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Nøé pour navire à zéro émission : un ferry de 35 mètres pour Ouessant et Molène qui fonctionnerait à pile à hydrogène. « Cela fait près de 8 ans que nous réfléchissons à ce projet », confie Maurice Buttet, directeur de Barillec.

 

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© COPREXMA

(BARILLEC-COPREXMA)

 

Les architectes de solution

L’entreprise concarnoise de 200 salariés appartient au réseau spécialisé en électricité industrielle Actemium (groupe Vinci). Depuis 1957, elle installe des systèmes électriques sur des bateaux de 30 à 140 mètres : des thoniers qui partent en Afrique, les palangriers de Kerguelen, le Pourquoi Pas ? de Genavir, les navires sismiques de GeofieLD, l’offshore ou encore des bateaux restaurants de la Seine… « Nous sommes une entreprise glocale »,  dit Maurice Buttet, « nous avons gardé notre esprit de PME au sein d’un grand groupe présent dans le monde entier, sur lequel nous pouvons nous appuyer. C’est un bon mélange : la solidité d’un groupe et la réactivité d’une petite structure ». Depuis près de 60 ans, Barillec s’est fait un nom notamment grâce à des chantiers exigeants : « notre spécialité, c’est la conversion et la gestion d’énergie à bord. Nous ne sommes pas constructeurs mais plutôt architectes de solutions. Nous assemblons des « briques », c’est-à-dire des équipements de fournisseurs que nous choisissons soigneusement, nous les adaptons et créons un système optimal, en nous appuyant beaucoup sur le software, dont la maîtrise est une des clés principales pour les économies d’énergies du bord ». Les ingénieurs de Barillec connaissent bien les bateaux, ils y embarquent régulièrement pour effectuer des campagnes de télémesures pour faire évoluer l’installation électrique du bord. Ils savent aussi que les équipages n’ont pas toujours la formation ni le temps pour gérer des systèmes complexes. « C’est pour cela que nous fournissons des solutions « clé en main » et que nous les assistons au plus près, notamment via une télé-maintenance. L’électricité, ce n’est pas forcément quelque chose d’évident pour tout le monde. A nous de rendre cela simple tout au long de la vie du bateau ».

La pile à hydrogène pour stocker de l’énergie renouvelable et la redistribuer en mer

« Aujourd’hui, grâce à ces expériences, nous pouvons proposer des solutions qu’on ne pouvait pas même pas imaginer il y a quelques années ». L’innovation, toujours l’innovation, pour rester en phase avec les préoccupations du secteur, mais également le développement de nouvelles réalités locales. « Nous sommes très attentifs aux secteurs des énergies marines renouvelables, dont un des défis majeurs est la gestion de l’intermittence de la production d’énergie et le lissage de la fourniture au réseau».  La problématique du stockage d’énergie est récurrente dans le développement de ces nouveaux modes de production.  Plusieurs types de solutions existent : l’électrostatique avec les supercondensateurs qui ne fonctionnent qu’à très court terme et  l’électrochimique avec les batteries dont les derniers modèles, basés sur du lithium séduisent beaucoup dans la propulsion hybride. Et il y a l’hydrogène : le courant électrique provoque l’électrolyse de l’eau (les molécules d’eau et d’hydrogène sont séparées) : le dihydrogène est récupéré et stocké dans une pile à hydrogène. Celle-ci, pour fonctionner, effectuera la réaction inverse : l’oxydation du dihydrogène provoque la libération d’électrons et donc un courant électrique. « L’idée était donc de se dire que l’on pouvait stocker le surplus d’électricité produit, par exemple, par une hydrolienne pour remplir des piles. Ces dernières  serviraient ensuite à bord ».

 

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© BARILLEC

(BARILLEC)

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© BARILLEC

Pile à hydrogène (SYMBIOFCELL)

Deux piles d’un mégawatt et un prototype à terre

Une hydrolienne et un bateau… cela pourrait bien être Ouessant, qui va accueillir le prototype de Sabella et qui est desservi par les navires de la Penn Ar Bed. « Nous nous réunis à plusieurs partenaires autour de cette idée : le chantier Piriou, l’armement Penn Ar Bed, le bureau d’architecture navale Coprexma, le producteur de pile à hydrogène Symbio FCell, l’Ecole Nationale Supérieure Maritime et nous-même ». Le projet, qui attend sa labellisation du Pôle Mer Bretagne Atlantique, s’étend sur cinq ans. « La première étape a consisté en un design de démarrage, effectué par Coprexma » Parallèllement, SymbioFCell, qui fournit déjà de nombreuses marques, notamment dans l’automobile, les camions ou encore les engins de chantiers, est en train de travailler au développement d’une pile d’une puissance d’un MW. « Nous tablons sur une propulsion de 300 kW, alimentée par deux piles d’un MW ».

 La deuxième étape sera la réalisation d’un prototype à terre. « Ce sera un demi-bateau, qui nous permettra de simuler l’ensemble des futurs composants de la machine et le local hydrogène. Ensuite, il pourra devenir un lieu de formation pour les équipages ». L’idée est de tester la réactivité des piles, leur dégagement de chaleur et comment on pourrait éventuellement la récupérer, la conduite et les avaries. Cela permettra aussi d’accompagner toute la formalisation réglementaire ». Il faudra ensuite tester la marinisation de la pile à combustible et notamment sa résistance au sel qu’elle risque d’attirer en même temps que l’oxygène.  « Nous allons devoir beaucoup travailler mais nous sommes persuadés de la viabilité de ce projet, qui combine innovation, transition énergétique et développement local », conclut Maurice Buttet.

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