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Au pays bigouden, dans le Finistère, c’est une institution. Depuis 1929, à Treffiagat, à deux pas des quais du Guilvinec, on fabrique des engins de pêche. Les doigts de fée de générations de femmes bigoudènes ont accompagné les évolutions des filets, chaluts et autres sennes depuis plus de 80 ans et la première machine achetée par l’ingénieur Louis Le Drezen. La petite usine fournit alors en filets les pêcheurs de maquereaux et de sardines et prend un bel essor dans les années 30. La guerre interrompt cet élan élan, Louis Le Drezen, engagé dans la résistance est tué dans la bataille de la poche de Lorient. C’est sa femme, aidée les contre-maitresses de l’usine qui va poursuivre l’activité, bientôt rejointe par sa fille et son gendre, Monique et Pierre Le Brun, qui vont diriger l’usine jusqu’en 1989. Leurs fils, Louis et Pierre, leur succéderont jusqu’à leur retraite en 2011, date à laquelle ils cédent l’usine, devenue entre temps la dernière fabrique française de filets, au groupe hollando-portugais Euronete, racheté en 2012 par l’américain WireCo, leader mondial du câble.

 

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© MER ET MARINE - CAROLINE BRITZ

(© MER ET MARINE - CAROLINE BRITZ)

 

Des chaluts, des sennes, des filets

« Nous sommes les héritiers d’une très forte tradition et d’un savoir-faire rare », note Max Dufour, l’actuel dirigeant de Le Drezen. 65 personnes travaillent aujourd’hui dans l’usine, avec désormais également des messieurs, souvent d’anciens pêcheurs qui apportent l’expérience du bord. « Ici nous faisons tout », dit Max Dufour en montrant les gigantesques rangées de bobines de fibre entreposées près de l’atelier. Polyéthylène vert pour les chaluts, bleu ou gris pour de la résistance ou de la tension accrue, du nylon noir pour les sennes à thon, du dyneema pour des applications spécifiques… toutes les combinaisons sont possibles en fonction de la pêcherie visée. « Notre clientèle principale sont les chalutiers, qui représente environ 50% de notre activité. Il y a ensuite les sennes à thon pour 30% et les filets fins et sennes à sardines, qui représentent 10% chacune ».

 

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© DROITS RESERVES

La senne du Trevignon de CFTO (DROITS RESERVES)

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La salabarde du thonier Franche Terre de Sapmer(DROITS RESERVES)

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Chaque couleur correspond à un type de fibre (© MER ET MARINE - CAROLINE BRITZ)

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© MER ET MARINE - CAROLINE BRITZ

(© MER ET MARINE - CAROLINE BRITZ)

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© MER ET MARINE - CAROLINE BRITZ

Salle d'assemblage des engins de pêche (© MER ET MARINE - CAROLINE BRITZ)

 

Un processus mécanisé mais encore artisanal

Une fois la fibre choisie, les bobines sont placées dans des grands métiers à tisser, qui vont produire des pièces de filets, les alèzes. Celles-ci vont ensuite être étuvées avant d’être amenés dans la grande salle d’assemblage où elles vont être « cousues » les unes aux autres pour former l’engin. « Nous avons  fini la senne qui a été installée sur le Gevred, le nouveau thonier-senneur de la CFTO et nous sommes déjà en train de travailler sur la suivante ». Des plans d’assemblage complexes décrivent les forces et contraintes exercées sur chaque partie de la senne. Le puzzle d’alèzes qui forme l’engin de pêche est un assemblage complexe et unique.

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Bobines placées dans le métier à tisser (© MER ET MARINE - CAROLINE BRITZ)

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Tissage d'une alèze (DROITS RESERVES)

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Etuve de l'alèze (DROITS RESERVES)

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Assemblage du filet (DROITS RESERVES)

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L'écartement des mailles doit respecter les normes en vigueur pour chaque pêcherie (DROITS RESERVES)

 

Chaque engin de pêche a ses spécificités

Parce qu’un filet, un chalut, une senne ou un trémail, ce n’est pas une production en chaîne. « Chaque engin de pêche est spécifique au métier pour lequel il est utilisé mais également à son environnement. On ne va pas avoir les mêmes contraintes en Manche et au large de la Vendée, avec des grosses conditions de courant ou des sols rocheux », détaille Cyrille Le Roux, le directeur technique. Et c’est là précisément un des savoir-faire de l’usine Le Drezen. « Nous pouvons faire tous types de filets, fournir des pièces pour ramender et même monter tout l’engin en fonction des souhaits du client. Mais nous pouvons également proposer un service de conception », poursuit Cyrille Le Roux.  

 

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Montage complet d'un engin de pêche (DROITS RESERVES)

 

L’ingénierie au service de la conception des engins

La co-construction, comme on l’appelle aussi, va permettre la création d’un engin sur-mesure, en associant les besoins définis par le client, les retours d’expérience et le savoir-faire textile et mécanique des spécialistes de Le Drezen. Et si le montage est encore artisanal, la conception, elle, est depuis longtemps ancrée dans l’ère numérique. « Nous avons des banques de données provenant de multiples engins de pêche, ainsi que des outils de simulation spécifiquement conçus pour cet usage. Lorsque nous concevons une senne à thon, nous pouvons simuler toutes les manœuvres, les contraintes, les courants, les tensions qu’elle subira. Cela va nous permettre d’analyser son comportement et donc d’optimiser les paramètres cruciaux comme la vitesse de chute ou la durée de vie du filet ».  Le Drezen mise également beaucoup sur la R&D, notamment sur le textile et l’évolution des fibres et des tressages. En plus de l’expertise « maison », elle peut désormais aussi profiter des moyens du groupe WireCo, un des grands spécialistes du synthétique.

 

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Outil numérique de conception d'engin de pêche (DROITS RESERVES)

 

Développer le marché export

Offrir des filets plus résistants grâce à des fibres de plus en plus efficaces, « nous visons 30% de durée de vie supplémentaire par rapport à nos concurrents », mais également parfaitement adaptées aux besoins, c’est ce que Le Drezen veut mettre en avant sur un marché désormais mondial. « 80% de notre clientèle est française, 20% part à l’export vers l’Europe, l’Amérique du Nord ou encore l’Afrique », souligne Max Dufour. Il voit un gros potentiel de développement pour ces engins « made in France » vers des nouveaux clients internationaux, en Amérique latine ou dans le Pacifique, où le marché des sennes à thon pourrait se développer fortement. « Nous visons un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros cette année, que nous espérons augmenter à 30 d’ici 5 ans ». De belles ambitions pour le centenaire de l’usine bigoudène.

 

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