Le dossier SeaFrance semble vraiment être en train de s'enliser. Les responsables syndicaux CFDT, porteurs du projet de reprise de la compagnie via une Société coopérative et participative (SCOP), sont au pied du mur. L'audience du tribunal de commerce est programmée lundi prochain et il n'y a toujours aucune solution de financement pour réunir les 50 millions d'euros nécessaires au lancement de la coopérative. Une énième réunion s'est tenue hier matin entre les syndicalistes et les ministres Nathalie Kosciusko-Morizet et Thierry Mariani, après le refus, mercredi, des propositions présidentielles de financement de la SCOP par le versement anticipé des indemnités de chômage aux 880 salariés de SeaFrance. A la sortie de cette réunion, force était de constater que le dialogue de sourds continuait. D'un côté, les ministres, contraints par les déclarations présidentielles, qui tentent d'avancer des solutions euro-compatibles pour financer la SCOP et préserver le patrimoine de l'entreprise. Nathalie Kosciusko-Morizet a, ainsi, indiqué avoir demandé à la SNCF, maison-mère de SeaFrance, de se porter acquéreur des navires pour les louer « au prix du marché ». Cela reviendrait à la SCOP, selon les calculs de la SNCF, à environ 9 à 10 millions d'euros par an. « Inacceptable », selon les syndicalistes, qui, pour éviter la liquidation de SeaFrance, réclament un prêt de 50 millions d'euros qu'ils estiment pouvoir être remboursé au bout de cinq mois par la vente de l'un des quatre navires de l'armement. Les syndicats refusent le plan de reclassement de la SNCF Inacceptable également, toujours selon les syndicats, la proposition de Guillaume Pépy, patron de la SNCF, qui propose, en cas d'échec du projet de SCOP, un reclassement de tous les salariés dans le groupe « sans un jour de chômage ». Des emplois que la SNCF ne peut évidemment pas garantir dans le même métier et pas toujours dans la même région. Le groupe ferroviaire pourrait notamment proposer à certains de devenir chauffeurs d'autocars pour son nouveau service de bus à longue distance. « C'est du grand n'importe quoi », s'insurge Eric Vercoutre, délégué syndical CFDT. « Lors du premier plan social, la SNCF avait promis le reclassement de 450 personnels de SeaFrance au sein de la SNCF. Trois cent vingt-cinq sont aujourd'hui aux Prud'hommes, les 880 salariés ne veulent pas aller conduire des bus à l'autre bout du territoire. Nous voulons avant tout conserver des emplois à Calais ». En attendant, l'échéance de l'audience au tribunal se rapproche. Et les porteurs de projet ont jusqu'à ce vendredi soir pour présenter un « business plan » au gouvernement. Un délai qui indigne la CFDT. En face, les ministres ne cachent pas leur agacement. « On a apporté tous les éléments pour que le projet puisse être déposé si ses auteurs le veulent. Maintenant, on est quand même en droit de se poser la question de savoir si la volonté de sauver les emplois est réelle des deux côtés », a indiqué Thierry Mariani. La confédération CFDT prend nettement ses distances Au sein même de l'entreprise, les dissensions sont fortes. La CGT, majoritaire chez les officiers, a clairement rappelé sa défiance vis-à-vis des responsables syndicaux CFDT. Un collectif regroupant des employés non syndiqués s'est créé dans la semaine pour réclamer la réouverture des négociations avec les armements Louis Dreyfus Armateurs et DFDS, anciens candidats à la reprise. Encore plus accablant, les responsables CFDT de SeaFrance sont désormais désavoués par leurs propres instances syndicales. Dans un communiqué commun, la Fédération générale des transports et équipements (FGTE-CFDT), l'Union régionale CFDT et même la Confédération CFDT, ont exprimé « leur désaccord » avec les leaders de ce syndicat « qui n'ont pas voulu examiner d'autres projets dont ceux de LDA-DFDS ». « C'est une erreur grave, il y avait des possibilités de sauvegarder un maximum d'emplois », disent ces organisations, précisant que la confédération « continuera d'oeuvrer pour que LDA maintienne son offre de reprise ». Et la confédération CFDT ne s'arrête pas là dans l'analyse de la situation, puisqu'elle écrit que « désormais, les salariés n'ont pas de perspectives pour sauver leurs emplois. Malheureusement, les responsables CFDT de SeaFrance portent une lourde responsabilité dans cette situation ». De lourdes accusations concernant les pratiques syndicales Encore plus grave et alors que la presse, Europe 1 en tête (*), médiatise des témoignages accablants sur les pratiques syndicales de SeaFrance, les instances nationales de la CFDT évoquent « les soupçons sur des pratiques obscures et frauduleuses des responsables CFDT de SeaFrance, que relaient les médias ». Le rapport de la cour des Comptes de 2009 refait également surface. A l'époque, les magistrats avaient épinglé la mauvaise gestion de l'entreprise et, notamment, ses ressources humaines : « les recommandations familiales, et surtout l'appui de la formation syndicale majoritaire, entrent comme un facteur déterminant dans la sélection des candidats (...), personnes peu motivées et n'ayant souvent aucune qualification », affirmait le rapport. Concernant l'ouverture en avril 2010 d'une enquête pour « abus de confiance » à la suite d'une plainte de la direction de SeaFrance par le parquet de Boulogne-sur-Mer, la confédération CFDT rappelle qu' « au stade des enquêtes judiciaires en cours, la présomption d'innocence prévaut ». Toutefois, elle précise immédiatement que « si les propos de la presse étaient confirmés par l'enquête judiciaire, la CFDT prendrait les décisions qui s'imposent en termes d'exclusion du syndicat Maritime Nord et de ses responsables ». ___________________________________________________ (*) VOIR L'ENQUETE D'EUROPE 1
SeaFrance : La SCOP et ses responsables en délicate posture
Par
Caroline Britz
-
05/01/2012

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