Même si le bras de fer avec l’autorité britannique de la concurrence (Competition Commission) n’est pas terminé, on se montre confiant et satisfait au sein de MyFerryLink. Il faut dire que la décision annoncée mercredi de la Competition Appeal Court (CAC) de ne pas valider les conclusions de la CC et de demander à celle-ci un complément d’enquête donne du temps à la compagnie française, qui peut continuer d’opérer sur le détroit et préparer la suite avec ses avocats. « C’est une décision très importante et une belle victoire », se réjouit Raphaël Doutrebente, directeur général adjoint de MyFerryLink, qui ne cache pas sa joie : « Nous sommes très contents pour la société, qui a permis de créer 600 emplois en moins d’un an. C’est pour les familles que nous avons été émus car tout le monde va, ainsi, pouvoir passer de bonnes fêtes de fin d’année ».
Une ligne de défense en plusieurs axes
Pour mémoire, la Competition Commission avait dans ses conclusions du 6 juin dernier interdit à MyFerryLink d’opérer dans le port de Douvres (sous six mois), arguant que l’armement exploite des navires appartenant à Eurotunnel, ce qui à ses yeux constitue une fusion des deux sociétés. De quoi, en cumulant leurs parts de marché, déstabiliser la concurrence dans le détroit. Une position contestée par Eurotunnel et la société coopérative (SCOP) exploitant MyFerryLink et qui loue les navires au groupe ferroviaire. Les Français ont forgé une ligne de défense sur plusieurs axes : Ils contestent la notion de fusion, réfutent qu’Eurotunnel ait la moindre influence sur la SCOP et dénoncent le non respect de certaines procédures d’information. Une stratégie qui a donc pour le moment payé.
Nouvelle procédure
Même si elle ne s’est pas prononcée sur le fond de l’affaire, la CAC, en n’entérinant pas les conclusions de la CC, impose à celle-ci de revoir sa copie. « Ils doivent reprendre tout à zéro et, cette fois, nous allons être partie prenante dans le débat, alors qu’auparavant il n’y avait qu’Eurotunnel. Aucun délai n’a été déterminé ». Ce qui, pour Raphaël Doutrebente, signifie en termes de calendrier que la nouvelle procédure va prendre du temps. Peut-être même beaucoup de temps, surtout que la compagnie pourra de nouveau, le cas échéant, formuler un appel si les nouvelles conclusions de la CC ne lui conviennent pas… « Nous allons pouvoir imprimer les tee-shirts pour fêter notre second anniversaire (à l’été 2014, ndlr) et je pense que nous avons eu raison de travailler non seulement sur l’année 2014, mais également sur 2015 et 2016 », affirme-t-il. Le rapport de force entre la CC et la compagnie française s’est, en tout cas, probablement rééquilibré et la première va, sans doute, être plus prudente désormais. Cela ne signifie nullement que l’affaire est réglée, mais MyFerryLink peut peaufiner plus sereinement sa stratégie de défense, bien que le directeur général de la compagnie, qui garde apparemment quelques munitions en réserve, estime que la plupart des griefs de la CC ont déjà été battus en brèche : « Nous avons réussi à démontrer que la SCOP et Eurotunnel ne sont pas la même entreprise et qu’Eurotunnel n’a pas d’influence sur la société d’exploitation ».
« Clients rassurés » et nouveaux records de trafic
En attendant la prochaine confrontation, il reste donc à se concentrer sur le développement de l’activité. Avec deux bonnes nouvelles intervenues cette semaine puisque MyFerryLink a battu à deux reprises son record de trafic, qui a récemment atteint, pour la première fois, le cap des 1500 pièces de fret transportées dans la journée. Mardi, on a en comptabilisé 1559 et, le lendemain, les trois navires de la compagnie en ont transporté 1569. « C’est un très bon niveau, qu’il va falloir maintenir. Nous sommes pas encore tout à fait à 70% de taux de remplissage, donc nous avons de la marge ». Surtout que l’économie de l’autre côté de la Manche semble repartir, le gouvernement britannique venant de revoir à la hausse ses prévisions de croissance : 1.4% contre 0.8% pour 2013 et, surtout, 2.8% au lieu de 1.5% en 2014. « Le trafic va continuer de croître et, même si nous conservons la même part de marché, notre activité sera mécaniquement à la hausse ». Pour l’heure, MyFerryLink détient 11% de parts de marché sur le fret et 8% sur les passagers. Quant aux clients, qui auraient pu être effrayés par l’épée de Damoclès que faisait peser la Competition Commission au dessus de la compagnie, Raphaël Doutrebente assure que les doutes sont levés. « Nos clients sont rassurés et nous font confiance, ce qui est le plus important ».