Par le prisme de la Gendarmerie maritime, dont l’une des missions est la surveillance des pêches, François Didierjean nous embarque aujourd’hui à la découverte de la bolinche, l’une des grandes techniques de pêche utilisées au large des côtes bretonnes.
Le gain d’un degré en température des masses marines européennes en 30 ans a modifié les aires de répartition des poissons. Leur migration bouleverse géographiquement les ressources halieutiques et les techniques de pêche. En Bretagne sud, filets, chaluts et bolinches peuvent se faire concurrence sur une même zone. L’équipage de la vedette côtière de surveillance maritime Elorn, à l’image de ses 23 sisterships de la Gendarmerie maritime, procède depuis Concarneau à des opérations de police des pêches et de la navigation jusqu’à une vingtaine de miles des côtes. Une de ses missions est justement d’éviter les contestations éventuelles entre pêcheurs professionnels pour certains poissons emblématiques comme le bar, en raison de sa forte valeur.
Techniques de pêche : arts dormants, arts traînants
Pour bien comprendre, il n’est pas inutile de décrire quelques unes des grandes techniques de pêche en vigueur. Le filet, tout d’abord, est un outil passif tendu verticalement dans l'eau. Il capture principalement des poissons (rouget barbet, merlu, lotte, sole...) d'une taille précise grâce aux mailles dimensionnées pour les retenir par les ouïes. Alors que le filet peut mesurer de 2 à 10 kilomètres, des bouées surmontées d'un pavillon le signalent. Le chalut, pour sa part, est un filet de forme conique (entonnoir) tracté par un ou deux chalutiers à l’aide de câbles, que l’on appelle des «funes». En fonction de la longueur filée, la profondeur du chalut est ajustée à celle du banc de poissons (Saint Pierre, sole, plie, raie, lotte...).
Quant à la bolinche, il s’agit d’un filet tournant coulissant. Long de plusieurs centaines de mètres avec une chute de 70 mètres, ce véritable lasso permet d’abord d’encercler rapidement le banc de poissons (anchois, sardine, maquereau, merlan bleu...) préalablement repéré. Un filin (coulisse), glissé dans sa partie inférieure assure sa fermeture.

La technique de la bolinche (© FRANCOIS DIDIERJEAN)
Une flottille de bolincheurs, nom donné aux bateaux mettant en œuvre cette technique, est basée à Concarneau. Malgré la forte réduction de la pêche hauturière ces dernières années, la cité finistérienne fait toujours partie des 10 premiers ports de pêche français. Les principales espèces vendues sous criée sont l’églefin, le merlu, la sardine, la lotte et la langoustine. En tout, une centaine de navires sont immatriculés dans le port breton, du fileyeur de 9 mètres au thonier senneur de 80 mètres, en passant par le bolincheur ou le chalutier. La plupart des bateaux travaillent au large des côtes françaises mais certains naviguent bien plus loin, comme les thoniers concarnois exploités en océan Indien.

La VCSM Elorn dans le port de Concarneau (© FRANCOIS DIDIERJEAN)
Mission du jour, le contrôle des bolincheurs
Dans le port de Concarneau, l’Elorn s’apprête à appareiller pour une mission de contrôle des bolincheurs. Avant de larguer les amarres, les gendarmes relisent la décision du 18 février 2014 fixant le nombre de licences et l’organisation de la campagne de pêche à la bolinche au sud du 48°30’. Les proies, les tonnages et les interdictions y sont précisées.
Avant de rejoindre les bolincheurs, dès la sortie du chenal, les gendarmes en profitent pour effectuer un premier contrôle sur des casiers et un fileyeur. Pas de problème pour les casiers qui sont bien immatriculés, en revanche le fileyeur reçoit l’ordre de retourner au port pour graves défauts de sécurité.

Surveillance d'un bolincheur par l'Elorn (© FRANCOIS DIDIERJEAN)
L’Elorn rejoint ensuite l’archipel des Glénan. Près de l’île de Penfret, un bateau met à l’eau sa bolinche. Equipée d’une petite lumière pour être repérée la nuit, une première bouée est larguée. Elle est reliée par un bout de deux à trois cents mètres à la senne équipée dans sa partie basse d’une corde de plomb lui permettant de couler. La senne filée, le bateau, qui doit prendre garde à ce qu'elle ne se prenne pas dans son hélice, amorce un cercle jusqu’à ce qu’un matelot attrape la bouée et ferme la bolinche. La coulisse est virée grâce à un treuil puissant, la senne forme alors une poche. Certains navires sont équipés de capteurs de marque Scanmar (situés sur le lest de la senne) et savent précisément si elle a touché ou non le fond.
La bolinche est relevée grâce à une puissante poulie disposée à l’arrière du bateau et un vire-filet à l’avant. Ces deux opérations conjointes ramènent petit à petit, vers la coque, l’ensemble du poisson. Celui-ci est récupéré à bord à l’aide de la salabarde, grande épuisette reliée à une petite grue hydraulique. Capturé vivant, le poisson est remonté par « paquets » de 300 kilos et largué dans des cuves réfrigérées et remplies au tiers d’eau glacée. Il peut toutefois être relâché si la proportion de juvéniles est jugée trop importante. En tout, un coup de bolinche dure environ trois quart d’heure et, à peine terminé, l’équipage, qui compte généralement six à huit pêcheurs, se prépare à renouveler l’opération. Parti du port en fin d’après-midi, le bolincheur va, ainsi, réaliser une longue marée qui peut être supérieure à 12 heures.

Le poisson est récupéré par la salebarde (© FRANCOIS DIDIERJEAN)
Une activité très règlementée
Alors que la capture de la daurade rose leur est interdite, un tonnage maximum annuel de sardines est fixé pour chaque bolincheur, dont le nombre autorisé à pêcher simultanément est limité à 20 bateaux.
Les bolincheurs ont l’obligation de faire l’annonce du tonnage pêché au Centre national de surveillance des pêches d’Etel au minimum une heure avant leur retour.
Comme agent ou officier de police judiciaire, le gendarme maritime est à même de constater des infractions. Transmises aux autorités administratives et judiciaires, elles pourront se traduire par des sanctions comme le retrait de la licence par l’administrateur des Affaires maritimes, l’appréhension de la pêche, l’interdiction de sortir en mer pendant plusieurs jours, ou financières et pénales dans le cas d’une commercialisation illégale.
François Didierjean, Capitaine de frégate de réserve