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Propriétaire de la flotte de MyFerryLink, le groupe ferroviaire ne renouvellera pas les contrats, notamment celui portant sur l'affrètement des navires, qui le lie depuis 2012 à la SCOP SeaFrance. C’est ce qu’indiquent plusieurs sources proches du dossier. La décision a semble-t-il être communiquée hier à la société coopérative. Eurotunnel ne souhaite pas prolonger ces contrats de trois ans, qui arrivent à échéance le 2 juillet, en raison de la crise qui plombe depuis des semaines la compagnie. Le groupe considère que la guerre ouverte au sein de la gouvernance est inacceptable et qu’il n’est plus possible de travailler en confiance avec la SCOP telle qu’elle est aujourd’hui conduite. Alors que Didier Cappelle et ses proches font office d’épouvantails pour les actionnaires d’Eurotunnel, l’éviction de Jean-Michel Giguet et de Raphaël Doutrebente, destitués de leurs postes au Directoire au mois d’avril, a constitué le franchissement d’une ligne rouge pour le groupe présidé par Jacques Gounon.  

Depuis, la situation en interne n’a fait que s’aggraver. Au point qu’une partie des 600 salariés, redoutant à juste titre le naufrage de la compagnie, réclame ces derniers jours la démission du Conseil de surveillance et le retour à leurs fonctions du tandem Giguet/Doutrebente.

Les récentes décisions de justice rebattent les cartes

Dans le même temps, le contexte autour de l'armement a évolué. D’abord, MyFerryLink a remporté une double victoire juridique à Londres face à l’autorité de la concurrence britannique. Celle-ci voulait interdire à ses navires d’accoster à Douvres, arguant que ses liens avec Eurotunnel constituaient un risque monopolistique sur le Détroit. Après avoir essuyé plusieurs jugements défavorables, le groupe ferroviaire avait décidé de jeter l’éponge et de mettre en vente les navires et MyFerryLink SAS (en charge de la commercialisation fret et passagers) pour permettre à MFL de poursuivre son activité. L’armement nordiste, emmené par Jean-Michel Giguet et Raphaël Doutrebente, avait poursuivi seul le combat et, contre toute attente, l’a emporté devant la Cour d’appel de Londres. Un succès qui permet de rebattre les cartes.

En effet, le spectre d’une interdiction d’accoster à Douvres étant écarté, Eurotunnel n’est plus tenu de vendre la flotte d’ici le début  du mois de juillet. Ce qui lui laisse donc du temps pour mieux négocier une reprise de ses actifs. Plusieurs candidats ont postulé, les noms de P&O, DFDS et Stena Line étant évoqués. Le deuxième tour de table lancé par Jacques Gounon aurait abouti à des propositions plus « favorables » que les premières offres remises au mois d’avril. Quant au projet de Didier Cappelle de monter une société d’économie mixte avec le soutien des collectivités locales, il a fait long feu. La SCOP SeaFrance a bien formulé deux offres de reprise mais, dit-on de sources fiables, leur financement n’est pas crédible.

La SCOP est morte, vive la SCOP

Dans tous les cas, la décision d’Eurotunnel de ne pas renouveler le contrat d’affrètement des navires va sans nul doute porter un coup fatal à la SCOP SeaFrance. Car, même en cas de vente rapide des navires et de MyFerryLink SAS, on ne voit pas comment un repreneur pourrait accepter de collaborer avec une société confrontée à une telle crise. D'autant que rien ne l'y oblige. 

Cela étant, la vente des actifs d’Eurotunnel n’est pas la seule option possible. Compte tenu de l’ampleur croissante de la révolte interne contre le leader du syndicat maritime nord, le groupe peut aussi décider de poursuivre l’aventure. Mais ce sera évidemment sous une autre forme et sans Didier Cappelle et ses proches. Force Ouvrière, qui estime que « la confiance que Jacques Gounon avait placée dans la SCOP Seafrance a été trahie définitivement par le Conseil de surveillance », propose une solution. Le syndicat planche en effet sur la création d’une nouvelle société coopérative, qui pourrait succéder à la structure actuelle et continuer de travailler avec Eurotunnel. Dans cette perspective, il appelle à « rétablir l’unité autour du Directoire (Giguet/Doutrebente, ndlr) qui a fait ses preuves ». Pour FO, l’heure est très grave et il y a urgence : « si personne ne réagit, nous serons tous mis au chômage le 2 juillet, pour la seconde fois en trois ans ».

Une troisième option est enfin envisageable. Elle consisterait à créer une société classique, non coopérative, qui reprendrait le personnel de MyFerryLink et assurait l’exploitation de la flotte. L’hypothèse d’une nouvelle SCOP, reconstruite sur des bases saines, semble toutefois la plus plausible à cette heure.  

Le sauvetage de MyFerryLink est donc possible, moyennant ce que certains salariés appellent « un grand ménage ». En dehors de ses problèmes internes, la compagnie a en tous cas réussi le pari qu’elle s’était fixée à ses débuts : prouver sa viabilité économique. En trois ans, elle est parvenue à prendre 12% de parts de marché et le taux de remplissage de ses navires est excellent, soit près de 80% depuis le début de l’année.  De quoi atteindre comme anticipé, et même peut-être en avance sur les objectifs, le seuil de rentabilité, prévu d’ici 2016. 

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