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L’activité très faible des terminaux méthaniers français commence à inquiéter, plus particulièrement dans le sud de la France, très dépendant des importations de Gaz Naturel Liquéfié (GNL). La Commission de régulation de l’énergie s’est fendue le 5 décembre d’un communiqué presse attirant l’attention sur les tensions très fortes qui existent actuellement sur le marché. « Les prix du GNL ont significativement augmenté lors des dernières semaines en Asie, renforçant l’arbitrage des cargaisons de GNL vers l’Asie au détriment du marché européen. Par ailleurs, l’Algérie a baissé ses exportations de GNL à la suite, notamment, de maintenances sur le port de Skikda, affectant l’approvisionnement du bassin méditerranéen et plus particulièrement du sud de la France et de l’Espagne. La date de retour à la normale des infrastructures de Skikda est aujourd’hui inconnue. Ces évènements arrivent dans un contexte de baisse des températures qui, bien que non exceptionnelle, a entraîné une hausse de la consommation de gaz », souligne la CRE.

 

 

La crainte d’un effet boule de neige en cas d’hiver très froid

 

 

Alors que les terminaux de Fos-sur-Mer tournent au ralenti, GRTgaz, filiale de GDF Suez en charge du transport de gaz, a été contrainte d’alimenter le sud du pays via les réseaux du nord. Et il aurait même fallu puiser dans les stockages souterrains, ce qui serait anormal à cette saison. C’est pourquoi GRTgaz a appelé les expéditeurs à augmenter rapidement les émissions à Fos. Cela devrait être le cas dans les prochains jours - mais ce n’est pas une solution durable - puisque le méthanier GDF Suez Global Energy est arrivé hier dans le port provençal. Le navire, exploité habituellement en Méditerranée, a été compte tenu des circonstances envoyé au terminal Elengy de Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire, récupérer une cargaison de GNL qu’il a acheminée vers Fos...

Une rotation exceptionnelle pour une situation qui ne l’est pas moins. Certes, pour l’heure, il n’y a apparemment pas péril en la demeure mais, de l’avis de certains spécialistes, alors que l’hiver débute, les risques de pénurie sont réels si les les stocks ne sont pas renouvelés. En effet, si les températures viennent à diminuer, la consommation de gaz va augmenter significativement et le réseau ne sera alors peut-être pas capable de répondre à la demande. En pareil cas, il pourrait même y avoir une incidence sur les approvisionnements en électricité puisque, faute de gaz, il y aurait report de la demande énergétique avec, là encore, la possibilité de ne pas être en mesure de répondre partout à la demande. Surtout que la France n’est pas le seul pays européen dans cette situation et que les pics de consommation ont la fâcheuse tendance d’être souvent généralisés. D'où la crainte d'un effet boule de neige.

 

 

Un marché extrêmement spéculatif

 

 

Alors que le GNL représente aujourd’hui un tiers des importations de gaz en France, la situation est heureusement meilleure, pour le moment, du côté des gazoducs. Mais les entrées terrestres de gaz sont essentiellement concentrées sur le quart nord-est du pays, là où les températures sont traditionnellement plus froides. Il suffirait donc que, dans les semaines qui viennent, le mercure descende durablement sur l’ensemble du territoire pour que le déficit en GNL, cumulé à la faiblesse des stocks, devienne vraiment problématique.

La relance des émissions dans les terminaux méthaniers fait donc figure de priorité. Mais elle n’est pas si simple. Car la France, comme d’autres pays européens, fait face à un marché qui a pris des allures de jungle spéculative. Il suffit d’observer les prévisions de mouvements dans les ports pour constater que de nombreux navires annulent leurs escales, les opérateurs préférant les dérouter au dernier moment vers des pays où le GNL se négocie plus cher. C’est ainsi que l’Asie capte actuellement une bonne partie du gaz qui devrait alimenter l’Europe. Les différentiels de prix entre le « nord » et le « sud » atteignent des sommets et les traders spéculent même sur les aléas climatiques pour faire grimper les tarifs. Dans ces conditions, les expéditeurs réservent des capacités moindres dans les terminaux européens, afin d’éviter au maximum les immobilisations et mieux valoriser les cargaisons. De ce fait, les stocks sont encore plus faibles.

 

 

Sécuriser les approvisionnements énergétiques

 

 

Dans cet environnement totalement instable et imprévisible, l’Etat voit ses marges de manœuvre limitées. Car, depuis la privatisation de GDF en 2008 (à l’occasion de sa fusion avec Suez) et l’ouverture du marché du gaz, les anciens contrats long terme et les obligations faites à l’ex-entreprise publique d’assurer de facto le maintien de réserves suffisantes en cas d’aléas climatiques sont moins d’actualité. Bien que demeurant l’opérateur gazier historique dans l’Hexagone, GDF Suez ne peut évidemment assurer cette charge à ses frais dans un environnement aussi concurrentiel. L’une des solutions préconisées serait donc d’imposer à tous les expéditeurs acteurs travaillant sur le marché français (GDF Suez, Total, EDF, Repsol…) de réserver des capacités sur le territoire national, avec la présence physique de stocks.

On notera à ce propos que les armateurs français avaient proposé d’étendre la loi de 1992 sur les approvisionnements pétroliers non seulement aux produits raffinés, ce que le gouvernement a décidé de faire, mais également au GNL et au charbon. Cela aurait été une manière de sécuriser les stocks de gaz, mais aussi de charbon car, comme on le constate actuellement dans le nord-est de la France, où les centrales thermiques sont très sollicitées avec le retour du froid, le marché se révèle tendu en raison d’une forte demande, notamment allemande. 

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