Le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer doit se prononcer aujourd’hui sur la mise en redressement judiciaire de la SCOP SeaFrance. Une décision attendue qui, si elle est actée par les juges, mettra probablement un terme définitif à l’aventure de la société coopérative créée en 2012 par d’anciens salariés de SeaFrance.
Pour mémoire, la SCOP emploie depuis trois ans près de 600 personnes, dont 370 CDI embarqués et 106 sédentaires, qui permettent d’exploiter la flotte de MyFerryLink. Suite au conflit avec l’autorité britannique de la concurrence (CMA) mais aussi à la crise de gouvernance intervenue au sein de la SCOP, Eurotunnel, propriétaire des navires, a décidé de ne pas reconduire ses contrats avec la société calaisienne, qui arrivent à échéance le 1er juillet. Et a annoncé lundi ne vouloir conserver que le fréteur Nord Pas de Calais, un accord ayant été conclu avec DFDS pour lui céder les ferries Berlioz et Rodin.
Liquidation à l’horizon
Si la procédure de redressement, réclamée par les administrateurs en charge de l’entreprise depuis son placement sous le régime de la sauvegarde judiciaire au mois d’avril, est entérinée aujourd’hui, la SCOP ira droit vers la liquidation. Car elle se retrouvera rapidement en cessation de paiement puisqu’elle n’aura plus de client à partir du 2 juillet.
L’improbable sauvetage de la compagnie par la SCOP
Mercredi, les représentants de la SCOP ont une nouvelle fois rencontré Jacques Gounon, le patron d’Eurotunnel, et en sont ressortis avec la conviction que la société coopérative pouvait encore faire une offre pour éviter le démantèlement de la compagnie.
En théorie, c’est en effet encore possible. Du moins jusqu’à aujourd’hui puisque si la SCOP est placée en redressement judiciaire, elle n’aura plus la structure financière pour déposer une offre. L’hypothèse d’un sauvetage de dernière minute via la SCOP est, de toute façon, hautement improbable, les deux précédentes offres qu’elle a rendues à Eurotunnel n’étant pour le groupe ferroviaire pas financièrement viables.
Qui va payer le plan social ?
La question est plutôt de savoir, désormais, qui va payer le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), qu’Eurotunnel pourrait bien être contraint d’assumer. Car DFDS ne reprendra pas l’ensemble des personnels et il est à craindre un nombre important de licenciements. Le problème est que, jusqu’ici, l’armateur danois n’a avancé aucun chiffre quant au nombre de salariés qu’il pourrait reprendre.
Pour l’heure, l’accord conclu entre DFDS et Eurotunnel n’est pas un contrat. Il s’agit d’une offre engageante portant dans un premier temps sur une location coques nues (c'est-à-dire sans équipage) des Berlioz et Rodin. Eurotunnel, qui s’était engagé au moment du rachat des navires à ne pas les vendre pendant cinq ans, va demander au tribunal de commerce de Paris, où avait été prononcée la liquidation de SeaFrance, de pouvoir céder ces ferries. A défaut, il pourra comme il l’a déjà anticipé les louer pendant deux ans à DFDS avec option d’achat à terme.
Si la mise en redressement de la SCOP est confirmée, elle devrait permettre d’éclaircir rapidement la situation, l’objectif d’Eurotunnel et de DFDS étant une reprise de l’activité par le nouvel opérateur des Berlioz et Rodin dès le 2 juillet.
La CMA a jusqu’au 19 juin pour faire appel devant la Cour suprême
L’autre échéance attendue par le groupe ferroviaire interviendra le 19 juin. C’est la date limite jusqu’à laquelle la CMA, qui estime que les liens entre Eurotunnel et MyFerryLink constituent un risque monopolistique sur le Détroit, peut décider de faire appel auprès de la Cour suprême. Cela, alors que les derniers jugements ont été favorables à MyFerryLink. Si la CMA ne fait pas appel, sa décision d’interdire les ferries de MFL d’accoster à Douvres sera définitivement cassée. Mais si elle lance cette nouvelle procédure, il conviendra de voir si celle-ci est ou non suspensive.
Le projet de navette maritime d’Eurotunnel
Parallèlement, Eurotunnel a demandé à la CMA et à son homologue française l’autorisation de pouvoir poursuivre l’exploitation du seul Nord Pas de Calais. Logiquement, le groupe devrait obtenir un feu vert puisque les procédures lancées outre-manche ne concernaient que le transport de passagers (les ferries donc) et pas le fret. Mais Jacques Gounon veut en avoir le cœur net et demande une réponse rapide des autorités compétentes. En attendant, Eurotunnel travaille à la mise en place de ce nouveau service, présenté comme une navette maritime complémentaire aux navettes ferroviaires du tunnel. Dans cette perspective, en plus du Nord Pas de Calais, un second fréteur serait rapidement loué pour disposer de deux bateaux. Une micro-flotte qui devrait permettre, selon les estimations, d’employer environ 200 personnes de MyFerryLink. Quant à savoir si ce nouveau projet verra le jour en partenariat avec la SCOP SeaFrance ou une nouvelle société coopérative, il parait de plus en plus évident que ce ne sera pas le cas. Si Eurotunnel obtient l’accord des autorités françaises et britanniques pour ce service fret, il serait en effet dans son intérêt d’intégrer cette activité au groupe plutôt que de passer par un tiers.