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Pourquoi le groupe STEF, propriétaire de la Compagnie Méridionale de Navigation, va-t-il faire une offre de reprise de la SNCM, alors qu’il s’en était abstenu jusqu’alors ? Pourquoi une annonce la veille du 10 juin, date de l’audience du tribunal de commerce de Marseille, qui devait statuer sur les projets de reprise présentés par Daniel Berrebi, Christian Garin et Patrick Rocca ? Sortant de sa discrétion habituelle, le groupe a choisi de communiquer, hier, par la voix de son président Francis Lemor. Ce dernier a commencé par annoncer la nomination d’Éric Giuily, comme directeur du projet de reprise que STEF compte présenter devant le tribunal de commerce fin septembre. « Le pilote et facilitateur » connaît bien la SNCM, qu’il a dirigé de 1992 à 1995, à l’époque de l’armement public CGM. Enarque, il a depuis été directeur général de France 2 et président-directeur général de l’Agence France Presse ; il est également administrateur de STEF.

Le problème de la subdélégation

« Trois éléments nous ont conduit à nous déclarer », explique Francis Lemor. « D’abord, il y a eu le jugement du tribunal administratif de Bastia, en avril dernier ». La juridiction, statuant sur un recours de Corsica Ferries, a ordonné l’annulation de la délégation de service public de desserte de la Corse pour la période 2014-2023. Même si le jugement a été frappé d’appel, il est exécutoire au 1er octobre 2016. La Compagnie Méridionale de Navigation est co-délégataire aux côtés de la SNCM, ce jugement la touche donc directement. « Ensuite, il y a eu la déclaration par les autorités de la Concurrence de la Commission européenne, de la reconnaissance, dans ces nouvelles conditions, d’une discontinuité juridique entre la SNCM et les projets de reprise, effaçant donc les 600 millions d’euros d’aides à rembourser ». Cette discontinuité implique également la perte, de facto, pour la « nouvelle » SNCM du contrat de DSP. « La Méridionale se retrouve donc, jusqu’au 1er octobre 2016, seul contractant du contrat. Là, il y a deux choix : assurer, avec nos moyens, l’intégralité des transports prévus dans le cadre de la DSP, ce qui est impossible. Soit subdéléguer, ce qui équivaut à un contrat de sous-traitance, une partie des transports. Mais d’un point de vue juridique, nous devenons les seuls responsables de la bonne exécution du contrat. Il est donc évident qu’il nous faut un partenaire solide, non seulement pour le contrat actuel, mais également pour préparer le prochain appel d’offres ».

Et puis il y a eu l’examen des trois offres de reprise. « Il faut souligner que nous avons reçu les offres très tardivement, fin mai. Il nous est apparu, que même si nous avions des convergences avec deux des projets, et particulièrement celui de Patrick Rocca, nous ne pourrions envisager une association dans le but d’une subdélégation ». C’est donc à ce moment-là et en raison de ces circonstances particulières, que le groupe a décidé d’intervenir.

Un tour de table avec différents acteurs économiques

Le projet n’a pas été détaillé hier. « Il faut bien comprendre que nous allons consacrer tout le temps qui nous est imparti pour bâtir un projet solide », dit Eric Giuily. « Nous voulons un fort ancrage dans le secteur du transport, qui est l’essence de STEF, le transport maritime, grâce à notre connaissance du marché, avec un ancrage régional fort que ce soit en Provence ou en Corse, bien financé avec des objectifs industriels forts ». Pour cela, STEF veut s’entourer « d’armateurs » et de « transporteurs », notamment corses « puisque nous les connaissons bien déjà ». « Il va falloir constituer un tour de table cohérent au service du développement du projet industriel. Il nous faut fédérer différents acteurs économiques pour établir une solution pérenne qui nous permettra de postuler dans de bonnes conditions pour la future DSP».

Juridiquement, STEF annonce la création de deux sociétés, une dédiée à la Corse, l’autre au Maghreb, « tout simplement parce que le cahier des charges de la DSP l’impose ». Le groupe veut également être précautionneux dans les autres aspects légaux de l’opération, « nous voulons dès à présent évoluer dans un cadre juridique clair, en consultant tant les autorités européennes que celles de la concurrence », détaille Eric Giuily. STEF sera un actionnaire de référence, sans que l’on connaisse encore le montant de sa participation. Pas de chiffres sur le volet social, même si Francis Lemor a rappelé à plusieurs reprises qu’il « connaissait un modèle qui fonctionne, la Méridionale, qui navigue sous pavillon français au 1er registre et qu’il n’y avait pas de raison de fonctionner différemment sur les quatre autres bateaux qui seraient affectés à la Corse ».

 

 

 

 

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