Suite à sa décision l’an dernier de se désengager des grands fonds, l’armement du Groupement Les Mousquetaires (Intermarché) poursuit sa stratégie de partenariat avec les artisans pêcheurs. Après des initiatives avec des patrons finistériens, ainsi que la naissance de la Scopale, armement coopératif créé en avril 2015 avec l'armement boulonnais Le Garrec et dont les trois premiers chalutiers sont en construction, la Scapêche a annoncé hier la création de la Société centrale de l’armement de la pêche artisanale de Keroman.
Basée à Lorient, la Scapak, société par actions simplifiée, est détenue à hauteur de 20 % par la Scapêche et de 80 % par l’Armement pour la pêche artisanale de Keroman. L’Apak, dirigé par Eric Guygniec, compte 30 marins et 5 chalutiers artisans de 17.5 à 20.6 mètres équipés d’engins sélectifs pour pratiquer une pêche durable. Cet armement breton, qui totalise quelques 2000 tonnes de capture, s’est notamment illustré en participant au programme Fish2EcoEnergy afin de développer un bateau de nouvelle génération, propre, économe et offrant de meilleures conditions de travail.

Le Gloire à Marie III (© APAK)
Transformation d’un chalutier boulonnais
Dans un premier temps, l’alliance nouée avec la Scapêche permet à la nouvelle société, avec toujours à la barre Eric Guygniec, d’investir 1.2 million d’euros dans la refonte d’un chalutier boulonnais, le Gloire à Marie III, qui va se transformer en bateau polyvalent, conçu en particulier pour pratiquer la senne danoise, qui devrait représenter près de la moitié de son activité, à côté du chalutage. « On jouera sur les deux métiers en fonction des saisons et de la météo. La technique de la senne nous permet aussi de valoriser le poisson pêché, qui sera encore de meilleure qualité », explique Éric Guygniec. Il pêchera notamment du merlu et du thon germon dans le golfe de Gascogne, ainsi que le rouget, la seiche ou encore l'encornet. Rebaptisé Naoned (nom breton de la ville de Nantes), ce senneur de 23.4 mètres construit en 1999 par Piriou est destiné à un patron pêcheur breton, Yohann Madiot, qui travaille déjà avec l'Apak. Seul senneur de Bretagne-Sud depuis le départ de ceux de l'ex-armement Dhellemmes à Fécamp, ce sera sussi un bateau économe en gasoil. « On attend une économie de 20 % de carburant, sans changer le moteur ». La transformation du navire est en cours au chantier néerlandais Padmos, qui arme d'ailleurs les nouveaux chalutiers de 19 mètres de la Scopale (les coques ont été réalisées à Dieppe par MIM), dont la livraison est prévue dans les mois qui viennent. Pour le Naoned, l’objectif est une mise en service cet été au sein de la Scapak. Après le Naoned, d'autres bateaux pourraient suivre. « On a créé le modèle. On va d'abord voir si c'est viable », souligne Sylvain Pruvost, président de la Scapêche.

Sylvain Pruvost et Eric Guygniec (© SCAPECHE)
Le plan « pêche durable 2025 »
Pour ce dernier, la prise de participation se traduisant par la création du nouvel armement « est une manière de conforter notre présence à Lorient. Nous poursuivons ainsi nos actions pour le maintien des quotas de pêche français. Cela permettra à l’artisan pêcheur d’acquérir un navire tout en assurant ses débouchés sur le long terme ». Cette action s’inscrit donc dans le cadre du plan « pêche durable 2025 » lancé par la filière Mer du Groupement Les Mousquetaires, qui vise à l’abandon de la pêche et de la commercialisation du grenadier, du sabre et de la lingue bleue ; trois espèces de grand fond vendues par les enseignes Intermarché et Netto. L’objectif est un arrêt complet en 2025. D’ici là, pour s’adapter à ce changement de paradigme, la flotte de la Scapêche bénéficie d’un plan d’adaptation sur 10 ans. « Pour cela, elle investit dans de nouveaux navires, plus modernes et aux méthodes de pêche plus diversifiées, et dans la pêche artisanale française. La mise en place de partenariats avec des pêcheurs artisans, comme la Scapak ou encore la Scopale avec les Pêcheurs d’Opale à Boulogne-sur-Mer, ainsi que le rachat et la transformation de bateaux, s’inscrivent dans cette stratégie de diversification », explique l’armement. Ce dernier rappelle qu’en 2016, la Scapêche a fait l’acquisition d’un bolincheur dans le Finistère alors que, tout récemment, le chalutier Claude Moinier II, qui pratiquait la pêche profonde, a été revendu.

Le Claude Moinier II, récemment vendu par la Scapêche (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Pour mémoire, la Scapêche est le premier armateur français de pêche fraîche avec un volume de 17.000 tonnes débarquées en 2016. Sa flotte, qui compte 22 navires armés par 250 officiers et marins, permet de couvrir 60 % des besoins en produits de la mer du Groupement Les Mousquetaires pour ses points de vente Intermarché et Netto.
Article réalisé avec la contribution de la rédaction lorientaise du Télégramme