Sous l’impulsion notamment de leurs acteurs économiques respectifs, la France et l’Allemagne vont se rapprocher dans la perspective de l’exploration puis de l’exploitation des ressources situées dans les grands fonds marins. Hydrates de méthane, hydrogène naturel, sulfures hydrothermaux, nodules et encroûtements de manganèse… Les océans recèlent dans leurs profondeurs des richesses naturelles considérables et, dans la perspective de la raréfaction des ressources terrestres, ces gisements sont considérés par de nombreux experts comme un enjeu majeur du XXIème siècle.
Des leaders mondiaux dans l’industrie tricolore
Afin de développer cette activité et constituer une filière nouvelle respectueuse du développement durable, la France est particulièrement bien positionnée. Ifremer, Technip, CGG, Bourbon, Comex, Total, Eramet, Louis-Dreyfus Armateurs, DCNS, Créocean, Alcatel-Lucent Submarine Networks, Dassault systèmes et une vingtaine d’autres… Son industrie maritime est la seule à posséder des leaders mondiaux pour les dix phases de travaux identifiées par le groupe de travail ad hoc du Cluster Maritime Français pour explorer et valoriser les fonds marins. Tant sur le plan technologique qu’au niveau des problématiques environnementales.

L'Atalante en Polynésie (© : MATTHIEU LE BONNIEC)
Le deuxième espace maritime mondial
L’Hexagone possède en outre le second espace maritime mondial et son immense zone économique exclusive (11 millions de km²) constitue autant d’opportunités potentielles en matière d’exploitations sous-marines. C’est le cas en particulier à Wallis et Futuna, où les industriels souhaitent mener à partir de 2016 une troisième campagne d’exploration pour mieux identifier les ressources locales en amas sulfurés et préparer leur éventuelle exploitation. Cela, insistent-il, en respectant l’environnement marin. Un projet pour lequel les professionnels sont prêts à mettre sur la table la moitié des 22 millions d’euros nécessaires à la campagne, l’Etat étant sollicité pour un financement complémentaire au titre du soutien à l’émergence d’une nouvelle filière stratégique. En dehors de sa ZEE, la France a, par ailleurs, déjà fait réserver des zones d’exploration sur la dorsale atlantique auprès de l’Autorité internationale des grands fonds, qui dépend des Nations Unies.

Wallis et Futuna (© : DR)
Le pragmatisme des Allemands et de leur industrie
Autant d’atouts en termes de technologie, d’expertise, de géographie et d’obtention de permis qui n’ont pas échappé à l’Allemagne. A Berlin, on a en effet bien compris que les grands fonds marins constituaient un potentiel d’activité et de richesses considérable pour les années à venir. Connus pour leur pragmatisme, les Allemands souhaitent développer une coopération avec les Français. Car, s’ils ne bénéficient pas d’un domaine maritime tel que celui de la France ni de l’expertise globale des champions tricolores de l’offshore, ils disposent d’une industrie navale et maritime puissante, à même par exemple de prendre sa part dans la conception et la réalisation des futurs outils nécessaires à l’exploitation des gisements. D’où l’idée de collaborer avec les Français et, grâce aux avantages tricolores et aux complémentarités possibles, d’accélérer le mouvement. L’intérêt de l’autre côté du Rhin est d’ailleurs très marqué comme l’ont prouvées les visites de deux ministres allemands en charge de ce dossier, à Paris où ils ont rencontré les acteurs français sous l’égide du CMF, qui pilote dans l’Hexagone les questions liées aux grands fonds.
Une feuille de route bientôt annoncée par le gouvernement français
Dans le même temps, les pouvoirs publics français, restés très attentistes sur le sujet ces dernières années, semblent enfin prendre conscience des énormes perspectives qu’offrirait une filière nouvelle dont les industriels nationaux peuvent prétendre au leadership. Les choses commencent donc à bouger, une feuille de route stratégique sur les grands fonds - concertée avec le CMF - devant enfin être adoptée à l’occasion du prochain Comité interministériel de la mer, prévu à la fin du mois. C’est donc une avancée significative pour les acteurs de l’économie maritime, qui ont poussé l’Etat en ce sens, même si la question de la participation de fonds publics ne paraît toujours pas réglée.
Signature d’accords bilatéraux à Bremerhaven
C’est dans ce contexte que la France et l’Allemagne vont officiellement lancer la structuration de travaux communs sur le sujet le 20 octobre à Bremerhaven. Doit ainsi être signée une déclaration d’intention entre les gouvernements français et allemand, alors que les industriels des deux pays concluront un protocole d’accord sous la forme d’un MOU (Memorandum of Understanding) entre le Cluster Maritime Français et la Deap Sea Mining Alliance (DSMA) allemande. Les discussions concrètes devraient ensuite rapidement reprendre en vue d’étudier les modalités d’une future coopération et mettre en œuvre un rapprochement et des actions communes profitables pour les deux pays.