Les salariés actionnaires de la société coopérative créée suite à la liquidation de SeaFrance, et qui gère aujourd’hui MyFerryLink, renouvelaient hier une partie du Conseil de surveillance de la Scop. Sur les 8 membres le composant, 6 ont été tirés au sort afin de remettre leur mandat en jeu. Avec une grosse surprise puisque, si l’idée initiale était d’élargir le Conseil de surveillance à 12 membres, ils n’étaient plus que 6 à l’issue du scrutin. Cela, en raison d’un nombre important de nouveaux candidats, 22 au total pour 10 postes, et de la dispersion des votes qui en a découlé. Or, selon les statuts, il fallait au moins 50% des suffrages pour être élu (chaque sociétaire se prononçant sur 10 candidats parmi les 22). Seuls quatre noms ont atteint ce seuil, sachant qu’il y avait 356 votants, dont environ 180 nouveaux récemment reconnus comme sociétaires.
Mises en examen et perquisitions
Au soir de l’élection, c’est donc un Conseil de surveillance restreint qui est sorti des urnes. Une instance intégralement composée de membres ou sympathisants du Syndicat Maritime Nord, emmenés par son emblématique leader, Didier Cappelle (dont le mandat n’a pas été remis en jeu puisque son nom n’est pas sorti lors du tirage au sort). Alors que la Scop fait l’objet, ces derniers mois, de luttes de pouvoir internes, les partisans d’une ouverture du Conseil de surveillance à d’autres tendances que celle du SMN ont reçu une douche froide. Ils pensaient qu’il existait au sein de l’entreprise une majorité refusant un « retour en arrière ». Et ils comptaient aussi, sans doute, sur le fait que Didier Cappelle et de deux autres leaders syndicaux sont mis en examen dans le cadre d’une enquête sur les comptes de l’ancien comité d’entreprise de SeaFrance. Alors que la justice cherche à savoir s’il y a eu entre 2000 et 2012 des transferts d’argents illégaux entre les compte du CE et ceux du syndicat comme de certains de ses membres, les domiciles des mis en examen ont, selon Nord Littoral, été perquisitionnés hier matin par les gendarmes.
Vers une pluralité syndicale ?
Malgré cela, Didier Cappelle et le SMN sortent grands gagnants des élections. Et, même si la création d’un second syndicat intervient l’an prochain afin d’instiller dans la compagnie un peu de pluralité, la centrale historique est désormais bien ancrée, pour ne pas dire indéboulonnable. D’aucuns doutent d’ailleurs que la prochaine assemblée générale, prévue en juin et au cours de laquelle sera de nouveau proposée l’augmentation du nombre de membres au Conseil de surveillance, y change quoique ce soit. Cela, alors que l’entrée dans le jeu d’une quarantaine de nouveaux sociétaires pourrait renforcer les troupes du SMN.
Délicat rapport de forces
Il conviendra donc de voir comment les choses vont se passer dans les prochains mois et, notamment, comment évolueront les relations entre la direction de la compagnie et le Conseil de surveillance de la Scop, le torchon ayant officiellement brûlé l’été dernier entre les deux. Portés par le résultat de l’élection d’hier, les leaders de la société coopérative vont-ils tenter de reprendre le pouvoir et de pousser vers la sortie Jean-Michel Giguet, président du Directoire de la compagnie, ainsi que son équipe ? C’est toute la question. Toutefois, si le rapport de force semble aujourd’hui en faveur du Conseil de surveillance, ce dernier n’a pas toutes les cartes en main, loin s’en faut.
Eurotunnel : le doigt sur le bouton en cas de putsch
Le véritable maître du jeu demeure Eurotunnel, qui a racheté trois des quatre anciens navires de SeaFrance et les loue à MyFerryLink. Compte tenu des déboires de l’ancienne compagnie et des accusations pesant sur le SMN, que la CFDT avait radié en 2012 après que François Chérèque ait évoqué des « pratiques douteuses », le groupe ferroviaire avait posé comme condition que Didier Cappelle, à l’origine de la création de la Scop, ne prenne pas la tête de la compagnie. C’est Jean-Michel Giguet, ancien dirigeant de Brittany ferries, qui avait été imposé. Et Eurotunnel, qui n’a probablement aucune envie de voir le SMN prendre les commandes opérationnelles de l’armement, conserve un moyen de pression crucial. Il s’agit de la charte d’affrètement des navires, dont la durée n’est que de trois ans et qui, en l’occurrence, s’achève en juin 2015. Une carte sur laquelle le groupe peut jouer pour éviter un putsch potentiel contre la direction. Mais cette arme demeure très sensible politiquement puisque si les Berlioz, Rodin et Nord Pas de Calais n’étaient plus affrétés à la Scop, cela signifierait purement et simplement la mort de MyFerryLink.