pour le stockage de câbles, avec un volume de 700 m3 et un poids de 1000 tonnes. Intégrant différents moyens de levage, dont une grue de 9.5 tonnes à 10 mètres servant notamment à la mise en œuvre d’un robot télé-opéré (ROV) à chenilles capable de plonger à 2000 mètres, le Raymond Croze est conçu pour la pose et surtout la maintenance de câbles sous-marins de télécommunication.

Plan du Raymond Croze (© ORANGE MARINE)

Le ROV du Raymond Croze (© ORANGE MARINE)
Ceux-ci sont récupérés via le ROV ou, jusqu’à 5000 mètres, par un grappin, puis remontés à bord dans les cuves. Une fois inspecté et réparé par les techniciens du navire, le câble est reposé au fond de la mer. Le navire est taillé pour intervenir dans des conditions sévères. Doté d’un important franc-bord, ses daviers, situés à 8 mètres au-dessus de la ligne de flottaison, lui permettent d’opérer jusqu’à un état de mer 6. Grâce à son système de propulsion, couplé au DP, il peut malgré un environnement dégradé tenir une station et manœuvrer dans des conditions de vent et de courant difficiles.
Basé à La Seyne-sur-Mer, le Raymond Croze, qui compte généralement 65 membres d’équipage mais peut accueillir jusqu’à 94 personnes (52 cabines individuelles et 21 cabines doubles) est plus spécifiquement chargé de la maintenance des câbles sur la zone MECMA, qui couvre la Méditerranée, la mer Noire et la mer Rouge. Il a aussi participé à plusieurs projets d’installation en Méditerranée et Atlantique, dont Sea-Me-We 3 et Atlantis 2.
Depuis son entrée en service il y a 35 ans, le vénérable câblier d’Orange Marine, prêt à appareiller pour toute intervention dans les 24 heures, a effectué près de 300 interventions, dont une très longue mission de 154 jours de mer, en 2013, pendant laquelle il a effectué en Atlantique (zone ACMA) 21 réparations consécutives, signant alors un record mondial. Basé à Brest pendant deux ans dans ce cadre, le navire a retrouvé la rade de Toulon au printemps 2015.
Le Raymond Croze, ici à Brest en 2013 (© MICHEL FLOCH)
Le Raymond Croze et son sistership le Léon Thévenin (construit au Havre et également opérationnel depuis 1983) sont les doyens de la flotte d’Orange Marine. Le groupe, qui opère également le René Descartes (2002) et le très moderne Pierre de Fermat (voir notre reportage), entré en service en 2014, réfléchit à un nouveau projet de construction neuve, aucune décision n’ayant toutefois été encore prise à ce sujet. S’y ajoutent les deux câbliers de la filiale italienne d’Orange Marine, Elettra, reprise en octobre 2010. Il s’agit du Teliri (1996) et de l’Antonio Meucci (1988).
L’histoire d’Orange Marine remonte à la fin du XIXème siècle, époque où l’activité de pose de câbles est rattachée au ministère des Postes et des Télécommunications au sein d’une entité spécifique : la Compagnie Française des Câbles sous-marins et de Radio. En 1982, la société publique, qui dépend alors de la Direction générale des Télécommunications, est rebaptisée France Câbles et Radio. Puis, alors que la DG des Télécommunications devient France Télécom en 1988, FCR est rebaptisée France Télécom Marine, ou FT Marine, en 1999. Filiale à 100% du groupe de télécommunication français, la société câblière adoptera en 2013 le nouveau nom de sa maison-mère.
Le René Descartes du temps de France Télécoms Marine (© MICHEL FLOCH)
Orange était initialement le nom d'une société de téléphonie mobile dont France Télécom a pris le contrôle en 2003, avant de fusionner avec cette nouvelle filiale à la couverture internationale l’année suivante. Afin de simplifier son identité dans l’Hexagone et à l'étranger, le nom Orange s’était progressivement installé au sein du groupe, pour en devenir finalement la marque unique.
Depuis 1975, Orange Marine a posé 190.000 kilomètres de câbles sous-marins sur tous les océans, dont 160.000 en fibre optique. Ces 15 dernières années, les navires ont également réalisé plus de 550 réparations sur des liaisons intercontinentales, dont certaines par 5500 mètres de profondeur.

Le René Descartes (© JEAN-LOUIS VENNE)