« Là-bas, les vents soufflent en permanence. Dans les 40èmes et les 50èmes, il existe un courant circumpolaire, qui circule sur 25.000 km autour de l’Antarctique. C’est une des régions que l’on connaît le moins bien, sans doute parce qu’elle est hostile et loin de tout ». Et c’est précisément cette région que Jean-Louis Etienne veut découvrir. Le docteur n’a rien perdu de son âme d’explorateur, celle qui l’avait fait se faire emprisonner à bord d’Antarctica, devenu Tara, explorer l’Himalaya ou dériver en montgolfière entre le Spitzberg et l’Alaska.

(DAVID BECUS)
Son nouveau projet s’appelle Polar Pod, il va mesurer 120 mètres de haut et va dériver au gré du courant circumpolaire, avec à son bord des scientifiques et des appareils de relevés. Une drôle de station montée en haut d’un mât, surmontant un ballast de 70 mètres, totalement dépourvue d’énergie fossile, héritière du mât de mesure FLIP américain ou encore des plateformes pétrolières SPAR.

(SEPTIEME CONTINENT)
(SEPTIEME CONTINENT)
Un hub de données
« L’idée était de créer un outil unique, adapté aux conditions locales qui soit un véhicule lent, qui se déplace en fonction de la ressource ». Jean-Louis Etienne prépare son projet aux Etats-Unis, rencontre les scientifiques du Jet Propulsion Laboratory, créateurs du robot Curiosity, envoyé sur Mars. « Il m’est apparu que ce que nous pouvions créer, pour étudier cette zone, était un hub : une plateforme d’acquisition de données qui puisse recevoir des hommes ou des robots et qui puisse effectuer des mesures sur un très long laps de temps – les trois ans que durent une tournée complète du courant -, qui puisse les répéter et transmettre des données en continu ».
Pour concevoir cette machine, il s’adresse à Laurent Mermier, architecte naval lorientais, qu’il a connu sur la conception d’Antarctica. (voir notre article sur la conception de Polar Pod). « C’est un vrai navire, qui sera pavillonné en France. Il sera amené sur place en remorque, puis ballasté pour prendre sa position verticale. Ensuite, l’équipage et les scientifiques, soit 7 personnes en tout, seront relevés par voilier tous les deux ou trois mois ». Puisque toute l’idée est évidemment de ne pas brûler une goutte de gasoil dans cette aventure. « Le groupe électrogène de 200 kW sera alimenté par quatre éoliennes pour fournir l’électricité nécessaire à la production d’eau douce et, si nécessaire, une pompe alimentant une tuyère pour manœuvrer en cas de risque de collision ou rester dans la zone de courant ». Une voile pourra même venir en appui.

(D-FACTO)
Des applications pour les énergies marines renouvelables
Le projet a séduit de nombreux laboratoires scientifiques, en manque de données sur cette immense zone : « nous avons des programmes sur les échanges atmosphères-océan, la capacité d’absorption du gaz carbonique, sur de l’acoustique, des inventaires de faune ou encore sur des validations de mesures satellites ». Le programme est chargé pour le Polar Pod, qui pourrait voir le jour prochainement. « Le budget de 6 millions d’euros est financé par des mécènes, nous espérons le boucler prochainement pour que le bateau puisse être construit en 2015-2016 ». Plusieurs chantiers sont déjà sur les rangs. « Au-delà de ce projet scientifique, ce type de navire pourra, j’en suis sûr, avoir d’autres utilisations, comme bouées météo ou pour de l’exploration de zones pour les éoliennes flottantes ».

(D-FACTO)