La goélette Tara est attendue à Lorient le samedi 22 novembre, au terme d'une expédition de sept mois en mer Méditerranée, à la chasse aux déchets plastique. Entretien avec le capitaine du voilier, Martin Hertau, à quelques jours de la fin de cette campagne scientifique et de sensibilisation du grand public.

Tara (© : MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)
Quels sont les objectifs scientifiques de l'expédition Tara Méditerranée ?
C'est une mission d'études sur les déchets plastiques en mer Méditerranée : répartition spatiale des fragments de plastique flottants - des déchets de 0,3 mm à 50 mm - mais aussi leurs caractéristiques chimiques. Ainsi que les microbes attachés à ces plastiques et le plancton en contact avec ces fragments.
Pourquoi avoir choisi la mer Méditerranée ?
En raison de ses particularités... 90 % des déchets que l'on trouve dans cette mer proviennent de la terre. Les zones côtières méditerranéennes abritent une très forte densité de population. Et 30 % du trafic maritime mondial s'y concentre. Bien qu'elle ne représente que 0,8 % de la surface océanique mondiale, la Méditerranée abrite 8 % de la diversité biologique marine mondiale. C'est une mer quasi-fermée dont l'eau met 90 ans à se renouveler.
Comment avez-vous procédé techniquement ?
Nous avons utilisé un filet manta - un filet de surface avec des ailes, d'où son nom - pour collecter les micro et macro-déchets entre la surface de l'eau et 20 cm de profondeur. C'est le même principe que celui utilisé sur les missions de 2011 (Pacifique) et 2013 (Arctique) mais en plus léger. Les prélèvements ont été faits en différents endroits : loin des grandes villes, au large des métropoles et dans les courants - à l'intérieur, à l'extérieur et dans les courants proprement dits.
Quels sont les premiers enseignements ?
Nous avons réalisé 280 filets mantas en sept mois... Tous contiennent des déchets plastique ! C'est inquiétant. Au-delà du message de préservation de l'environnement sur le tri et le rejet des déchets, il y a de nombreux champs scientifiques à explorer. Il faudra de un an à un an et demi aux différents partenaires de cette expédition pour exploiter tous ce qui a été collecté. On sait que les fragments de plastique polluent de façon persistante mais on n'en mesure pas encore tout l'impact dans la chaîne alimentaire. Nous avons ainsi prélevé de tout petits poissons, premiers mangeurs de plancton. Leur étude permettra de voir comment les polluants passent la barrière digestive. Autre axe d'étude : en savoir plus les bactéries qui ont la capacité de « digérer » ces fragments de plastique.
Tara Méditerranée s'est aussi fixé un objectif de sensibilisation des populations...
Nous avons fait escale dans onze pays. Que ce soit à Beyrouth, à Bizerte, Marseille, Tanger... l'accueil de la population a été incroyable. À chacune de nos escales, adultes et scolaires ont été invités à monter à bord. Les plus jeunes ont aussi participé à un atelier simple, mais parlant : il faut dix minutes en moyenne pour jeter un sac plastique; 100 à 300 ans pour qu'il se dégrade complètement - le plastique ne se décompose pas, il se fragmente. Nous avons reçu des milliers de personnes. Et ce qui est rassurant, c'est que les gens sont sensibles au message porté par Tara : en matière de pollution par le plastique, on peut changer les choses.
Un entretien réalisé par la rédaction du Télégramme