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Deuxième volet du reportage avec la Gendarmerie maritime de Brest. Après la pêche de plaisance la semaine dernière, François Didierjean embarque aujourd'hui avec les hommes de la vedette Penfeld pour une mission de surveillance et de contrôle des pêcheurs professionnels. Le littoral Breton est caractérisé par une répartition continue et dense de prés de 150 «sites officiels» de débarquement de poissons et crustacés dont quinze sont équipés d'une halle à marée. Pour contrôler cette activité, la Gendarmerie déploie en Bretagne quatre des 24 Vedettes Côtières de Surveillance Maritime (VCSM) : La Trieux à Saint-Malo, l'Elorn à Concarneau, ainsi que la Penfeld et l'Aber Wrach à Brest. La Penfeld (© : FRANCOIS DIDIERJEAN) Le contrôle des pêches Les 12 cylindres en V diésel des deux moteurs nous amènent à une vitesse de transit de 18 noeuds à Tréguier (Côte d'Armor). Entre deux quarts, Eric Laheurte, commandant de la Penfeld, m'explique les spécificités halieutiques de la région Bretonne. Si le binôme «baudroie-langoustine» domine sur la côte sud, coquilles Saint-Jacques, baudroies, bars et praires se partagent majoritairement l'activité de la côte nord. Aux nombreuses conventions nationales et internationales qui règlementent la pêche, s'ajoute la «locale». Différente selon les secteurs maritimes du littoral Breton, élaborée par les pêcheurs du coin, elle est validée par la préfecture de région. Il est donc important de savoir où se situe l'infraction afin de définir son cadre juridique. Croisant notre route, un fileyeur-caseyeur sera le premier contrôlé. Entrer en relation avec un pêcheur en activité demande tact, fermeté, écoute et diplomatie. Celui-ci sait qu'il va être contrôlé et qu'il devra nous consacrer de son temps dont il n'est pas avare ce jour !!! Notre professionnel nous commente largement la toute récente réglementation européenne (avril 2011) qui a pour volonté d'assurer le renouvellement des stocks de poissons. Ces dernières mesures parachèvent la réforme du contrôle des pêches adoptée en 2008. Pour se rendre à bord des navires contrôlés, les Gendarmes utilisent l'embarcation semi-rigide de la Penfeld (© : FRANCOIS DIDIERJEAN) Une nouvelle réglementation européenne Instituant un régime communautaire de contrôle, le but de ce règlement est d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche (72% des stocks halieutiques sont en état de surexploitation, la pêche illégale représente plus de 20% des prises). Pour tout navire européen ou de pays tiers naviguant dans les eaux européennes, l'ultime sanction est le retrait de la licence de pêche. Les principales infractions pénalisées concernent la déclaration préalable de la pêche, la taille de poissons, les engins de pêche, les zones de pêche. Du museau à la caudale (© : FRANCOIS DIDIERJEAN) Un permis à points Le pêcheur «interviewé» a longuement disserté sur le fameux permis à points opérationnel dès le 1er janvier 2012 pour les bateaux de plus de 12 mètres et les amendes prévues (de 5 à 8 fois la valeur des prises en cas de récidive). A la différence des automobilistes qui détiennent un capital de points et s'en voient supprimer, dans la pêche celui qui n'a pas commis de fautes n'a pas de points. Un barème fixé au niveau communautaire détaille les infractions graves : - 3 points : manquement aux obligations d'enregistrement et de déclaration des données relatives aux captures. - 5 points : embarquement, transbordement ou débarquement de poissons n'ayant pas la taille requise. - 7 points : utilisation d'un navire de pêche n'ayant pas de nationalité... A partir de 18 points, la licence de pêche communautaire est suspendue 2 mois. A 90 points, elle sera retirée et dans ce cas le propriétaire obligé de faire une nouvelle demande de licence. Les solutions pour repartir à zéro : trois ans sans infraction ou l'inscription à une démarche d'effacement comme participer volontairement à une campagne scientifique pour l'amélioration de la sélectivité des engins de pêche. Contrôle des cales (© : FRANCOIS DIDIERJEAN) La fiche interministérielle de contrôle «mer» Particulièrement motivé dès 2005 par le paiement d'une somme de 20 millions d'euros (Cour de justice des Communautés européennes), notre pays a intensifié les contrôles de toutes les étapes allant de la capture de poissons sous taille à leur vente au consommateur final. Des tableaux complémentaires listent les tailles minimales biologiques pour les crustacés, les céphalopodes, les coquillages (*). Pour chaque contrôle en mer, une fiche est renseignée. Tout est noté : de l'indicatif radio aux engins de pêche utilisés (avec dimension du maillage), de la documentation à bord au fonctionnement du système VMS (Vessel Monitoring System, ou système de repérage par satellite), des quantités déclarées sur le journal de bord par rapport à celles contrôlées à bord ! Les produits marins non conformes sont obligatoirement appréhendés. Toute infraction constatée donnera lieu à l'établissement d'une procédure pénale systématiquement transmise au procureur de la république. Tact et fermeté (© : FRANCOIS DIDIERJEAN) Cancer pagurus(a) et Homarus gammarus(b) Notre pêcheur est à jour des permis, autorisations, documents obligatoires, les marquages sont bons, son matelot est bien déclaré sur le rôle d'équipage, aucun engin interdit n'est à bord et il n'obstrue en aucun cas la procédure ! L'étape du contrôle des cales permettra de clore la fiche. Celles-ci grouillent de crabes tourteaux(a) et de homards(b). Si la taille d'un poisson est mesurée de la pointe du museau à l'extrémité de la nageoire caudale, celle du homard part de l'arrière d'une des orbites jusqu'à la bordure du céphalothorax (longueur de la carapace). Equipé d'un pied à coulisse couleur rouille, j'attrape au hasard et dans chaque cale une dizaine de sujets pour une mesure sous haute surveillance ! Ceux-ci sont largement au dessus des 140mm(a) et des 87 mm(b) exigés comme taille minimale. Pendant ce temps, un second gendarme avait été déposé par notre zodiac sur un fileyeur pour une opération identique. Dans les deux cas, aucune infraction constatée mais des patrons inquiets de la hausse du carburant et de la dégradation des écosystèmes marins. L'épreuve du pied à coulisse (© : FRANCOIS DIDIERJEAN) Entre professionnels (© : FRANCOIS DIDIERJEAN) Les exigences d'une mer sous contrôle... La formation du Gendarme Maritime est aussi spécifique que le monde maritime. S'adapter à l'évolution constante de sa réglementation nécessite une immersion régulière dans les différents textes sans oublier de mettre à jour les documents de travail afférents. Leur maîtrise est d'autant plus efficace que son utilisateur sait s'intégrer dans ce microcosme qu'est celui de la pêche professionnelle A 19 heures, nous remontons sur quatre nautiques la rivière de Tréguier. Un ponton nous attend pour la nuit. A 21 heures, nous repartons avec Tender One sur la ria pour contrôler discrètement l'activité nocturne... plusieurs aquaculteurs se sont plaints de «prélèvements illicites»... mais ceci est une autre histoire.François DIDIERJEAN (CF de réserve) Avril 2011 _____________________________________________________ (*) Annexe 2 du règlement (CE) du Conseil du 30 mars 1998.

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