Aller au contenu principal

Le développement des énergies marines renouvelables s’accompagne de l'installation de câbles électriques sous-marins pour exporter l’énergie produite vers la terre ferme. Des câbles qui produisent un champ magnétique soulevant des interrogations sur leurs possibles effets sur les organismes marins vivant à proximité. Le chercheur Bastien Taormina, qui a terminé une thèse en décembre dernier à l’Ifremer et France Energies Marines portant sur la caractérisation des impacts potentiels des câbles sous-marins sur les communautés benthiques, s’est penché, pendant un an et demi, sur le cas particulier des juvéniles de homard. Cette expérimentation, menée en collaboration notamment avec la chercheuse Caroline Durif de l’Institute of Marine Research de Norvège et MAPPEM Geophysics, a montré que leur comportement après exposition ne changeait pas. Entretien avec Bastien Taormina, aujourd’hui en contrat post-doctoral au pôle intégration environnementale de France Energies Marines, à Plouzané.

Mer et Marine : Pourquoi avoir choisi d’étudier les juvéniles de homards ?

Bastien Taormina : Dans le cadre de ma thèse, je travaillais sur l’impact des câbles électriques sous-marins. L’une des principales interrogations porte sur le champ électromagnétique émis par le câble lorsque le courant transite à l’intérieur. Nous voulions voir quel était l’impact des champs magnétiques sur les espèces qui peuvent vivre autour du câble. 

Nous avons donc dû chercher sur quelle espèce nous pencher, laquelle était cohérente. Or, sur des sites de suivi, on a observé en plongée que des zones de récif artificiels s’étaient créés autour des câbles, avec des enrochements et les structures pour protéger le câble. Des animaux viennent y habiter et on observait très régulièrement à proximité immédiate des câbles le homard. Une espèce qui, de plus, a un intérêt commercial.

Il était ensuite plus simple, dans un premier temps, de mener ce genre d’expérimentation en laboratoire pour contrôler tous les éléments. On a donc décidé de travailler sur les juvéniles que l’on a pu élever. On a ensuite créé un dispositif avec la PME bretonne MAPPEM Geophysics pour reproduire le champ magnétique et étudier son impact sur les juvéniles de homards. Deux bobines de 600 m de fils électriques permettaient le passage d’un courant alternatif ou continu.

 

225277 Bastien Taormina
© INSTITUTE OF MARINE RESEARCH

(© INSTITUTE OF MARINE RESEARCH)

Comment avez-vous conduit l’expérience ?

On a d’abord élevé des homards. On a prélevé des adultes, leurs oeufs, puis élevé des larves pour avoir un grand nombre de juvéniles. Ensuite, on les a soumis à différents tests.On a fait deux expérimentations. La première consistait à voir si le homard allait être attiré ou repoussé par les champs magnétiques. Pour ça, on les mettait dans de très grands aquariums où un côté de l’aquarium était soumis à un champ magnétique et l’autre côté non, pour avoir une condition témoin. On a ensuite étudié par vidéo le comportement du homard : est-ce qu’il allait plutôt d’un côté de l’aquarium ou de l’autre ? On l’a fait sur un nombre de réplicats assez conséquent. Nous n'avons pas montré d’attirance, ni de répulsion, pour le champ magnétique.

Deuxième test : on a soumis des homards à un champ magnétique artificiel pendant une semaine, à une intensité constante. Par vidéo encore, en comparant entre des homards exposés ou non, on a étudié leur capacité à trouver un abri dans des aquariums. Il faut savoir que les juvéniles de homards sont très petits - entre un et deux centimètres. Dans leur milieu naturel, ils sont soumis à la prédation et, pour survivre, ils doivent trouver un abri très vite. On voulait voir si cette capacité à trouver un abri pouvait être affectée. Là aussi, on a montré que les homards avaient la même capacité à trouver cet abri.

 

 

D’autres études sont-elles menées autour du champ magnétique des câbles sous-marins pour les énergies marines ?

Toujours dans le cadre du projet SPECIES qui a pour but d'améliorer les connaissances sur les interactions potentielles entre les câbles et les organismes benthiques des écosystèmes marins côtiers, des expérimentations sur les coquilles Saint-Jacques assez similaires ont été menées et les résultats devraient paraître bientôt. Un autre projet de de thèse au sein du LEMAR étudie actuellement les réponses d’organismes marins variés. Mais un peu partout, il y a de plus en plus de recherches menées autour de ce sujet. Il reste encore beaucoup de choses à étudier. Le projet SPECIES doit se terminer cet été, mais il est question, avec différents partenaires, de poursuivre ce projet.

Quelles seraient les prochaines pistes à explorer ?

On pourrait éventuellement étudier d’autres modèles biologiques ou encore faire une approche in situ, en plongée. Le problème, quand on fait des expérimentations en laboratoire, c’est qu’il est toujours difficile de transposer nos résultats obtenus au laboratoire sur le terrain, car énormément de choses changent. On pourrait imaginer, par exemple, installer sur un site une portion de câble témoin, sans courant, à quelques centaines de mètres d’un autre câble où il y a du courant. On pourrait ensuite observer la différence de colonisation de ces deux câbles, par exemple.

On essaie déjà de le faire sur un câble qui n’a pour le moment pas été branché, à Ouessant. À Paimpol-Bréhat, on cherche à observer la colonisation avant et après que le courant passe à l’intérieur du câble d'une hydrolienne. 

© Un article de la rédaction de Mer et Marine. Reproduction interdite sans consentement du ou des auteurs.

 

Aller plus loin

Rubriques
Science et Environnement