Son chalutier n’est pas encore parti qu’Anthony Le Brun, 34 ans, est déjà près de la passe, en ce vendredi après-midi, au port de Saint-Gué, à Penmarc’h. L’occasion de voir les confrères à la manœuvre, la débarque, le poisson, de discuter avec les dockers, qu’il connaît déjà. Lui et son mécano, Johan Biger, partiront, ce mardi, à la côtière, pêcher le poisson d’hiver avant la saison de la langoustine, sur le Kavellig, « petit berceau » en breton. Un nom que le natif de Saint-Gué a tiré d’une liste de bateaux, sur internet. Un nom qui induit une naissance. Mais pas de troisième en vue pour le père de deux enfants. Simplement la sienne, en tant que patron, lui qui a passé près de la moitié de sa vie dans le métier, après un passage au lycée maritime du Guilvinec. Près de la moitié de sa vie, même si, déjà petit, il était « noyé dedans » par la lignée paternelle. Une envie « d’être à son compte », « de travailler pour soi ». Une envie qui le taraudait depuis quelques années déjà, alors qu’il s’occupait de la mécanique du Notre-Dame de la Joie.
« On verra pour une embauche »
Tout s’est déclenché en septembre 2018 et toujours à Saint-Gué. Il entend, par le bouche-à-oreille, que le An Dyven est à vendre. Un bateau de 14 m qui affiche dix ans de plus que lui au compteur. Il prend conseil à droite et à gauche puis se lance. Sa banque décide de le suivre. « Toutes n’acceptent pas qu’on achète un vieux bateau », lâche-t-il, la voix éraillée. L’enveloppe est grosse, entre l’achat du bien et les travaux à réaliser, notamment « l’ensemble propulsif ». Plusieurs centaines de milliers d’euros. Anthony Le Brun accuse sans le montrer. Il se sent les reins solides.
Et surtout, la pêche, il sait « qu’il y a des années avec et des années sans ». La langoustine ? Il ne s’en inquiète pas. « Les ressources sont là », lâche-t-il. Pour le début, ils seront deux à bord. « On verra pour une embauche par la suite ».
Une quinzaine de bateaux dans le port de Saint-Gué
À côté, Robert Bouguéon est tout sourire. Le coordinateur de l’association La Transition bleue, militant pour la sauvegarde du port ainsi que pour la pêche artisanale, le dit clairement : « Il y a deux ans, le port était menacé de fermeture, c’est pour ça que l’on a créé l’association, pour qu’aucun bateau ne parte du port ».
Il regarde la ligne rasant le quai, formée par les bateaux à l’heure de la débarque. « Ça fait plaisir ! Aujourd’hui, il y a deux voire trois canots en plus et désormais un chalutier. Le port revit ! » Des bateaux, ils en comptent une quinzaine désormais. « Il y a encore pas mal de jeunes qui cherchent à s’installer à leur compte, continue l’ancien président du comité local des pêches. Les bateaux neufs coûtent cher et, sur le marché de l’occasion, il n’y a que des très vieux bateaux. Mais on peut faire un bateau neuf d’un vieux. Acheter un vieux bateau, ça ne veut pas dire que c’est impossible ». Il marque une pause, avant d’ajouter, « je vais reprendre une vieille maxime : « Impossible n’est pas français » ! ». Et surtout pas bigouden…
Un article de la rédaction du Télégramme