Dumping social, aides sociales, annulation du contrat de délégation de service public... Corsica Ferries est au centre de nombreuses attaques, surtout dans cette époque de tensions sociales sur les ferries méditerranéens. Pierre Mattéi, directeur général de l'armement, fait le point sur ces différentes controverses. __________________________________________________MER ET MARINE Lors des mouvements sociaux qui agitent la SNCM, Corsica Ferries fait régulièrement l'objet d'attaques sur sa politique, notamment en ce qu'elle pratiquerait du dumping social, grâce au pavillonnement de ses navires au second registre italien. Quelle est votre réaction par rapport à ces positions ? PIERRE MATTEI C'est complètement faux. Et cela d'abord pour des raisons légales. Le règlement européen de 1992 prévoyant l'ouverture du cabotage interne aux compagnies communautaires a été transposé en droit français et précisé par un décret ministériel de 1999, pris la veille de la première rotation de Corsica Ferries entre Bastia et Nice. Celui-ci prévoit que tout armateur pratiquant du cabotage interne en France, quelque soit son pavillon, doit appliquer les conventions collectives françaises. Ce que, évidemment, nous faisons depuis lors. Nos marins ont exactement les mêmes droits liés à la convention collective que les marins français. Évidemment, eux ne cotisent pas à l'Enim, mais à son équivalent italien. Et nous n'avons pas la même grille de salaires, liée à des accords d'entreprise spécifiques, que nos concurrents. Mais nous sommes contrôlés régulièrement par les Affaires Maritimes françaises, tant sur le plan du respect des normes sociales que des règles de sécurité. Et nous n'avons jamais eu de problème. Je ne comprends, dès lors, pas sur quoi se fondent ces accusations de dumping social. On évoque également souvent du dumping fiscal par rapport à ce choix du pavillon italien... Ce qui est absurde également. Tous les pays communautaires aident leurs armateurs, tous créent des conditions de pavillonnement favorables. La France et l'Italie pratiquent toutes les deux la taxe au tonnage et le remboursement des charges patronales. L'Italie permet le remboursement des charges salariales, mais la France permet de monter des GIE. Les systèmes d'aides sont tout à fait comparables dans les deux pays. Mais alors pourquoi le pavillon italien ? C'est historique. La compagnie a été fondée en 1968 avec des associés italiens. Elle a commencé par desservir les îles italiennes, la Corse n'est arrivée qu'en 1999. Nous avons toujours navigué sous pavillon italien. Et toute la flotte a ce pavillon, parce que c'est bien plus aisé si nous voulons redéployer un navire ou modifier une rotation. Corsica Ferries perçoit, pour le transport de passagers, entre la Corse et le continent, des subventions, dites aides sociales, quel en est le principe et qu'est ce que cela représente pour la compagnie ? Entre la Corse et le continent, le principe de continuité territoriale se décline de deux façons. D'un côté, il y a la délégation de service public qui prévoit pour les titulaires des obligations de fréquence de desserte et de tarifs. A la fin de l'année, l'office des transports de Corse paie le déficit engendré par l'exercice de ces contraintes liées au service public. L'année dernière, celui-ci a représenté 180 millions d'euros. La délégation de service public est actuellement exercée au départ de Marseille conjointement par la SNCM et la CMN. Nous avons contesté devant les tribunaux certains éléments de ce contrat que nous estimions qu'ils ne devaient pas y figurer, notamment les « compléments de mesure », qui sont des subventions liées au transport de passagers au départ de Marseille. La cour de Marseille a effectivement jugé que ces dispositions étaient contraires au droit de la concurrence et a ordonné l'annulation de ce contrat. L'assemblée territoriale de Corse va très prochainement travailler sur le cahier des charges de la prochaine DSP. En ce qui concerne l'aide sociale, il s'agit d'un système mis en place en 2001 au départ des ports ne rentrant pas dans la DSP, en l'occurrence Nice et Toulon. Il s'agit d'une participation publique au transport de certaines catégories de passagers : les jeunes, les familles, les personnes âgées, les personnes handicapées, les résidents corses. Dans le ticket que nous vendons, nous intégrons déjà le montant de cette aide. Tous les mois, nous devons présenter des justificatifs de la vente de ces tickets à l'office des transports de Corse, qui nous rembourse le montant de l'aide sociale. Pour l'année dernière, cela représente 16 millions d'euros, 14 millions d'euros sont revenus à Corsica Ferries, 2 millions à la SNCM. Dans quel état d'esprit êtes-vous à l'approche du nouveau contrat de délégation de service public ? Nous espérons que le cahier des charges et le lauréat seront rapidement connus. De cette manière, le délégataire, mais également les candidats malheureux, pourront rapidement ajuster leur flotte et les rotations. Nous sommes donc suspendus à cette décision. Ce seront les conditions qui en découleront qui nous donneront les priorités pour l'évolution de notre flotte. Nous avons beaucoup investi avant la crise, mais nous restons attentifs à la fois à l'évolution du marché de la vente de navires ainsi qu'au contexte règlementaire. _______________________________________________________ Propos recueillis par Caroline Britz © Mer et Marine, février 2012
Pierre Mattéi : « Je ne comprends pas ces accusations de dumping social »
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