Alors que s’achève l’arrêt technique de l’Ulysses, un yacht d’exploration de 107 mètres en cale sèche depuis le début du mois de mars, les travaux allant permettre de couvrir la grande forme de réparation navale de La Rochelle débuteront cet été. Un projet qui symbolise la volonté du port charentais de devenir un pôle de réparation, de maintenance et de refonte majeur pour la très grande plaisance sur la façade atlantique.
Dans cette perspective, une alliance a été conclue en septembre 2016 entre Atlantic Refit Center, créé en 2006 et retenu en 2014 par le Grand Port Maritime afin de développer une filière spécialisée, et Compositeworks, un acteur majeur du secteur, fondé en 1988 à La Ciotat. « La Rochelle vient compléter notre implantation historique en Méditerranée. Le choix de venir ici découle de plusieurs facteurs. Il y a d’abord la présence d’un outil industriel, que nous allons développer avec la couverture de la grande forme, et de sous-traitants de qualité sur la façade atlantique. Et puis La Rochelle, pour les équipages des navires, c’est un très beau site, avec une ville et une région très agréables. Les premiers retours que nous avons de l’équipage du yacht actuellement en arrêt technique sont très bons », explique Christophe Moulierac, directeur général de Compositeworks, qui souligne au passage que la décision du groupe de s’implanter en Charente-Maritime n’est pas liée à l’échec de sa candidature pour exploiter la grande forme de La Ciotat : « Les deux projets étaient indépendants et, si nous avions été retenus pour la grande forme, nous serions quand même venus à La Rochelle. Le marché pousse tellement que nous avons en effet besoin de place ».

L'Ulysses lors de son arrêt technique à La Rochelle (© LA ROCHELLE PORT ATLANTIQUE)
Pour Christophe Moulierac, le positionnement géographique de La Rochelle est également intéressant, car le port se situe près de la route qu’empruntent les navires lorsqu’ils passent de la zone Caraïbes à la Méditerranée au printemps, et inversement à l’automne. « Nous pouvons les capter durant ces périodes mais il faut aussi voir que nous visons des navires de très grande taille, qui naviguent toute l’année et se déplacent donc plus facilement. Pour des arrêts techniques de plusieurs mois, les faire venir depuis la Méditerranée ne pose pas non plus de problème, car le trajet est finalement assez court et les navires peuvent compenser les frais en s’avitaillant à Gibraltar, où le carburant est détaxé ».

Vue de la future couverture (© COMPOSITEWORKS)
Compositeworks Atlantique se positionne donc sur les très gros yachts, en clair les unités d’une longueur de plus de 80 mètres, et plutôt même d’au moins 100 mètres. Pour répondre aux besoins du marché, le site va faire peau neuve. Il s’agit en particulier de couvrir la grande forme, longue de 176 mètres pour une largeur de 22 mètres, ce qui permettra de réaliser les travaux à l’abri et évitera la mise en place de « cocons » pour protéger les bateaux, comme c’est le cas jusqu’ici.
L’imposante structure qui couvrira la cale sèche s’étendra sur une longueur de 191 mètres, pour une largeur de 45 mètres et une hauteur de 36 mètres. On notera qu’elle sera dotée d’un système de ventilation naturelle, permettant en jouant avec des panneaux sur la circulation de l’air et la récupération de chaleur, de rafraîchir l’intérieur en été et d’élever la température en hiver.

Vue de la future couverture (© COMPOSITEWORKS)
Sa construction, qui nécessite évidemment de n’avoir aucun navire dans la forme, devait débuter un peu plus tôt mais le contrat pour l’arrêt technique de l’Ulysses, qui n’était pas prévu et a été négocié en quelques jours, a permis d’apporter de la charge et de disposer en même temps d’une très belle référence pour le site. De plus, l’aboutissement des procédures administratives s’est révélé finalement plutôt en ligne avec l’aménagement du calendrier. En attendant que la forme se libère, des travaux préparatoires ont été menés, comme les sondages des pourtours de la cale afin de préparer la mise en place des pieux qui serviront au maintien de la couverture.
Au final, la construction de celle-ci débutera fin juin/début juillet, en vue d’une mise en service au premier trimestre 2018. Le coût global du projet est de 14 millions d’euros, dont 10 pour la réalisation de la couverture. Ces 10 millions d’investissements seront supportés par CBCW. Créée le 17 mars dernier, cette structure de financement est détenue par Compositeworks à hauteur de 60% et par le Grand Port Maritime de La Rochelle pour 40%. Compositeworks investira en plus 4 millions d’euros dans l’outillage et des aménagements. Car en dehors de la forme, un bâtiment adjacent est refait afin d’accueillir les bureaux du chantier et des locaux pour les équipages. En tout, 13.000 m2 sur deux étages.

(© LA ROCHELLE PORT ATLANTIQUE)
Compositeworks, qui ne compte actuellement sur place qu’une petite équipe travaillant avec la sous-traitance sur l’Ulysses, renforcera rapidement ses effectifs une fois la forme couverte opérationnelle et les premiers contrats décrochés. « L’objectif est la création, en 5 ans, de 70 emplois directs et développer significativement la sous-traitance, sachant que dans notre métier, 1 emploi direct = 4 emplois maintenus ou créés chez les sous-traitants », souligne Christophe Moulierac. De l'avis du directeur général de Compositeworks, « 2018 sera une année de démarrage, il faut lancer le produit et vendre les atouts de La Rochelle. A ce titre, le navire de 107 mètres dont nous terminons actuellement l’arrêt technique montre ce que nous pouvons faire localement sur les très grands yachts et la nouvelle infrastructure, avec la forme couverte, sera un excellent argument ».
Complémentaire du site de La Ciotat, où l’entreprise compte 120 salariés et a réalisé un chiffre d’affaires sur son exercice 2015/2016 de 45 millions d’euros (+22%), La Rochelle permettra de répondre à un marché du refit de yachts en plein essor. « Nous avons beaucoup de demandes pour les très gros bateaux et c’est typiquement sur ce segment de marché que nous voulons positionner notre nouvelle implantation, avec de grands navires et de gros travaux, pour des contrats de l’ordre de 5 à 25 millions d’euros ».