Le Laboratoire de recherche en hydrodynamique, énergétique et environnement atmosphérique (LHEEA) de l’Ecole Centrale de Nantes va se doter, d’ici 2020, d’un nouveau bassin de houle. Les travaux, qui doivent débuter l’an prochain et se poursuivre en 2018, verront l’actuel bassin, long de 50 mètres pour une largeur de 30 mètres et une profondeur de 5 à 10 mètres, être allongé de 40 mètres. Construit en 2000, cet équipement est aujourd’hui capable de reproduire différents effets de mer, des conditions classiques de navigation ou de production jusqu’aux situations extrêmes, voire de survie. Ainsi, cette grande piscine peut passer rapidement d’un état calme à une eau tumultueuse, avec une « méchante » houle croisée et même une vague scélérate équivalente à un mur d’eau de 40 mètres dans la réalité (près de 2 mètres dans le bassin). Cela, de façon parfaitement maîtrisée grâce à 48 volets pilotés indépendamment. Agissant comme des batteurs, ils permettent de contrôler la masse liquide et lui donnent la forme souhaitée. Installée en 2012, une soufflerie peut quant à elle reproduire différentes conditions de vent, afin par exemple d’étudier le comportement d’une éolienne flottante.
Essais en bassin de houle (© ECN)
Ajout de la courantologie
Le futur bassin, qui s’étendra donc sur 90 mètres, sera doté d’un nouveau système de génération de vent, alors que l’extension disposera d’un « faux plancher » avec des pompes permettant de créer une courantologie. Il sera dès lors possible de cumuler toutes les contraintes naturelles possibles (mer, vent, courants) pour déterminer le plus finement possible le comportement d’un bateau ou d’une structure offshore, via les tests effectués en bassin sur des maquettes instrumentées et autopropulsées. Des tests qui concernent les structures en elles-mêmes, mais aussi leur interaction avec d’autres éléments, par exemple un navire immergeant une structure sous-marine.
Toujours indispensable malgré les progrès de la simulation numérique
Car, malgré les progrès de la simulation numérique, les essais réels sur des modèles réduits demeurent indispensables, tant certains phénomènes sont complexes et qu’il est difficile, voire carrément impossible en l’état actuel de la technologie, de les reproduire. Le numérique a offert des avancées considérables pour l’optimisation des carènes, permettant de tester des designs très innovants, d’étudier de multiples formes pour retenir les meilleures et, ainsi, dégrossir les recherches au maximum avant de valider les performances en bassin. Il a, ainsi, été possible de tester, virtuellement, beaucoup plus de modèles sans augmenter le nombre de maquettes fabriquées, ces dernières étant très coûteuses (parfois plus de 100.000 euros). La simulation numérique a donc grandement fait avancer l’architecture navale mais, au-delà des performances en termes de consommation et de tenue à la mer dans des conditions classiques ou peu agitées, elle ne peut encore se substituer aux essais en bassin pour déterminer le comportement des structures dans un environnement complexe. Surtout quand les ingénieurs et architectes s’intéressent aux contraintes subies dans la durée. « On ne peut pas tout reproduire avec les modèles numériques et, même si c’est le cas pour certains calculs, de nombreux opérateurs veulent toujours une confirmation physique. L’avantage de notre bassin de houle est de pouvoir recréer des effets de mer très complexes et de les coupler avec des effets de vent. Grâce à l’extension, nous pourront y ajouter les courants », explique Pierre-Emmanuel Guillerm, responsable du hall d’essais du LHEEA.

Le bassin de houle (© MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Des profondeurs moins importantes pour les structures côtières
Le nouveau bassin de houle de Centrale Nantes, dont les moyens d’essais servent à des programmes de recherche et sont loués à des opérateurs privés, présentera également la particularité, dans sa partie allongée, de proposer différentes profondeurs, allant jusqu’à moins de 1.5 mètre. « Comme la possibilité de générer du courant, c’est un vrai besoin pour tester des structures côtières, où il nous faut des profondeurs inférieures à 5 mètres pour mieux reproduire les effets. La nouvelle partie du bassin de houle aura donc une profondeur variable ».
Créer un centre de recherche complet de classe mondiale
Pour l’Ecole Centrale de Nantes, l’agrandissement du bassin de Houle, mené dans le cadre du projet NEMO, soutenu financièrement par le contrat de plan Etat-région 2015-2020, vise donc à accroître les capacités d’essais en hydrodynamique et disposer d’un centre d’expérimentation de classe mondiale. En effet, avec ce bassin, qui sera dans le top 5 européen en termes de capacités et de dimensions, mais aussi d’autres initiatives, comme la nouvelle Chaire de recherche en hydrodynamique et structures marines lancée avec le Bureau Veritas, l’ECN entend se renforcer comme pôle de recherche international de référence. « Ces évolutions vont nous permettre d’accroître nos capacités et de disposer d’un bassin polyvalent, capable de reproduire des environnements très complexes et répondant aux besoins nouveaux du génie côtier. A cela s’ajoute notre site d’expérimentation en mer au large du Croisic, le SEM-REV. Cet outil unique en France, dédié aux essais en conditions réelles des technologies liées aux énergies marines, recevra en fin d’année sa première structure, en l’occurrence l’éolienne flottante IDEOL. L’Ecole Centrale de Nantes va donc disposer du panel d’outils le plus complet en termes de recherche, de simulation, d’essais en bassins et de tests en mer », souligne Bertrand Alessandrini, directeur du développement de l’Ecole.
Le bassin de traction (© ECN)
Quel avenir pour le bassin de traction ?
Pour en revenir aux bassins d’essais, l’avenir est donc clairement aux outils polyvalents, à même de reproduire des conditions variées, en haute mer et en côtier, de cumuler les contraintes et de travailler aussi bien avec des modèles de navires que des structures fixes et engins flottants, y compris des fermes aquacoles (une installation de ce type est en cours d’essais au LEEHA). Dans ces conditions, quid du bassin de traction de l’ECN ? Cet équipement, le premier à avoir vu le jour à l’Ecole, mesure 148 mètres de long pour une largeur de 5 mètres et une profondeur de 3 mètres. Historiquement, il servait à mesurer la résistance à l’avancement, un pont roulant tractant une maquette instrumentée.

Or, aujourd’hui, les calculs de ce type se font sans problème grâce aux modèles numériques. « On peut très bien se passer des essais en bassin pour déterminer la résistance à l’avancement et, même si des opérateurs souhaitent toujours une validation, il est évidemment que ce sera de moins en moins le cas dans les années qui viennent. Il faut dès lors réfléchir à l’avenir du bassin de traction ». En attendant une éventuelle adaptation, l’outil, qui sert donc toujours aux essais classiques, commence à trouver de nouveaux débouchés. Il a, ainsi, servi aux tests menés sur la nouvelle hydrolienne développée par Alstom. L’industriel a utilisé les moyens du LEEHA pour déterminer par exemple la vitesse de rotation de la turbine, le couple et les efforts, le design de la machine ayant significativement évolué après cette campagne. Une maquette de l’hydrolienne a également été testée dans le bassin de traction afin d’étudier son comportement pendant la phase de remorquage et, ainsi, vérifier jusqu’à quel état de mer elle pouvait être tractée.