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Le 20 août fut un grand jour pour les ex-salariés de SeaFrance. C’est en effet à cette date que le Rodin et le Berlioz ont débuté leur service entre Calais et Douvres aux couleurs de My Ferry Link. Cette nouvelle compagnie succède à la défunte SeaFrance, ex-filiale de la SNCF, dont la liquidation judiciaire a été prononcée en janvier dernier. Cette renaissance s’est opérée au travers d’un montage original : une société coopérative et de production (Scop), détenue par d’anciens salariés de SeaFrance, employant les personnels et exploitant les navires et la marque ; et une flotte de trois ex-navires de SeaFrance, rachetée pour 65 millions d’euros par le groupe Eurotunnel et louée à la Scop. Quant au nom du nouvel armement, anglophone, il correspond à la clientèle de la compagnie, composée aux trois quarts de Britanniques.

 

Deux navires en service, un troisième en arrêt technique

 

Immobilisés durant de nombreux mois, le Rodin et le Berlioz sont passés en arrêt technique au chantier Arno de Dunkerque. Remis en état et repeints aux couleurs de My Ferry Link, ces deux ferries de 186 mètres de long, construits en 2000 et 2005, présentent chacun une capacité de 1900 passagers, 700 voitures et jusqu’à 120 camions. Capables de naviguer à 25 nœuds, ils effectuent 16 traversées par jour dans le détroit. Quant au troisième navire de la compagnie, le Nord-Pas-de-Calais (1986), ce bateau de 160 mètres conçu pour le transport de fret, qui peut accueillir 85 camions, est actuellement en arrêt technique et reprendra du service cet automne. Les trois navires de My Ferry Link, qui sont toujours armés au premier registre du pavillon français, offrent à la compagnie un outil naval intéressant, notamment avec ses deux ferries récents et jumeaux, ce qui facilite l’armement et la maintenance.  « Nous disposons aujourd’hui d’unités confortables, rapides et sûres, très manoeuvrantes et donc parfaitement adaptées à la navigation sur le détroit», souligne Raphaël Doutrebente, directeur général adjoint de My Ferry Link.

 

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© MY FERRY LINK

A bord du Berlioz (© : MY FERRY LINK)

 

395 emplois créés

 

Côté emploi, 395 personnes ont été immédiatement recrutées, soit 45 officiers, 208 navigants, 95 sédentaires en France et 47 sédentaires en Grande-Bretagne. On est loin des 880 personnes que SeaFrance employait encore avant sa liquidation, mais la nouvelle société espère monter en puissance et augmenter ses effectifs. En ce qui concerne les rythmes de travail, on notera que les durées d’embarquement ont été modifiées (7 jours en mer pour 7 jours à quai) tout en demeurant conformes à la législation et aux règles relatives au pavillon français. Par ailleurs, l’ancien siège de SeaFrance, qui se trouvait à Paris, près de sa maison-mère, a été transféré à Calais. Loin de partir de zéro, le nouvel armement, s’il a été totalement remanié par rapport à son prédécesseur, s’appuie bien évidemment, via notamment la reprise des personnels, sur les compétences de l’ex-SeaFrance. L’exercice de transporteur maritime, d’armement, d’exploitation et d’entretien des navires est parfaitement maîtrisé, rappelle My Ferry Link, qui aura bien besoin de cette base, solide, pour développer son activité dans un environnement particulièrement difficile.

 

Une renaissance dans un univers très concurrentiel

 

La renaissance de SeaFrance au travers de My Ferry Link constitue un véritable challenge. Car, entre la fin de l’ancien armement et la création du nouveau, la situation a évolué sur le détroit. Ancien candidat malheureux à la reprise de SeaFrance, Louis Dreyfus Armateurs s’est finalement allié au groupe danois DFDS, qui exploitait déjà trois ferries entre Dunkerque et Douvres. En plus de cette flotte, deux nouvelles unités, le Norman Spirit et le Deal Seaways (ex-Barfleur de Brittany Ferries) ont été ajoutées au départ de Calais par les deux compagnies, qui ont créé à cette occasion une société commune. Battant pavillon français, ces deux bateaux ont permis de recruter 300 personnes, en grande partie d’anciens salariés de SeaFrance. Mais, maintenant que My Ferry Link est là, la capacité offerte au départ de Calais est supérieure à ce qu’elle était il y a un an. D’autant que, dans le même temps, P&O Ferries, principal opérateur maritime dans le détroit, a pris livraison d’un second ferry géant, le Spirit of France (213 mètres, 2000 passagers, 1000 voitures ou 170 camions et 195 voitures).  Confrontées aux conséquences de la crise économique en Europe et à la concurrence du tunnel sous la Manche et des compagnies aériennes à bas coûts, les armateurs vont donc se livrer une âpre bataille commerciale.

 

Reconquérir la clientèle

 

Pour autant, chez My Ferry Link, on se montre optimiste et combatif. Après la mort de SeaFrance, marquée par une lente agonie ayant fait couler beaucoup d’encre et dont il persiste des soubresauts, les acteurs de la nouvelle compagnie veulent tourner la page et en écrire une nouvelle : « Il s’agit d’une renaissance animée par un nouvel état d’esprit. La solidarité se manifeste à travers l’esprit coopératif au service du client et c’est ce qui doit guider notre action. Équipages et sédentaires sont très motivés par ce qui constitue un véritable challenge sur le détroit. Revoir Douvres est bien plus qu’un symbole pour de nombreux marins. La collaboration avec les différents partenaires et fournisseurs va nous permettre de mener à bien cette conquête du détroit », estime le président du Directoire de My Ferry Link. Pour Jean-Michel Giguet, la priorité est de retrouver l’ancienne clientèle de SeaFrance, tout en construisant auprès de tous les passagers et transporteurs empruntant le détroit une image de qualité et de fiabilité : « Nous devons avant toute chose nous mettre au service de la clientèle pour la reconquérir : la clientèle touristique britannique qui vient séjourner en France d’une part, les Français prêts à profiter des attraits de la Grande-Bretagne que les Jeux Olympiques ont si bien mis à jour d’autre part, enfin les activités d’exportation avec le fret ».

Avec My Ferry Link, les anciens de SeaFrance et la région calaisienne savent qu’ils ont une chance unique de relever l’une des dernières grandes compagnies tricolores. Mais ils savent aussi qu’ils n’ont pas le droit à l’erreur puisqu’en cas de coup dur, il n’y a plus la SNCF pour renflouer les caisses. Les salariés actionnaires sont bel et bien en première ligne.  

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