La promesse date du début du mois de décembre, et c’est le premier ministre lui-même qui l’a faite à l’occasion du Comité interministériel de la mer : la loi de 1992, qui réserve une partie du transport de brut au pavillon français, va être élargie aux produits raffinés.
Mais le projet de loi est loin d’être déposé. Entre temps, Maersk Tankers France a confirmé la cessation de ses activités, Socatra et Sea-Tankers, les deux autres armements spécialisés en transport de raffinés, s’inquiètent de leur avenir dans un marché mondial très difficile. Et ce retard préoccupe tout le monde, notamment les syndicats, très échaudés par le précédent Maersk Tankers.
Un consensus du côté des professionnels
Plusieurs réunions, avec les fédérations syndicales, les armateurs et les représentants du secteur pétrolier ont eu lieu de la mi-décembre jusqu’au 20 janvier dernier à l’hôtel de Roquelaure, sous l’égide de la direction des Affaires maritimes et de la direction de l’Energie, les deux services instructeurs de ce nouveau projet de loi.
Ces travaux ont permis de trouver un consensus pour le principe de l’élaboration du nouveau texte, qui pose plusieurs questions juridiques, notamment au secteur pétrolier.
Le marché de la distribution du raffiné est très loin du secteur maritime
En effet, le secteur de l’approvisionnement en produits raffinés n’est pas celui du traitement du pétrole brut, où évoluent les majors pétrolières, familières du monde maritime. La distribution du raffiné est autant l’apanage d’entreprises pétrolières que celui des distributeurs de type grandes surfaces, voire même des petits détaillants. Autant d’acteurs qui ne connaissent, ni de près ni de loin, les contraintes de l’affrètement maritime ou les subtilités des responsabilités découlant du contrat de transport pétrolier, y compris dans les responsabilités pénale et civile, conséquentes à la jurisprudence Erika.
Il paraît dès lors compliqué de faire porter à ce secteur très atomisé l’exécution de cette obligation d’affrètement de navires français.
Un appel d’offres pour les armateurs
D’où l’idée de transformer cette obligation d’affrètement en obligation de garantie d’import sous pavillon national, calculée sur le pourcentage de la consommation de produits raffinés sur le territoire. Concrètement, cela pourrait se traduire par le lancement d’un appel d’offres via, par exemple, un comité professionnel réunissant les assujettis à l’obligation de garantie (donc tous les distributeurs), auxquels les armateurs répondraient. Cette procédure, qui serait sans doute pluriannuelle, préciserait un cahier des charges sur les navires qui exécuteraient cette obligation de garantie : critères de qualité, de sécurité et, évidemment, d’emploi de personnels français, ou plutôt communautaires conformément au droit européen. L’appel d’offres prévoirait un prix pour compenser l’éventuel surcoût lié au pavillon français. Ce prix pourrait être payé par les assujettis ou basé sur une redevance perçue sur les opérations.
Le dossier est sur le bureau des ministres
Ce scénario, s’il en est un parmi d’autres, est celui qui a recueilli le plus d’avis favorables des différents acteurs du secteur et partenaires sociaux. D’autres ont été proposés. Ils sont désormais à l’étude dans les services instructeurs. Ce que confirme le cabinet de Frédéric Cuvillier, ministre des Transports, de la Mer et de la Pêche, qui parle d’un travail « dense » en cours.
Du côté des armateurs et des syndicats, on attend. « C’est un chantier que nous portons depuis très longtemps », rappelle Eric Banel, délégué général d’Armateurs de France, « il est non seulement très important pour garder une filière et un savoir-faire en France, pour garantir des emplois et la pérennité de nos entreprises, mais également pour répondre à un impératif de sécurité nationale en matière d’approvisionnement stratégique ».
Il y a en tous cas urgence. Car, dans un contexte mondial particulièrement concurrentiel et déprécié, il ne faudrait pas qu'après Maersk Tankers France, un autre armement tricolore fasse les frais des lenteurs administratives.