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Les remorqueurs spécifiquement conçus et construits pour opérer en milieu portuaire ont parfois une carrière au long-cours au bout de plusieurs années. Un exemple type est celui du Roscanvel, une unité de 309 tonneaux de jauge brute commandée par l’Union des Remorqueurs de l’Océan à la fin des années soixante-dix.

Après avoir emporté le contrat en décembre 1979, la Société des Chantiers de Normandie débute la construction du remorqueur sur son site de Grand Quevilly puis procède au lancement de la coque d’une longueur de 33,70 mètres (29,90 entre PP) pour une largeur de 9,73 le 02 juin suivant. Pendant près de dix mois, les travaux de finitions et d’essais divers se poursuivent en Haute-Normandie sous le contrôle des ingénieurs de l’URO. Et, le 24 avril 1981, au terme de ses essais et procédures de mise en service validés, le Roscanvel descend la Seine pour rejoindre Brest, son port d’attache. Avec un tirant d’eau de 4,20 mètres qui lui permet d’avoir une hélice à pales orientables Lips de grand diamètre entraînée par un embrayeur-réducteur Citroën-Messian, le remorqueur offre une force de traction au croc de 50 tonnes. Il faut dire que son unique moteur diesel Crépelle à 4 temps de 16 cylindres en Vé développe une puissance de 2280 Kw, soit 3100 ch. Le Roscanvel se montre en outre très performant pour assister les très gros navires venant dans les cales sèches du port finistérien, notamment les pétroliers géants de Shell ou C.N.N Batillus, Bellamya, Pierre Guillaumat et Prairial. Mais en 1989 alors qu’il n’a que huit ans, il est vendu à la S.E.R.S – Societa Esercizio Rimorchi & Salvataggi – de Naples et prend la direction du sud de l’Italie où il sera rebaptisé Luca Primo et enregistré à Naples. Avec ses emménagements conçus pour accueillir 12 personnes en six cabines, il devient très utile pour assurer des suppléances dans les ports voisins mais aussi pour des convoyages de barges ou engins de travaux dans le golfe de Naples et vers les îles éoliennes. Puis avec un équipement de lutte contre l’incendie composé de 2 pompes à incendies de 125 m3/h, il permet à la S.E.R.S de le déployer sur des zones de sinistres.

Remplacé en 1998 par une unité fraîchement sortie de chantier, le Luca Primo change de propriétaire mais conserve toutefois son pavillon italien. Acheté par la Societa Rimorchiatori Sardi – qui est en fait la branche de remorquage du groupe Onorato mieux connu pour sa flotte de ferries au préfixe Moby – il quitte Naples pour se rendre à Cagliari où il officiera pendant huit ans sous le vocable de Mascalzone Nnammurato. En Sardaigne, l’ancien Roscanvel aura assuré de multiples missions dans le port historique où accostent cargos, ferries ou paquebots de croisières, dans la darse du tout récent terminal à conteneurs mais encore pour les accostages le long des appontements de la raffinerie SARAS de Sarroch, qui est d’ailleurs la plus importante industrie de l’île.       

C’est au terme de 25 ans (2006) de bons et loyaux services d’opérations portuaires que le Mascalzone Nnammurato passe sous le contrôle de la compagnie Eclipse Shipping Towage d’Istanbul qui le transfère sous pavillon panaméen. Rebaptisé Lore, il débute sa nouvelle vie sur des contrats de convoyage, en particulier pour alimenter le site de démolition turc d’Aliaga avec de vieilles coques récupérées dans différents ports d’Europe du Nord. On le voit ensuite sur la Côte de l’Afrique de l’Ouest, du Moyen-Orient pour des missions diverses. Il rechange ensuite de pavillon en prenant celui du Belize avec un nom quelque peu modifié en More. Mais il continue ses opérations de remorquage au long-cours comme la descente d’automoteurs fluviaux vers le Sénégal en octobre 2013. De ce pays africain, il poursuit vers le Cap de Bonne Espérance puis l’Extrême-Orient où il « grenouillera » pendant sept ans. Jusqu’à ce que ses dernières positions AIS le situent en escale à Tokyo le 12 mai 2020 puis, neuf jours plus tard à l’arrivée à Hai Phong.

Depuis cette date, son système de positionnement n’émet plus, ce qui laisse planer le doute sur sa situation actuelle. L’ancien Roscanvel est-il toujours en activité sur le fleuve Rouge – Sông Cam – pour remorquer des barges ? Est-il abandonné sur l’une des rives en servant de logement pour une famille ou est-il démoli ?

Si l’un des lecteurs possède des informations ou des photos pouvant compléter cet article, ils seront les bienvenus.   

Texte et photos:  Marc OTTINI

272905 Roscanvel URO
© MARC OTTINI

272907 Roscanvel URO
© MARC OTTINI

En octobre 2013, le More était venu se mettre à l’abri en Baie de Seine avant de poursuivre sa route vers Dakar avec les automoteurs Novara et Flot 5 –ex Sominflot 3. 

 

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