L'apparition du phénomène. Parmi les milliers d'espèces de micro-algues en suspension dans l'eau de mer, il en est une, le pseudo nitzschia australis qui préoccupe particulièrement la communauté scientifique. Identifié il y a une vingtaine d'années autour du continent australien (d'où son nom), ce phytoplanction toxique a engendré une grave intoxication, en 1987, sur l'île du Prince Édouard au Canada (rive sud du Golfe du Saint-Laurent), touchant une centaine de personnes ayant consommé des moules lourdement contaminées. Ce premier cas avéré a entraîné la mort d'au moins quatre personnes et des troubles neurologiques divers pour les autres : perte de mémoire immédiate et temporaire mais aussi altérations plus graves des facultés avec nécroses de certains tissus du cerveau (hippocampe). Des concentrations significatives pour les côtes bretonnes ont été enregistrées sur les gisements du sud avec une baie de Quiberon et une zone des Glénan fermées à la pêche pendant plusieurs années. Jusqu'à présent, les baies de Douarnenez et la rade de Brest passaient globalement au travers de la menace, avec de faibles poussées aux beaux jours en dehors des jours de pêche. Mais les choses ont bougé depuis 2004. En 2014, pour une raison que n'expliquent pas encore complètement les scientifiques, la rade de Brest a enregistré durant l'été un record absolu de concentration de cette toxine dans les coquilles, jusqu'à 861 milligrammes par kilo de chair, soit plus de 40 fois le seuil admis (jusqu'à 20 mg par kg de chair) pour la commercialisation de la coquille entière.Le traitement du problème. Pas grand chose à faire, « qu'attendre que la toxine soit naturellement évacuée par la coquille Saint-Jacques », explique Dominique Le Gal qui travaille sur le sujet depuis 1999 au laboratoire d'Ifremer à Concarneau. Contrairement aux autres coquillages qui évacuent plus rapidement cette toxine, la coquille met un certain temps à relâcher la substance toxique qui finit par coloniser la gonade et le muscle par forte concentration. « De 861 mg cet été, on est descendu à 282 mg aujourd'hui. Trop haut encore pour autoriser le décorticage (250 mg). Il faut des semaines, voire des mois, pour que les coquilles se défassent des dernières traces, les plus difficiles à évacuer », indique-t-il.Les chances d'en sortir. « Dans le secteur des Glénan, l'interdiction a duré quatre ans avec des effets yoyo (autour de 80 mg), des redescentes de taux et de nouvelles efflorescences retardant la fin de l'interdiction. D'après les prélèvements régulièrement réalisés sur les sites bretons par Ifremer, les baies de Morlaix et de Saint-Brieuc sont pour le moment complètement épargnées. Les courants apportants ces concentrations d'algues toxiques du large sont déterminants. On sait que les efflorescences se développent au printemps mais aussi dans le courant de l'été (bruit de fond) et parfois à l'automne, en fonction de la température de l'eau, de l'ensoleillement et des apports d'azote, de phosphore et de silicium », précise Dominique Le Gal. Un été caniculaire favorise l'efflorescence.
Un article de la rédaction du Télégramme