Bourbon Norway, Olympic Shipping, Havila, Remøy et Rem, cinq des principaux armements offshore ont un point commun : leurs sièges sociaux se situent dans le petit port de Fosnavåg, 9000 habitants, sur une île un peu perdue de la côte norvégienne. Une rue principale, des jolies maisons en bois et une flotte qui compte rien de moins que 128 bateaux, principalement des navires offshore et de transport de poissons, auxquels s’ajoutent 22 unités de pêche hauturière.
« A la base, nous étions un port de pêche. Toutes les compagnies qui travaillent dans l’offshore ont commencé à la pêche », explique Stig Remøy, patron d’Olympic Shipping, « c’est ici, à Fosnavåg, qu’a été construit le premier supply pour l’industrie pétrolière ». C’était en 1973. Depuis, ce sont eux, les anciens pêcheurs, qui se sont imposés dans l’offshore de la mer du Nord, accompagnés par les chantiers du Sunnmøre : Vard, Kleven et Ulstein, pour ne citer qu’eux, se trouvent tous dans un périmètre de 50 km.

« L’industrie pétrolière est exigeante. Nous devons être les meilleurs et constamment nous remettre en cause, sinon nous, ici, nous ne survivrons pas », explique Stig Remøy. Dont acte. « Aller à Fosnavåg pour donner un cours sur l’innovation maritime, c’est un peu comme apprendre à une poule comment pondre des œufs ». Cette remarque est celle de Sturla Henriksen, président de l’association des armateurs norvégiens. Et elle traduit bien l’état d’esprit local.
« Notre qualité ce sont nos équipages, ce sont eux et la qualité de leur formation qui vont nous permettre de nous démarquer ». La navigation offshore est devenue un métier de haute précision : en plus de savoir manœuvrer dans les abords souvent tourmentés des plateformes avec des bateaux dépassant régulièrement les 100 mètres de long , les équipages doivent désormais utiliser des systèmes de positionnement dynamique de plus en plus sophistiqués, manipuler des grues de 400 tonnes, relever des modules à 2000 mètres de profondeur… La demande de formation dans les prochaines années va être exponentielle », explique l’armateur.
Alors « les Cinq » de Fosnavåg ont décidé de la jouer « à la norvégienne » : concurrents quand c’est nécessaire, partenaires dès qu’on le peut. Ils ont décidé de mutualiser leurs moyens pour ouvrir un tout nouveau centre de formation : la Fosnavåg Ocean Academy. Un bâtiment flambant neuf, remplis de simulateurs de dernière génération : positionnement dynamique, grues, ROV, navigation, machine… « tout ce qui est nécessaire pour nos métiers. Il n’y a que trois centres comparables à celui-ci dans le monde, dont celui de la ville voisine d’Alesund avec lequel nous allons collaborer». Il a officiellement ouvert ses portes en octobre.

Un des simulateurs grues de l'académie (DROITS RESERVES)
(DROITS RESERVES)
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Rien qu’avec leurs équipages, 3000 marins en tout, les armateurs savent que le calendrier va être bien rempli. « Dans un premier temps, nous allons y dispenser toutes les formations de la convention STCW qui représentent déjà un gros volume horaire. Puis nous allons mettre en place des enseignements spécifiques à nos métiers : l’idée est de mutualiser l’expérience de nos marins pour élever le niveau général. Sur l’Arctique par exemple, nous en sommes encore au début et les compétences de nos équipages seront utiles à tous pour faire des progrès dans cette navigation ».

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L’académie représente un investissement de 60 millions de couronnes (7 millions d’euros) intégralement assumé par les armements. Auquel s’ajoutent 400 millions de couronnes (47 millions d’euros), partagés entre des investisseurs et les collectivités locales, pour construire un hôtel, un cinéma, une salle de concert et un centre des congrès à côté du centre. « L’idée pour nous est de donner une dimension internationale à notre ville et de créer un lieu de rencontre pour nos marins, qui viennent du monde entier, dans lequel ils soient contents de venir se former ».

L'hôtel, ouvert en même temps que l'académie (DROITS RESERVES)
Le démarrage s’est fait sur les chapeaux de roue : des stages de 4 jours, avec 12 stagiaires par classe et deux classes en même temps. « Nous ne visons pas de profit pour le moment. Il va falloir amortir notre investissement. Mais ensuite, pourquoi pas nous ouvrir à d’autres activités ? » Aquaculture, énergies marines renouvelables, construction et travaux sous-marins… le petit port de pêche de Fosnavåg risque de voir défiler pas mal de monde dans les prochaines années...