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Cela fera deux semaines, demain, que les salariés de la SNCM ont cessé le travail. Extrêmement inquiets pour l’avenir de la compagnie, ils réclament au gouvernement et à l’actionnaire majoritaire, Transdev, des garanties quant à la pérennité de l’entreprise, et notamment que les besoins de trésorerie soient couverts jusqu’en juin 2015. Le secrétaire d’Etat aux Transports, Frédéric Cuvillier, a affirmé samedi, dans une interview au quotidien La Provence, que la SNCM n’était pas en mesure, aujourd’hui, de commander de nouveaux navires. Et il a dans le même entretien évoqué pour la première fois l’hypothèse d’un redressement judiciaire. Des déclarations qui ont provoqué la colère des syndicats, accusant le secrétaire d’Etat de renier sa parole. Au nom du gouvernement, Frédéric Cuvillier avait, il est vrai, apporté son soutien en début d’année au plan de redressement de la SNCM et à la commande d’ici le 30 juin de quatre nouveaux navires aux chantiers de Saint-Nazaire. Une position gouvernementale qui, à l’époque, n’était sans doute pas dénuée d’intérêt politique, la gauche espérant encore remporter les élections municipales à Marseille. Passé le scrutin, qui n’a pas été favorable à la majorité, un retour à la réalité s’est imposé.

 

 

Aucune certitude sur les sommes réclamées par Bruxelles

 

 

Actionnaire majoritaire, avec 66% du capital, Transdev, société commune de Veolia et de la Caisse des Dépôts et Consignations, refuse la commande de nouveaux navires, un risque financier qu’elle ne compte pas assumer alors qu’elle cherche depuis des mois à se désengager de la SNCM. Mais c’est surtout à Bruxelles que se trouve le problème majeur, la compagnie se voyant réclamer par la Commission européenne 440 millions d’euros d’aides considérées comme indument perçues. Il y a là 220 millions d’euros injectés dans la compagnie au moment de sa privatisation, en 2006, et 220 millions d’euros de subventions attribuées entre 2007 et 2013 dans le cadre du service complémentaire, assuré par la SNCM dans le cadre de la délégation de service public entre Marseille et les ports corses. L’armement, comme l’Etat, contestent le remboursement de ces sommes, que l’entreprise n’a pas les moyens de payer et qui provoqueraient sa perte. Mais, malgré tous les effets d’annonce, on ne voit pas comment la SNCM pourrait y échapper. Même si la procédure s’éternise durant plusieurs années et que les sommes réclamées pourraient être réduites à l’issue des négociations, l’épée de Damoclès est toujours là et personne ne peut avoir la moindre certitude quant à l’issue de la procédure. Il est donc aisé de comprendre que, dans ces conditions, aucun investisseur privé ne peut investir en reprenant à son compte un tel risque.

 

 

Vers la liquidation ? 

 

 

D’où le spectre de voir la compagnie terminer devant le tribunal de commerce. Une finalité probablement considérée depuis longtemps comme inéluctable par les pouvoir publics mais que personne, jusqu’ici, n’avait osé exprimer publiquement au sein du gouvernement. La grève pourrait d’ailleurs accélérer le processus, puisqu’elle impacte directement la trésorerie de la SNCM et compromet le début de la saison estivale, pourtant cruciale pour l’activité de l’armement. Ainsi, au rythme ou vont les choses, le dépôt de bilan pourrait intervenir avant la fin de l’été. Si tel est le cas, le tribunal de commerce devra juger si l’entreprise peut bénéficier d’une procédure redressement ou bien être liquidée si elle n’est pas considérée comme suffisamment viable.

Alors que, jusqu’à preuve du contraire, la liquidation est la seule manière d’épurer définitivement le passif européen, il conviendrait de s’interroger sur l’opportunité de créer un nouvel armement au cas où la SNCM, telle qu’on la connait aujourd’hui, venait à disparaitre. Les besoins de DSP vers la Corse sont en effet avérés et, quoiqu’il arrive, La Méridionale, co-délégataire avec la SNCM du contrat de service public, ne pourra assurer seule la desserte des ports de l’île. Paul Giacobbi, président de l’exécutif corse, propose notamment la création d’un nouvel armement régional porté par une société d’économie mixte. D’autres solutions sont sans doute possibles, l’essentiel étant finalement de préserver au maximum l’emploi de marins français sur une ligne fortement subventionnée par les deniers publics. 

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