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Le tribunal de commerce de Paris, qui doit statuer sur l'avenir de SeaFrance, a décidé de reporter au 9 janvier l'audience prévue hier. La justice offre donc un nouveau délai aux salariés de la compagnie maritime. Une décision logique après les rebondissements intervenus lundi, lorsque Nicolas Sarkozy, contrairement à l'avis des ministres concernés, a décidé de soutenir le projet de Société coopérative et participative (SCOP) porté par des responsables de la CFDT de SeaFrance. Dans l'incapacité d'aider directement le projet, la Commission européenne ayant interdit à l'Etat et à la SNCF, maison-mère de SeaFrance, d'apporter de nouveaux financements publics, le gouvernement a imaginé une solution des plus étonnantes. Dans un premier temps, l'utilisation des indemnités chômage des 880 salariés de SeaFrance a été évoquée pour financer la SCOP. Puis la possibilité du versement d'une prime exceptionnelle a été avancée. Hier, Nathalie Kosciusko-Morizet a confirmé que l'Etat, via la SNCF, proposerait aux salariés le versement d'indemnités « extra-légales » dont le montant sera compris entre 50.000 à 60.000 euros par personne. Aux salariés, ensuite, d'investir cette somme dans la SCOP, qui pourrait alors bénéficier d'un chèque couvrant le montant estimé de ses besoins financiers pour démarrer, soit environ 50 millions d'euros. Le pari politique de l'Elysée Avec cette solution, l'Elysée joue un beau coup politique. Même si, dans les hautes sphères de l'Etat, personne ne semble croire à la SCOP, le gouvernement renvoie les tenants du projet à leurs responsabilités. Car, avec la solution avancée, les responsables de la coopérative doivent convaincre les salariés calaisiens d'investir leurs indemnités potentielles dans la société. Or, dans une région déjà sinistrée par le chômage et dans un contexte économique très difficile, rien n'est moins évident. Et des questions se posent, comme de savoir si l'indemnité extra-légale sera uniquement versée aux salariés choisissant de réinvestir l'argent dans la SCOP, ou bien à tous, quelque soit leur choix, ce qui pourrait inciter les familles, dans une période difficile, à ne pas vouloir risquer ce précieux pécule. Mais, en quelque sorte, ce n'est plus le problème du gouvernement, qui retourne habilement la volonté affichée par la CFDT de voir les salariés prendre en main l'avenir de leur entreprise. Tout repose alors sur la confiance desdits salariés. « Ce que nous proposons aujourd'hui c'est de donner les moyens aux salariés - puisque c'est ce qu'ils souhaitent - d'investir individuellement dans la coopérative, et après c'est leur choix de prendre en main leur destin (...). Mais ça relève de leur responsabilité. D'ailleurs c'est le principe d'une coopérative ouvrière, personne ne vous oblige à y entrer. Alors vous pouvez trouver que c'est fragile, en effet, mais nous proposons une solution », a déclaré Nathalie Kosciusko-Morizet chez nos confrères de RMC/BFM TV. La piste d'une société d'économie mixte Ayant parfaitement compris la manoeuvre, les tenants de la SCOP se disent défavorables à cette initiative gouvernementale. Car elle implique la liquidation judiciaire de SeaFrance et, par conséquent, la perte d'emploi pour les 880 salariés. Quant aux quatre navires, ils seraient vendus aux enchères, l'Etat proposant que la SNCF rachète la flotte pour la louer à la SCOP. Mais il n'y a là aucune assurance. Par conséquent, les porteurs du projet maintiennent leur volonté de récupérer l'ensemble de la société actuelle, avec transfert de propriété des navires à la société coopérative et maintient des actuels contrats de travail. Cela passerait par une cessation d'activité de la société actuelle, plutôt qu'une liquidation. Du côté de la SCOP, on demande que le soutien public se fasse au travers d'une simple avance de fonds, le temps que la compagnie se relance. On évoque aussi la piste d'une société d'économie mixte, qui allierait la coopérative ouvrière et les collectivités locales, un peu sur le modèle de Brittany Ferries en Bretagne et en Normandie. La SEM pourrait, dans ce cas, acquérir les navires, alors que les collectivités locales, région Nord-Pas-de-Calais en tête, ont promis un soutien de l'ordre de 15 millions d'euros. Mais ces aides éventuelles seront examinées à la loupe par les autorités européennes de la concurrence, ainsi que par les avocats des compagnies concurrentes de SeaFrance. Ainsi, hier, P&O Ferries a réaffirmé qu'elle porterait plainte auprès de Bruxelles en cas de soutien public pour le sauvetage de la compagnie française.

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