La baisse spectaculaire du prix du baril de pétrole brut offre une bulle d'oxygène à la filière pêche. Le gazole détaxé, qui avait grimpé jusqu'à 74 centimes le litre, se situe aujourd'hui autour des 46 centimes. De quoi envisager l'avenir avec un peu plus de sérénité pour des pêcheurs dont le carburant constitue une part importante des coûts d'exploitation.
Le marin de Saint-Guénolé, d'Audierne ou de Concarneau peut remercier l'Arabie Saoudite ! En décidant d'ouvrir le robinet à pétrole, faisant baisser de manière spectaculaire le cours de l'or noir, le pays du Golfe soulage les trésoreries de la filière pêche. Le prix du litre de gazole détaxé (il est exonéré de TIPP et de TVA) est aujourd'hui à 0,46 € du litre, contre environ 0,7 € un an plus tôt.
Plus de 50 % de baisse
« La baisse est flagrante depuis septembre surtout : sur un an, le recul des prix est supérieur à 50 % », note Jean-Loup Thivet, directeur général de la Sobad Marine, à Douarnenez, qui assure la distribution de carburants marins. Cela ne rattrapera pas le début d'année 2014 rendu difficile par les tempêtes, mais apporte une bulle d'oxygène. Payer 0,40 € le litre de gazole : c'était la principale revendication du mouvement de grève des marins-pêcheurs au printemps 2008. Le coût du carburant tournait alors autour de 0,70 à 0,75 € le litre, pesant fortement sur les coûts d'exploitation. « En 2013, le prix a connu un nouveau pic à 74 centimes, alors que pour beaucoup de navires, le point d'équilibre se situe à 38 centimes ! Des marins ont connu des mois sans salaires, des entreprises ont souffert voire disparu, de telles flambées portent des coups terribles », ajoute Jean-Loup Thivet, qui espère pour la filière voir le cours rester autour de 0,45 € en 2015. D'autant que le coût des apparaux de pêche (chalut, filets, casiers...) pourrait aussi bénéficier de la baisse du prix du plastique. « Reste que la dépense en carburant n'est qu'un aspect du problème : il faut aussi une bonne valorisation des produits de la pêche », ajoute ce bon connaisseur du secteur.
Marge de manoeuvre élargie
Sur les quais de Concarneau, cette baisse du prix du gazole pêche est évidemment accueillie avec soulagement. « Cela nous permet de bénéficier enfin d'une marge de manoeuvre, que ce soit dans la gestion de la pêche, de l'équipage ou de l'entretien du bateau », souligne Stéphane Bevin, le patron armateur du Lycia, un bolincheur qui consomme en moyenne 70 tonnes de carburant à l'année. « Même si l'effet est moindre que sur les chalutiers, la part consacrée à la paye de l'équipage a quand même augmenté. Et l'effet de la baisse devrait aussi se faire ressentir à terre puisqu'elle va nous permettre d'investir dans l'entretien des navires ». Pour les bolincheurs, qui « traquent » les bancs de poissons bleus (sardines, chinchards, etc.) près des côtes, un carburant moins cher, c'est aussi la possibilité d'étendre un peu la zone de pêche ou de chercher plus longtemps les bancs de poissons. Enfin, Stéphane Bevin envisage plus sereinement les fluctuations des cours du poisson. « On sait que traditionnellement, les cours chutent en février, cette année, je pense qu'on pourra encaisser une éventuelle chute plus facilement ».
Moins d'effets pour la petite pêche
Du côté des petits côtiers, l'effet de la baisse du prix du gazole est à la mesure de leur consommation en carburant : faible. « Je consomme entre 25 et 30 litres de gazole par jour donc, même si c'est appréciable, les répercutions ne sont pas les mêmes sur un petit bateau que pour un gros consommateur », témoigne Manu Bonnichon, le patron du fileyeur caseyeur Enez Couz qui détient également une licence pour la pêche aux ormeaux. « Ça reste difficile pour moi et vu ce que l'on pêche, c'est plus sur des bons cours sous criée qu'il vaut mieux tabler que sur les prix du gazole ».
Un article de la rédaction du Télégramme