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A l’appel des organisations syndicales de la SNCM, les navires de la compagnie marseillaise cessent de naviguer ce mardi, à partir de 6 heures du matin. Un préavis de grève reconductible de 24 heures a été déposé, afin de défendre l’avenir de l’armement. CGT, SAMMM, FO, CFE-CGC, CFDT, CFTC… Les syndicats entendent faire pression sur l’Etat (propriétaire de 25% de l’entreprise) pour imposer le plan industriel à long terme (PLT), qui prévoit notamment la commande de quatre nouveaux navires. Un plan porté par l’ancien président du Directoire, Marc Dufour, débarqué le mois dernier par le Conseil de surveillance. Actionnaire majoritaire de la SNCM (66%), Transdev, filiale de Veolia et de la Caisse des Dépôts, estime dangereux les investissements requis par le PLT dans la situation où se trouve la compagnie. Celle-ci se voit, en effet, toujours sous le coup d’une demande de remboursement de 440 millions d’euros d’aides publiques formulée par la Commission européenne. Cette somme comprend 220 millions d’euros provenant du processus de privatisation, en 2006, et 220 millions liés aux subventions du service dit « complémentaire », assuré entre 2007 et 2013 dans le cadre de la délégation de service public entre Marseille et les ports corses. Or, même si certains balayent ces « amendes » d’un revers de main, les sommes réclamées par Bruxelles et que la SNCM n’a pas les moyens de payer demeurent la clé du problème. D’autant que les éviter constitue légalement une mission extrêmement complexe, pour ne pas dire impossible.

 

 

Le tribunal de commerce à l’horizon ?

 

 

Les actionnaires, à commencer par l’Etat, le savent très bien et, même si le processus prend des années, chacun a bien conscience qu’à un moment, il faudra payer. Par conséquent, la commande des nouveaux navires, qui représente un investissement de plusieurs centaines de millions d’euros, est logiquement jugée comme inconsidérée. De ce point de vue, ce n’est ni la pertinence industrielle ou la stratégie du PLT, ni les efforts consentis par les salariés (le volet social prévoit la suppression de 500 postes sur les 2600 que compte la SNCM) qui sont en cause. C’est une simple question de droit et d’économie. Alors que Veolia souhaite se désengager de la SNCM, les syndicats affirment, dans une lettre ouverte publiée hier, qu’à l’occasion du Conseil de surveillance qui s’est tenu le 20 juin, Transdev a « confirm(é) son refus d’une commande de navires et l’inscription à venir dans ses comptes de la sortie de la SNCM à l’identique des comptes déposés par Veolia Environnement avec une mise en procédure collective au tribunal de commerce, d’ici le 31 décembre 2014 ».

 

 

Le gouvernement face à ses promesses

 

 

En attendant qu’un hypothétique repreneur fasse une proposition sérieuse, ce qui est loin d’être gagné en raison de l’épée de Damoclès que font peser les remboursements voulus par la Commission, les syndicats jouent leur va-tout pour tenter de sauver la compagnie. A ce titre, ils rappellent notamment les promesses du ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, qui s’est engagé à tout faire pour assurer l’avenir de la SNCM et a notamment fixé au 30 juin la date butoir pour la commande des nouveaux navires. Une échéance qui, sauf surprise, ne devrait pas être respectée, plombant un peu plus les perspectives d’avenir de la compagnie. Nul doute en tous cas que des comptes seront demandés aux représentants de l’Etat lors du prochain Conseil de surveillance, prévu le 27 juin.

 

 

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© SDI

Projet de nouveau navire travaillé avec Saint-Nazaire (© SDI)

 

 

Nouvelle flotte : de report en report

 

 

A propos de la nouvelle flotte, dont la commande va de report en report depuis 2012, le calendrier initialement prévu est désormais impossible à tenir. La lettre d’intention signée en mars dernier avec STX France est d’ailleurs, dans les faits, déjà caduque. Si le chantier de Saint-Nazaire demeure intéressé par les nouveaux navires de la SNCM, bateaux innovants qui doivent être équipés d’une propulsion au gaz naturel liquéfié, il est maintenant trop tard pour espérer une livraison du prototype en 2016. Pour la suite, le plan de charge de STX France s’est récemment rempli avec la commande de trois nouveaux paquebots géants pour Royal Caribbean et MSC Cruises, livrables en 2017, 2018 et 2019. Trouver de la place pour les navires de la SNCM est donc bien moins aisé qu’il y a quelques mois. Quant au financement du projet, la piste avancée par Frédéric Cuvillier autour d’une solution portée par la Banque Publique d’Investissement et la Caisse des Dépôts n’a toujours pas débouchée.

Mais le report de l’entrée en service de la future flotte a une autre conséquence très grave pour la SNCM. Les économies générées par les nouveaux bateaux ont, en effet, été intégrées lors des négociations ayant abouti à la signature de la dernière DSP, qui couvre la période 2014-2023. Tant et si bien que si les navires ne sont pas au rendez-vous, le bilan financier de l’armement sur les lignes entre Marseille et la Corse devrait être dans le rouge.

 

 

Eviter que le conflit s’inscrive dans la durée

 

 

C’est dans contexte effroyablement compliqué que les syndicats, et derrière eux les salariés, espèrent via leur mobilisation pousser le gouvernement à agir et trouver des solutions. A Paris, ce dossier est considéré comme aussi épineux que délicat. On semble discerner de moins en en moins bien une éventuelle porte de sortie et l’on en vient même à se demander si, au sein de l’Etat, on a véritablement cru ces derniers mois à l’existence d’une issue aussi favorable que celle défendue par les syndicats. Avec cette nouvelle grève, ces derniers savent en tous cas qu’ils usent une de leurs dernières cartouches. C’est en effet le troisième mouvement depuis le début de l’année, les perturbations de janvier et mars ayant déjà coûté cher à la compagnie, dont les réservations sont en baisse pour la période estivale. Voir le conflit s’inscrire éventuellement dans la durée, à l’aube des grands départs de l’été, pourrait donc se révéler suicidaire. Les représentants du personnel en ont conscience, mais ils considèrent, sans doute à juste titre, qu’ils n’ont pas d’autre choix s’ils veulent se faire entendre.

 

 

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© MICHEL FLOCH

(© MICHEL FLOCH)

 

 

La Méridionale assure son service, Corsica Ferries mobilise sa flotte

 

 

Reste que la portée du mouvement risque d’être limitée et la menace d’une prétendue  « asphyxie »  de l’économie corse en cas d’arrêt durable des rotations de la SNCM n’est pas avérée. La desserte depuis Marseille ne va en effet pas s’interrompre puisque La Méridionale, partenaire de la SNCM sur la DSP, a confirmé hier soir que sa flotte travaillerait normalement. De plus, l’Office des Transports Corses a décidé de faire appel à d’autres compagnies pour compenser  l’arrêt du service assuré par la SNCM. A ce titre, Corsica Ferries, l’ennemie jurée de l’armement marseillais, va mobiliser l’ensemble de sa flotte pour répondre à la demande, avec selon l’OTC des rotations supplémentaires vers Ajaccio, Bastia et l’île Rousse. Alors que sur l’île de Beauté, certains élus et responsables syndicaux militent pour la création d’une compagnie régionale afin de reprendre la DSP, l’appel de l’OTC à d’autres opérateurs, à commencer par Corsica Ferries, passe sans doute très mal auprès des équipages de la SNCM, qui doivent se sentir lâchés par tous.     

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