La majeure partie des armateurs pêchant la légine dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) pourrait se regrouper afin de lancer un projet commun de nouveaux palangriers. Une partie de la flotte doit, en effet, être remplacée dans les peochaines années et, pour des questions de coûts, les armements réfléchissent à une commande groupée auprès d’un chantier. Une approche qui avait déjà été de mise il y a une dizaine d’années, lorsque Piriou avait livré en 2001 et 2002 cinq palangriers semblables de 55 mètres aux pêcheurs français opérant depuis La Réunion. Les discussions sont actuellement en cours, quatre des six armateurs présents sur ce marché étant pour le moment intéressés par le projet, confie l’un d’eux.
Mise à l’eau des lignes via l’intérieur de la coque
La nouvelle génération de palangriers fait l’objet d’études très poussées, visant notamment à améliorer l’efficience énergétique des navires et améliorer la protection des oiseaux. Ceux-ci ont en effet tendance à se jeter sur les lignes bardées d’hameçons dès que celles-ci sont accessibles. Différents systèmes ont déjà été mis en place afin de réduire la mortalité aviaire, comme des dispositifs d’effarouchement et des lignes lestées coulant plus rapidement. Mais les professionnels voudraient aller plus loin et réfléchissent à des solutions innovantes, comme une mise à l’eau des lignes via l’intérieur de la coque. On imagine, par ailleurs, que des réflexions sont en cours afin de trouver des parades aux raids des orques sur les lignes de pêche, un véritable problème puisque ces animaux ont appris, au fil des années, à venir déguster les légines lorsque celles-ci sont remontées vers la surface, engloutissant parfois une part non négligeable des prises.
La commande des navires devrait intervenir l’an prochain en vue d’un début des livraisons à la fin de l’été 2015, juste avant le début de la campagne de pêche à la légine, durant l’été austral, qui débute à l’automne.

Le Mascareignes III (© STEPHANE BOMMERT)
Six armements, sept navires
Pour mémoire, six armements français exploitent sept palangriers congélateurs, qui pêchent chaque année, dans les eaux de Kerguelen et Crozet, plus de 5000 tonnes de légine, un poisson de grand fond très prisé sur le marché asiatique. Ces armements sont la Sapmer, qui exploite le Croix du Sud, l’Ile Bourbon et l’Albius, ainsi que le Mascareignes III pour le compte de l’Armement des Marscareignes (Armas Pêche), Cap Bourbon avec le Cap Horn I, Comata (Scapêche) avec l’Ile de La Réunion et Pêche Avenir avec le Saint-André. Le doyen de cette flotte est le Croix du Sud (construit en 1987 et transformé en 1999), la série des cinq palangriers livrés par Piriou en 2001 et 2002 étant constituée des Ile Bourbon, Albius, Mascareignes III, Cap Horn I et Ile de La Réunion. Plus récent, le Saint-André, également construit à Concarneau, a été mis en service en 2009. La moyenne d’âge est donc peu élevée mais il faut se souvenir que ces bateaux évoluent dans des eaux extrêmement difficiles, qui fatiguent prématurément le matériel.

Le Saint-André (© PIRIOU)
La pêche à la légine
La pêche à la légine, poisson de fond très cher et particulièrement apprécié des très exigeants consommateurs japonais, fait l'objet de mesures d'encadrement très spécifiques. La pêcherie est gérée par l'administration des Terres Australes et Antarctiques Française, qui attribue les droits de pêche dans l'immense zone économique exclusive française de l'océan Austral. Une ZEE qui a fait l'objet de tensions durant les années 90, lorsque de très gros chalutiers étrangers venaient pêcher illégalement la précieuse légine. C'est une des raisons pour lesquelles la région de Crozet et Kerguelen est régulièrement visitée par les frégates de surveillance de la Marine nationale, dont deux exemplaires sont basés à La Réunion. Par ailleurs, une surveillance satellite permanente de la zone est effectuée par le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS). En ce qui concerne la gestion du stock, des quotas sont fixés chaque année sur recommandation scientifique du Museum d'Histoire Naturelle. Des campagnes d'évaluation de la ressource, baptisées Poker, sont effectuées régulièrement. De plus, des observateurs sont présents à bord de chacun des palangriers autorisés à pêcher.
Après avoir longtemps été pratiquée au chalut, la pêche se fait désormais exclusivement à la palangre, un engin de pêche plus sélectif. Celui-ci a cependant amené des phénomènes de déprédation importants : d'abord par les albatros qui, en tentant de voler le poisson lors de sa remontée, s'accrochent aux hameçons. Mais il y a aussi les orques (épaulards) , qui, en quelques années, ont appris à dépouiller les lignes de palangre. Les armements à la pêche, la réserve naturelle des Terres Australes et les scientifiques travaillent à des dispositifs permettant d'effaroucher les animaux.