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C'est fini. Après un énième rebondissement - une offre de dernière minute d'Eurotunnel - le tribunal de commerce de Paris a prononcé hier midi la liquidation judiciaire de SeaFrance, laissant les 300 salariés venus de Calais médusés. « Trahison », c'est le mot qui est le plus revenu parmi la délégation majoritairement composée de syndiqués CFDT. Ceux-ci s'estiment à la fois trahis par leur confédération, qui, par la voix de François Chérèque, son secrétaire général, a publiquement condamné les pratiques syndicales internes à SeaFrance et annoncé des éventuelles exclusions, et par la classe politique. En pleine période électorale, celle-ci s'est pourtant largement mobilisée autour de ce dossier, à l'image du président Sarkozy qui a convoqué, dimanche, une réunion interministérielle afin de trouver une solution pour la reprise de la compagnie. Le futur candidat, qui a annoncé faire de l'emploi sa priorité pour 2012, s'était personnellement impliqué début janvier en demandant à ses ministres de travailler sur une solution euro-compatible pour trouver les 50 millions d'euros manquant au financement de la Société coopérative et participative (SCOP) portée par le syndicat CFDT. Mais la piste proposée - le versement en avance de super indemnités de licenciement que les salariés devaient injecter dans la coopérative - a rapidement été rejetée par les leaders CFDT. Ces derniers continuaient de réclamer une intervention directe de l'Etat sous forme de prêt à la Coopérative. La proposition de dernière minute d'Eurotunnel Et puis, hier matin, quelques heures avant le prononcé de la décision, est intervenue une soudaine et imprévue annonce de Jacques Gournon, patron d'Eurotunnel, un des principaux rivaux de SeaFrance. Celui-ci a déclaré vouloir participer au projet de SCOP, via « une structure de portage qui reprendrait les navires de SeaFrance pour ensuite les mettre à la disposition de la SCOP, qui serait l'opérateur de la compagnie », dans laquelle Eurotunnel serait majoritaire « quelque part entre 51 % et 100 % ». Une déclaration immédiatement saluée par Thierry Mariani, ministre des Transports. Face à cette annonce, l'avocat de la CFDT a demandé le report de l'audience. Ce que les juges ont refusé, compte-tenu de « l'urgence de la situation ». Et ils ont prononcé, à 12h30, la liquidation de SeaFrance avec cessation de l'activité. LDA propose de reprendre 300 marins sur deux navires battant pavillon français Quelques minutes plus tard, une cascade de réactions est intervenue : Thierry Mariani, qui a annoncé que « la totalité des pistes qui vont permettre aux salariés de retrouver un emploi vont être explorées ». Le premier ministre François Fillon a confirmé l'engagement gouvernemental à « trouver une solution » et a notamment annoncé vouloir « reprendre les discussions ». Une solution n'aura pas été longue à émerger puisque Nathalie Kosciusko-Morizet a annoncé dès hier soir, au journal de 20h de TF1, que « Louis Dreyfus Armateurs propose de mettre dans le détroit deux de ses bateaux et de reprendre 300 marins de SeaFrance, sous pavillon français, pour assurer la liaison Calais-Douvres ». Les deux navires évoqués sont sans doute le Norman Spirit, affrété depuis un mois par DFDS (avec qui LDA avait présenté un projet de reprise contesté par la CFDT) entre Dunkerque et Douvres, et le Côte d'Albâtre, actuellement en attente, ou le Norman Voyager, qui doit passer sous pavillon français d'ici la fin du mois. Le nom de DFDS n'a pas été évoqué par la ministre. Ce qui ne donne aucune indication quant au rapprochement éventuel entre cet armement et LDA dans le détroit. Les porteurs de projet de la SCOP n'abandonnent pas Les représentants de la SCOP ont, de leur côté, annoncé leur intention de poursuivre le combat et tenter dans les « prochains jours » de monter un nouveau projet commun avec Eurotunnel. « Une bataille a été perdue mais la guerre n'est pas terminée. La SCOP existe, elle est immatriculée et son objectif est de maintenir l'emploi », a déclaré l'avocat de la société. Maître Fouad Barbouch a ajouté qu'il existait toujours le projet de Société d'économie mixte avec les collectivités locales, prêtes à mettre 15 millions d'euros au pot. La constitution d'une SEM est conditionnée par l'intervention d'un partenaire privé. « Or, depuis vendredi, nous avons cet investisseur privé. Donc nous comptons nous battre dans cette direction, la création d'une SEM sur laquelle la SCOP s'adosserait. Mes clients vont rencontrer dans les prochains jours des représentants d'Eurotunnel pour déterminer cette collaboration et les modalités d'acquisition des navires ». Des licenciements notifiés dans les 15 jours L'avocat des salariés, Philippe Brun, a de son côté indiqué que, dans les 15 jours, les salariés se verraient notifier leur licenciement. La direction de SeaFrance va devoir mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi pour les 880 CDI à Calais et les 130 en Grande-Bretagne. « On n'exclut pas de faire appel », a- t-il ajouté, estimant que la décision de justice était « la traduction d'une volonté politique » qui s'est illustrée par « l'acharnement au niveau du gouvernement » de faire revenir un opérateur, Louis Dreyfus Armateurs et le danois DFDS « dont l'offre de reprise avait été boutée en novembre ». La flotte composée de trois ferries et un fréteur, devrait être vendue aux enchères, ce qui doit permettre d'éponger une partie des dettes de SeaFrance. Il conviendra de voir quels seront les acquéreurs potentiels de la flotte et si Eurotunnel sera en mesure de reprendre les navires. « J'espère que la cession d'actifs puisse s'organiser le plus rapidement possible et que puisse être déposée une offre qui fasse barrage à LDA », a déclaré maître Brun, précisant que selon lui les salariés n'investiraient par leurs indemnités de licenciement dans ce nouveau projet. Quant aux indemnités supplémentaires évoquées par le gouvernement, « c'est du bluff », estime l'avocat. Didier Cappelle, secrétaire général de la CFDT maritime Nord, s'est quant à lui dit « écoeuré » et a estimé qu'il y avait eu « un barrage idéologique » contre le fait que des salariés puissent devenir propriétaires de leur outils de travail. Faisant référence aux déclarations de défiance renouvelée dans la matinée hier par la confédération CFDT, il a déclaré trouver « triste l'attitude de François Chérèque » et préférer « garder la confiance des salariés » et continuer de défendre leur projet.

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