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Coup de théâtre en Guyane. Alors que Shell France et ses partenaires étaient prêts à débuter les forages exploratoires au large de Cayenne, la ministre du Développement durable, Nicole Bricq, a annoncé hier que tous les permis accordés en Guyane par le précédent gouvernement étaient jusqu'à nouvel ordre suspendus. Le ministère estime que les problématiques environnementales ne sont pas suffisamment prises en compte. Mais il entend également que les éventuelles richesses produites dans les eaux françaises profitent non seulement aux groupes pétroliers, mais aussi, plus largement, à la collectivité. Dans cette perspective, le code minier sera réformé. « Dans le cadre d'un code minier inadapté et obsolète, le précédent gouvernement a octroyé un permis exclusif de recherches à un consortium privé sans contrepartie suffisante pour l'intérêt national. La prise en compte des problématiques d'environnement n'est pas satisfaisante. L'inspiration excessivement libérale de ce code prive le pays et ses collectivités des ressources significatives qu'ils sont en droit d'en attendre. Le gouvernement ne remet pas en cause la recherche sur les gisements guyanais, mais souhaite réformer en profondeur le code minier, en particulier pour restaurer la souveraineté nationale en matière d'exploitation de ses propres ressources et mieux protéger l'environnement », explique le ministère. Le permis Guyane Maritime (© : TOTAL) « Les réserves pétrolières sont un bien public appartenant à tous » La posture gouvernementale est intéressante dans la mesure où la ministre considère que le pétrole guyanais est une richesse nationale, qui peut certes être exploitée par des opérateurs privés, mais sous le contrôle de l'Etat, car il s'agit d'un enjeu stratégique, et pour le bénéfice de la communauté. « Les réserves pétrolières de Guyane sont une ressource, un bien public appartenant à tous. A terme, elles pourraient permettre d'assurer à la France un approvisionnement important en hydrocarbures, à coût réduit par rapport aux prix du marché. Ces réserves représentent un enjeu important pour la France en contribuant à réduire le déficit de la balance commerciale essentiellement lié aux achats de pétrole et de gaz et à améliorer la compétitivité de notre économie. (Le gouvernement) veillera également à ce que les retombées économiques soient justement définies au bénéfice de la population et des collectivités guyanaises ». Par conséquent, le ministère du Développement durable veut « réorganiser les modes et conditions d'attribution et de prolongement des permis de recherche, d'exploitation et de procéder à une réforme profonde de ce code minier ». D'ici là « il sera procédé à une remise à plat des permis concernés ». Le Stena Icemax devait réaliser les forages (© : DR) La stupeur de Shell France Du côté des groupes pétroliers qui devaient explorer les fonds guyanais, l'annonce ministérielle a provoqué la stupeur. D'autant que tout était prêt pour démarrer le chantier, y compris le Stena Icemax, un navire de forage de 228 mètres venant d'être livré par les chantiers sud-coréens Samsung et qui devait arriver sur zone mi-juin afin de remplir sa première mission. « C'est vraiment très surprenant si l'on considère le soutien qu'il y a eu à ce projet au niveau régional en Guyane, et compte tenu de l'opportunité majeure que cela représente pour la France et pour la Guyane française en particulier », a déclaré à l'Agence France Presse un porte-parole de Shell France. « Nous ne voyons pas, nous, comment la révision du code minier peut interférer avec ce projet, pour nous tout était sur les rails, nous attendions juste les prescriptions techniques (...) qui nous autorisait à faire les forages », a-t-il ajouté. Au sein du pétrolier, on rappelle par ailleurs, concernant l'information du public et la protection de l'environnement, que « Cela fait des mois qu'il y a eu des engagements, des réunions et des consultations publiques, et tout ce qui a été fait va au-delà des exigences réglementaires ». Quatre forages et une campagnes sismique étaient prévus Shell France est le principal acteur sur le permis Guyane Maritime, avec une participation de 45%. Suivent Tullow Oil (27.5%), Total (25%) et Northpet (2.5%), une société commune de Northern Petroleum et Wessex Exploration. Avant l'annonce de Nicole Bricq, il était prévu que Shell procède à quatre forages au large de la Guyane entre juin 2012 et juin 2013. Les deux forages programmés cette année devaient être menés pour l'un près de celui qui a permis la découverte de pétrole en 2011, afin d'évaluer cette réserve, et le second visait à explorer un autre gisement potentiel. Les deux autres forages, prévus l'an prochain, dépendaient des résultats obtenus sur les deux premiers puits. En parallèle, Shell prévoyait de mener cet été une nouvelle campagne sismique, afin de poursuivre l'analyse du sous-sol et rechercher d'autres réservoirs potentiels. Le forage de 2011 a été réalisé par la plateforme Ensco 8503 (© : KEPPEL) Une réserve potentielle colossale C'est le 9 septembre 2011 que le consortium pétrolier avait annoncé la découverte d'hydrocarbures à environ 150 kilomètres au nord-est de Cayenne, sur le puits GM-ES-1, foré par un peu plus de 2000 mètres de profondeur d'eau et atteignant une profondeur totale de plus de 5700 mètres. Ce forage avait été mené sur le permis de recherche Guyane Maritime, accordé en 2001 et qui avait récemment été prolongé jusqu'en 2016. Guyane Maritime, qui s'étale sur 32.000 m2 à des profondeurs d'eau de 2000 à 3000 mètres, pourrait receler de très importantes réserves pétrolières. Mais, pour en être sûr, les forages exploratoires sont indispensables afin de déterminer l'étendue des réserves et la qualité des hydrocarbures. Suivant le planning envisagé jusqu'ici et sous réserve que le résultat des explorations soit à la hauteur des espérances, l'exploitation du sous-sol marin guyanais pourrait débuter vers 2019.

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