Même si elle était attendue, c’est une mauvaise nouvelle pour la SNCM. La Cour de Justice de l’Union européenne a rendu hier son arrêt sur le remboursement d’une partie des aides perçues par la SNCM lors de sa privatisation. Conformément aux conclusions de l’avocat général, elle a confirmé le jugement de première instance, prononcé en septembre 2012 et qui classait 220 millions d’euros versés par l’Etat à la SNCM entre 2002 et 2006 comme aides d’Etat indûment perçues. Elle confirme, par conséquent la nécessité de rembourser cette somme.
Des aides dont les plus anciennes datent de 2002
Une partie de ces aides -76 millions d’euros – avait été versée pour la recapitalisation de la compagnie, en 2002, alors que la SNCM était publique. L’Etat français avait à l'époque soumis un plan de restructuration à la Commission, garante de l’application du droit de la concurrence dans l’Union européenne. Celle-ci l’avait, dans un premier temps, approuvé. Puis, saisi par Corsica Ferries, le tribunal de l’Union Européenne avait, en 2005, annulé cette décision.
La Commission commence par valider le plan d’aides en 2006
Le droit européen prévoit que, dans ce cas, la Commission européenne adopte une nouvelle décision prenant en compte le dispositif du jugement. C’est ce qu’elle a fait, en 2008, dans un document global qui validait également les mesures financières liées à la privatisation de la SNCM, intervenue en 2006. A ce moment-là, l’ensemble des flux financiers de l’Etat vers la SNCM examinés par Bruxelles s’élève à environ 220 millions d’euros : 15.8 millions pour les mesures de restructuration de 2003, 158 millions d’apport en capital lors de la cession en 2006, une avance en compte courant de 38.5 millions en 2006 au titre de mesures sociales en faveur des salariés et 8.75 millions pour une augmentation supplémentaire de capital, toujours à l’occasion de la privatisation de la SNCM.
Le tribunal de première instance l’annule en 2012
Seulement voilà, la validation de ce « package » de 220 millions d’euros par la Commission a été annulée en septembre 2012 par le tribunal de l’Union européenne, à nouveau saisi par Corsica Ferries. Le Tribunal a considéré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en validant le plan de recapitalisation.
La SNCM, accompagnée par l’Etat français avait immédiatement fait appel de ce jugement.
La Cour valide l’application du critère de l’investisseur privé
Le Cour a donc refusé de contredire le jugement de première instance. Et pour cela, elle rappelle sa grille de lecture en matière de qualification d’aides publiques en aides d’Etat. « Il ressort d’une jurisprudence constante qu’il résulte du principe d’égalité de traitement entre les entreprises publiques et les entreprises privées que les capitaux mis à disposition d’une entreprise, directement ou indirectement par l’Etat, dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché ne sauraient être qualifiées d’aides d’Etat ». Et pour vérifier si le contexte correspond bien aux conditions normales du marché, les juridictions européennes ont pris l’habitude d’utiliser le critère de l’investisseur privé : « apprécier si, dans des circonstances similaires, un investisseur privé d’une taille qui peut être comparé à celle des organismes gérant le secteur public aurait pu être amené à procéder à des apports de capitaux de la même importance »
Dans le cas de la SNCM, cet examen a été appliqué par le Tribunal, qui a notamment pointé que « la rationalité économique à long terme du comportement de l’Etat français n’a pas été démontrée à suffisance de droit ». La Cour suit la même logique et valide l’intégralité du raisonnement, ce qui l’amène à conclure au rejet du pourvoi de la SNCM et de la France. Cet arrêt n’est plus susceptible d’appel et donc exécutoire.
Des procédures toujours en cours
Reste que la France et la SNCM ont également fait appel de la décision de la Commission européenne de novembre 2013 qui reprenait les conclusions du tribunal de première instance en confirmant que les aides de recapitalisation étaient bien des aides d’Etat. Une procédure semblable à celle qui vient de se terminer devant la Cour est donc toujours pendante.
Par ailleurs, un appel est également toujours en cours sur l’autre volet de l’affaire : les 220 millions d’euros versés par l’Etat à la SNCM au titre de la délégation de service public 2008-2013 également jugées indûment perçus.
Concrètement, l’étau se resserre encore autour de la SNCM. Les juridictions européennes continuent à appliquer sans faille une jurisprudence défavorable à l’armement. Et il semblerait que le dépôt de bilan devienne désormais une issue quasi inévitable pour la compagnie dont les finances sont exsangues.
Du côté du gouvernement, le nouveau secrétaire d’Etat Alain Vidalies réagit très sobrement en indiquant que « les autorités françaises sont en discussion étroite avec la Commission européenne pour trouver une issue permettant de préserver la continuité territoriale et l’emploi, dans le respect des règles du droit de la concurrence ».