Dans des conditions météorologiques difficiles, une délicate opération d'assistance à un navire de commerce en difficulté a été menée hier en Manche. La veille au soir, un vraquier de 185 mètres immatriculé à Antigua et Barbuda avait signalé au Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage (CROSS) de Jobourg une avarie totale de son système de propulsion. Parti de Saint-Pétersbourg, le Federal Miramichi faisait route vers le Brésil avec, dans ses cales, 22.900 tonnes d'urée, un produit chimique azoté non dangereux pour l'environnement. Dans l'impossibilité d'effectuer les réparations en mer, le capitaine du navire, qui compte 21 membres d'équipage, a annoncé son intention de passer un contrat de remorquage. Le remorqueur français d'intervention, d'assistance et de sauvetage (RIAS) Abeille Liberté était à disposition, prêt à appareiller de Cherbourg, où il était en attente en grande rade en raison de l'alerte météo. Mais l'armateur du Federal Miramachi, sans doute pour des questions de coûts, a préféré recourir à la société grecque Gigilinis. L'Hellas (© : MARINE NATIONALE - FREDERIC DUPLOUICH) Un vieux remorqueur s'acharnant sans succès pendant 15 heures Celle-ci a dépêché l'Hellas, un vieux remorqueur de 50 mètres, datant de 1975, immatriculé à Saint-Vincent-Grenadines et affichant une capacité de traction de 75 tonnes. Arrivé sur place à minuit, l'Hellas a mis 5 heures pour passer une remorque sur le Federal Miramachi. Mais le câble a cédé au bout de 45 minutes. Suivant la situation de très près, le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, considérant que l'opération se présentait mal et que les moyens de remorquage n'étaient probablement pas adaptés, a par précaution fait appareiller l'Abeille Liberté. Appartenant aux Abeilles International (groupe Bourbon) et affrété par la Marine nationale depuis sa mise en service en 2005, le puissant remorqueur, long de 80 mètres et affichant une puissance de traction de 200 tonnes, a rejoint le Federal Miramichi et l'Hellas. l'Abeille Liberté (© : MARINE NATIONALE - FREDERIC DUPLOUICH) L'Hellas, la Liberté et le vraquier (© : MARINE NATIONALE - FREDERIC DUPLOUICH) Alors que la météo était toujours mauvaise, avec une mer de force 7 et des rafales de vent à 45 noeuds, la situation n'avait toujours pas évolué à midi. Le vraquier menaçant de dériver vers l'île de Guernesey, le préfet maritime a donc mis en demeure l'armateur du Federal Miramichi de prendre les mesures nécessaires pour faire remorquer son navire en toute sécurité vers un abri avant la tombée de la nuit. Dans une ultime tentative, l'Hellas est parvenu à passer de nouveau une remorque vers 15 heures. Mais, comme cela s'était passé le matin, elle n'a pas résisté à la tension. Contraint et forcé, l'armateur du Federal Miramachi a alors conclu un contrat d'assistance avec l'Abeille Liberté, qui continuait de monter la garde à proximité. Rompu aux manoeuvres de sauvetage et doté du matériel approprié, l'équipage du RIAS n'a mis que 20 minutes pour passer la remorque et prendre en charge le vraquier. Et ceci dans des conditions très dures, avec des creux atteignant 11 mètres ! Solidement accroché à l'Abeille Liberté, le Federal Miramichi a mis le cap sur Cherbourg, où le convoi doit arriver ce vendredi matin. L'Abeille Liberté remorquant le Federal Miramachi (© : MARINE NATIONALE - FREDERIC DUPLOUICH) L'Abeille Liberté remorquant le Federal Miramachi (© : MARINE NATIONALE - FREDERIC DUPLOUICH) L'Abeille Liberté remorquant le Federal Miramachi (© : MARINE NATIONALE - FREDERIC DUPLOUICH) La nécessité de disposer de moyens adaptésCette opération est intéressante car elle démontre, une fois de plus, la nécessité de disposer de moyens d'assistance dédiés à la protection des côtes. Elle renvoie aussi à la décision de la Grande-Bretagne d'arrêter d'affréter de grands remorqueurs de sauvetage pour des raisons budgétaires. Le gouvernement britannique arguait notamment de la possibilité, pour les armateurs dont les navires sont en difficulté, de faire appel à des sociétés disposant de remorqueurs autour des îles britanniques. S'il est vrai qu'au large de l'Ecosse, la forte activité pétrolière offshore induit la présence de puissants navires, il n'en va pas de même en Manche, où les seuls bâtiments capables d'intervenir toute l'année, 24h/24 et sur les plus grands bateaux, sont les RIAS français : L'Abeille Liberté à Cherbourg et L'Abeille Languedoc dans le Pas-de-Calais. Il est d'ailleurs permis de se demander ce qui se serait passé si la Liberté n'avait finalement pas pris en charge le Federal Miramichi. Vieux, pas assez équipé et manifestement pas assez puissant, l'Hellas, malgré 15 heures de tentatives, s'est révélé incapable de prendre en remorque le vraquier. Sans l'intervention du RIAS français, le navire aurait sans doute continué de dériver, engendrant un danger important pour le trafic maritime. Sans compter un éventuel naufrage. Certes, il n'y avait dans les cales que de l'urée, mais les soutes à combustible contenaient, quant à elles, 750 tonnes de fuel et 20 tonnes de gazole. L'Abeille Liberté remorquant le Federal Miramachi (© : MARINE NATIONALE - FREDERIC DUPLOUICH) L'Abeille Liberté remorquant le Federal Miramachi (© : MARINE NATIONALE - FREDERIC DUPLOUICH)
Remarquable intervention de l'Abeille Liberté sur un navire en difficulté
Par
Vincent Groizeleau
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05/01/2012

© MARINE NATIONALE - FREDERIC DUPLOUICH