Le cauchemar du Victoriaborg continue. Ce cargo de 132 mètres de long, immatriculé aux Pays-Bas et appartenant à l’armement Wagenborg, entame sa 17ème journée dans les eaux bretonnes. Il est actuellement dans la zone de mouillage de Saint-Malo, devant l’île de Cézembre. Et il ne devrait pas pouvoir rejoindre le quai malouin avant, au mieux, vendredi.
Le Victoriaborg, un navire de 9850 tonnes de port en lourd, transporte une cargaison d’acier. Le 23 décembre, alors qu’il se trouve au large d’Ouessant, il essuie la tempête Dirk, qui provoque, même très au large, des creux de plus de 7 mètres. Dans l’après-midi, le commandant appelle le centre régional de surveillance et de sauvetage de Corsen pour signaler la disparition d’un de ses marins. Les recherches, dans des conditions très difficiles, ne donnent rien. Plus tard dans la journée, le navire rappelle pour signaler une avarie de barre.
Le Victoriaborg se trouve alors très au large et se met à la dérive. Son armateur décide de lui envoyer un remorqueur, le Multratug 20, de l’armement néerlandais Multraships Ocean Towage. Celui-ci, disposant d’une capacité de traction au croc de 70 tonnes, prend en charge le Victoriaborg avec comme intention de rallier le port de Rotterdam. Les conditions sont terribles, le convoi avance avec grande difficulté.

© FABIEN MONTREUIL
Le Christos XXII (© : FABIEN MONTREUIL)
Trois remorqueurs en une semaine
Le 27, la remorque casse. Le bateau se met à l’abri devant Roscoff alors qu'un autre remorqueur, le Christos XXII, de l’armement grec Spanopoulos et d’un bollard pull de 67 tonnes, arrive de Rotterdam. Il croche le Victoriaborg le 28 et tente de faire route vers Brest. En vain, la forte houle d’ouest empêche le convoi de progresser. Décision est donc prise de faire route vers l’Est, en suivant les côtes bretonnes, pour se replier à Saint-Malo.
Arrivé le 1er janvier devant la cité corsaire, le Victoriaborg joue à nouveau de malchance. Le Christos tombe en panne lors de la première tentative d’entrée dans le port. Or, deux remorqueurs sont nécessaires pour faire franchir les écluses malouines au Victoriaborg. L’armateur décide donc d’envoyer encore un nouveau remorqueur, l’Isa (45 tonnes de bollard pull), qui est arrivé de Rotterdam en début de semaine.
A la faveur d’une marée favorable, une nouvelle tentative d’entrée a été réalisée hier. Mais la remorque a de nouveau cassé, obligeant le Victoriaborg à retourner au mouillage. Selon le pilotage de Saint-Malo, une nouvelle tentative ne pourra s’effectuer avant vendredi midi. Rallongeant d’autant le calvaire des 22 marins du bord.

© MICHEL FLOCH
L'Abeille Bourbon (© : MICHEL FLOCH)
Et l'Abeille Bourbon?
Des interrogations ont été soulevées, notamment par l’association Mor Glaz, quant à savoir pourquoi l'Abeille Bourbon, basée à Brest et affrétée par l'Etat pour les missions d'assistance et de sauvetage, n’était pas intervenue et pourquoi le préfet maritime n’avait pas mis en demeure le navire de recourir au puissant remorqueur brestois (209 tonnes de bollard pull). Si cette solution apparaît désormais comme celle qui aurait permis d’épargner le cauchemar des marins du cargo, elle n’était cependant pas évidente le 24 décembre. Le navire se trouvait très au large et ne présentait pas de danger immédiat, ni pour la côte française, ni pour son équipage. Une mise en demeure du préfet maritime n’était donc pas possible. Son armateur a choisi de contracter avec un remorqueur de son choix –et pas les Abeilles, donc – mais c’est son droit le plus strict puisqu’il s’agit d’une prestation commerciale. Les experts de la préfecture maritime ont jugé approprié le choix du remorqueur et ont continué à suivre sa progression. Une traction au croc de 70 tonnes ne paraît en effet pas aberrante pour un navire de cette taille. Ce sont plutôt les conditions météorologiques, terriblement dures au large de la Bretagne depuis Noël, qui semblent à l’origine de ce calvaire.