La ministre de l'Ecologie Ségolène Royal est venue à Lorient dans l'après-midi du samedi 22 novembre pour y attendre la goélette Tara, de retour d'une expédition en Méditerranée. Elle a indiqué que Tara sera partie prenante à la conférence mondiale sur le climat, à Paris, en décembre 2015. Elle a visité les stands de prévention sur les déchets avant de rencontrer des pêcheurs à la sous-préfecture. La ministre a insisté sur le fait qu'ils sont les premiers à avoir intérêt à ce que les océans soient propres et qu'il n'y a pas lieu, comme les agriculteurs, de les opposer aux défenseurs de l'environnement.

La ministre à bord de Tara (LE TELEGRAMME)
Constats "édifiants" sur les plastiques en mer
Sur le fond, l'expédition aura été l'occasion pour Tara de confirmer les craintes des scientifiques sur les concentrations de plastiques en mer. "Les premiers constats de l'expédition sont édifiants", a assuré Gaby Gorsky, directeur scientifique de l'expédition qui a démarré en mai. "A chaque relevé de filet, il a été prélevé des échantillons de plastique ou de microplastiques, et ce dans toute la Méditerranée", a précisé Stéphane Bruzaud, de l'Université de Bretagne Sud, soulignant des concentrations plus importantes dans les eaux de certains pays, ainsi qu'à proximité des grandes villes, ports et zones touristiques. Mais des "concentrations non négligeables" ont également été observées en haute mer, "bien qu'on pourrait penser que les microplastiques y sont plus dispersés", a ajouté le Pr Bruzaud, un des nombreux scientifiques associés à cette mission, la première d'une telle envergure dans la Grande Bleue. Ces microplastiques (moins de 5 mm) sont le résultat d'un processus de dégradation ou d'érosion sur de longues périodes. "La Méditerranée connaît en moyenne les densités de plastique les plus importantes au monde, avec 250 milliards de microplastiques", a souligné François Galgani, chercheur à l'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer). La Méditerranée est une mer petite et quasi fermée et qui génère beaucoup d'activités touristiques. "Toutes les conditions sont réunies pour qu'il y ait un degré de pollution extrêmement élevé", a estimé le Pr Bruzaud. Cette mer, qui représente moins de 1% de la surface des océans, est une incroyable réserve de biodiversité (8% des espèces), mais elle subit une forte pression avec 90% de la pollution qui vient de la terre. Lors de l'expédition --la 10è pour Tara depuis 2003--, à laquelle ont participé 14 laboratoires de recherche (français, italien, allemand ou américain) quelque 2.300 échantillons ont été prélevés lors de 350 traits de filets, tant au large que près des côtes, des embouchures de rivières ou des ports.
Effets sur la santé humaine
La composition chimique du plastique collecté sera étudiée, tout comme l'interaction entre le zooplancton, base de la chaîne alimentaire marine, et le plastique. "Il y a déjà des échantillons de microplastiques qui ont pénétré la chaîne alimentaire avec des effets aujourd'hui sur la santé humaine qui sont encore inconnus", a souligné Stéphane Bruzaud, dont le laboratoire, le LIMATB, sera chargé d'analyser et identifier (PVC, polystyrène, polyéthylène...) les microplastiques récupérés afin notamment de pouvoir proposer des produits de substitution. Les premiers résultats de la mission, dont le coût est de 1,6 million d'euros, devraient être connus à partir du printemps. L'expédition comportait un volet scientifique, mais également un volet de sensibilisation du public aux enjeux environnementaux. Ainsi, quelque 12.000 personnes et scolaires ont été accueillies à bord de la goélette de 36 mètres lors d'escales dans 13 pays. "Les enjeux ne sont pas en mer mais sur terre, il faudrait qu'on parvienne à empêcher que ces plastiques arrivent dans les océans", a déclaré Maria Luiza Pedrotti, coordinatrice scientifique de la mission. "Il n'est pas possible de nettoyer les océans", a-t-elle justifié. En 2016, Tara va changer de thématique et aller étudier les coraux du Pacifique.
Un article de la rédaction du Télégramme