La SNCM a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Marseille, prononcé le vendredi 28 novembre. Deux administrateurs judiciaires, Me Abitbol et Me Douhaire, ont été nommés, alors que deux commissaires-priseurs ont un mois pour établir l’inventaire patrimonial de l’armement. Les juges consulaires ont choisi de placer l’entreprise en période d’observation de six mois, ce qui devrait, en théorie, laisser jusqu’au 28 mai 2015 pour apurer les comptes, trouver un nouvel investisseur et établir un plan industriel.
La possibilité d’une liquidation judiciaire d’office
Sauf que le délai pourrait, en fait, être bien plus court que celui formellement écrit dans le jugement. Les juges ont, en effet, inscrit une réunion le 7 janvier 2015 à l’agenda du processus de redressement judiciaire. Un rendez-vous au cours duquel de nombreux documents devront être produits. Le tribunal a, en effet, l’intention de « vérifier (…) si les capacités financières (de la SNCM, ndlr) sont suffisantes et lui permettent d’assurer le financement de son activité et de statuer sur le mérite de la poursuite de la période d’observation ou l’éventuelle conversion en liquidation judiciaire ». Donc, concrètement, de savoir si une viabilité financière « transitoire » est assurée. Le tribunal dit ensuite que « l’absence de justification par le débiteur de ses capacités financières suffisantes pour permettre le financement de son activité durant la période d’observation pourra entraîner d’office la conversion en liquidation judiciaire ».
Une créance supplémentaire de 200 millions d’euros déposée par l’OTC
Le jugement fait état, citant les déclarations d’un membre du directoire de la SNCM, d’une trésorerie de 8 millions d’euros et de la nécessité d’un fonds de roulement de 10 millions d’euros par mois. Il est également important de rappeler que Transdev, actionnaire principal de l’armement, a fait savoir il y a quelques semaines déjà, qu’il n’entendait pas financer davantage la période de redressement judiciaire. La situation comptable semble donc déjà précaire.
Aux créances inscrites au passif (138.505.894 euros pour un actif de 40.194.000 euros selon le rapport du juge enquêteur Marc Zanetto) vient tout juste de s’ajouter une nouvelle créance de 200 millions d’euros, via un titre exécutoire déposé par l’Office des Transports Corse à la veille du jugement. Cette demande correspond aux remboursements d’aides versées au titre du service complémentaire, jugées illégalement perçues par les autorités européennes. Si des recours ont été déposés, ces décisions européennes sont en effet exécutoires depuis la date du prononcé, en mai 2013. La Commission européenne n’a pas manqué de le rappeler pour cette affaire, ainsi que pour les 220 millions d’euros que la compagnie a perçu de l’Etat dans le cadre de son processus de privatisation, qui s'est achevé en 2006.
Le problème européen : les dettes ou la DSP ?
Ces « dossiers européens » sont l’autre grosse épine dans le pied de la SNCM. En effet, le problème est à double tranchant : si les autorités de la concurrence de Bruxelles acceptent de considérer que la « nouvelle » SNCM, issue du redressement judiciaire, n’est plus la même compagnie – la fameuse discontinuité – elles pourront effacer ces dettes de 440 millions d’euros. Mais, alors, elles pourront aussi considérer que cette nouvelle société n’est plus celle titulaire de la délégation de service public de desserte de la Corse. Un nouvel appel d’offres serait alors lancé et la SNCM perdrait un de ses atouts majeurs aux yeux des investisseurs. Sur ce point, les administrateurs et le ministère sont actuellement en pourparlers avec Bruxelles dans ce qui s’annonce comme un marathon, trois directions générales (Concurrence, Marché Interieur et Transports) entrant dans le processus.
« Une demi-douzaine de repreneurs »
La direction de la SNCM et celle de Transdev ont voulu, dans leurs communications suivant le jugement du tribunal vendredi, mettre l’accent sur l’appel d’offres pour de futurs repreneurs. « C’est la seule décision qui peut permettre de conserver une partie des activités de la SNCM et de sauver un maximum d’emplois », écrit ainsi l’actionnaire principal, Transdev, dont le président, Jean-Marc Janaillac, faisait état « d’une demi-douzaine de repreneurs potentiels ».
Un seul est, pour l’instant, sorti du bois. Daniel Berrebi, patron de l’armement mexicain Baja Ferries, a ainsi annoncé avoir déposé une offre ferme et engageante, qui redéploierait une partie de la flotte vers le Maghreb et conserverait 800 emplois. Les noms de l’italien GNV ou du groupe Stef-TFE, propriétaire de la Méridionale, circulent également.