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Cela fera bientôt un mois que le pétrolier italien Enrica Lexie est à l'ancre devant le port de Cochin, dans la province du Kerala, au sud-ouest de l'Inde. Depuis un mois il est au centre d'un différend diplomatique de grande ampleur entre les gouvernements italiens et indiens. A la genèse de celui-ci, la mort de deux pêcheurs indiens, dans la nuit du 15 février dernier. Alors qu'ils étaient en pêche, au large des côtes du Kerala, ils auraient été tués par des tirs effectués par des militaires italiens, membres de l'équipe de protection embarquée à bord de l'Enrica Lexie. Les deux militaires sont actuellement à Cochin en détention provisoire. Celle-ci vient d'être prolongée jusqu'au 2 avril par la justice indienne. Des circonstances troubles Depuis un mois, l'affaire envenime les relations entre l'Inde et l'Italie. D'abord parce que l'on ne sait toujours pas avec précision ce qu'il s'est passé. Au début de l'enquête, deux versions se sont rapidement opposées. Celle des militaires de l'EPE qui, dans un rapport transmis au procureur de Rome, relatent une attaque survenue dans l'après-midi du 15 février, à 33 milles des côtes indiennes, dans les eaux internationales. Ils précisent qu'ils ont repéré au radar, un navire faisant route de collision avec le pétrolier. Ils auraient alors appliqué les règles d'engagement en effectuant un tir de semonce alors que l'embarcation suspecte se trouvait à 500 mètres du navire, un autre lorsqu'elle est arrivée à 300 mètres, un troisième à 100 mètres. Une version complètement différente de celles des autorités indiennes qui situent l'incident beaucoup plus près de la côte, de nuit, et qui annoncent avoir retrouvé 16 impacts de balles dans la coque du bateau de pêche, s'ajoutant aux quatre balles ayant touché mortellement les deux pêcheurs. Impossible ont immédiatement rétorqué les Italiens, qui expliquent que cela impliquerait que l'ensemble des tirs effectués auraient été des tirs au but. Dans la nuit du 15, les gardes-côtes indiens auraient contacté l'Enrica Lexi pour lui demander de venir au port de Cochin afin d'y subir une inspection, notamment en raison de la présence d'hommes armés à bord. Malgré l'avis contraire qu'aurait donné la marine italienne, le commandant du navire aurait choisi d'obtempérer. A son arrivée à quai, le navire a été bloqué par la justice et deux des six membres de l'EPE, auteurs présumés des tirs, placés en garde-à-vue puis en détention provisoire. Et depuis, le ton monte entre Rome et New Dehli. Surtout que le déroulé des faits n'est toujours pas établi. Les photos produites par les membres de l'EPE ne permettent pas d'identifier l'embarcation suspecte. Le lieu précis de l'évènement n'est toujours pas établi. Les autorités judiciaires et maritimes indiennes ont inspecté l'ensemble du navire et les données communiquées ne sont que parcellaires. La question de l'encadrement juridique de l'intervention des EPE Dans une lettre du 12 mars dernier adressé à l'Inde, l'ambassade italienne écrit que les militaires bénéficient d'une immunité juridictionnelle dans l'exercice de leur fonction officielle de protection du navire. Il dit également qu'une procédure a déjà été ouverte à Rome. "Le détachement de la marine italienne a opéré dans les eaux internationales, et à ce titre, doit être considéré comme un organe de l'état italien. Les marins italiens ont agi en accord avec les règlementations nationales italiennes et avec les règles internationales de la convention internationale sur le droit de la mer de 1982 et celles de la résolution du Conseil de Sécurité sur la piraterie au large de la Corne de l'Afrique", explique la diplomatie italienne. Des arguments juridiques qui ne sont pour l'instant pas entendus par les juridictions indiennes. Un pas pourrait cependant être franchi dans les jours qui viennent puisque la direction générale de la marine marchande indienne a indiqué que l'Enrica Lexie n'avait plus besoin d'être retenu à Cochin, puisque l'ensemble des preuves nécessaires à l'enquête ont été recueillies". L'affaire, au-delà de la délicate question de la détention des militaires italiens, a mis à jour les lacunes juridiques de la protection armée des navires. La Commission européenne a déjà annoncé son intention d'étudier le problème.

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