Et si tous les voiliers du monde participaient à l'étude du plancton ? À Roscoff (29), le rêve pourrait devenir réalité. En tout cas, la station biologique vient de lancer le premier programme d'océanographie biologique citoyenne.
« C'est très facile à utiliser, nickel ! Tu fais ta petite tambouille avec le plancton. C'est rigolo et efficace. C'est une belle expérience de science participative ». L'été dernier, alors qu'elle se trouvait le long de la côte est du Groenland sur son voilier Ada2, la navigatrice et écrivain Isabelle Autissier a testé le kit que les scientifiques de la station du CNRS de Roscoff ont élaboré, à l'usage des futurs « planctonautes ».
Et ce retour d'expérience positif a permis aux chercheurs de croire un peu plus au succès de leur programme d'océanographie biologique citoyenne, qu'ils viennent de lancer.

Une flotte de « planctonautes »
Planète plancton (ou Plankton planet), tel est son nom. Si l'idée de départ est simple, sa mise en oeuvre représente un sacré pari. Colomban de Vargas, directeur de recherche CNRS et biologiste marin, et âme de ce projet sans précédent, veut établir « un lien entre les milliers de citoyens parcourant à la voile les océans mondiaux et des chercheurs en écologie qui décryptent la biodiversité planctonique grâce au séquençage en masse de code-barres ADN ».
Autrement dit, il s'agit de créer une flotte de « planctonautes » sur toutes les mers du monde, pour échantillonner en permanence, dans l'espace et le temps, les micro-organismes marins à la base de la chaîne alimentaire marine. « Si notre Terre est un grand corps vivant, alors ignorer le plancton, c'est comme pratiquer une médecine qui ne tiendrait compte ni des poumons, ni du coeur et du système sanguin », argumente Colomban de Vargas.
Des océans fortement affectés
Le plancton végétal et animal (phyto et zoo) est, en effet, le plus grand réseau de vie planétaire qui produit 50 % de notre oxygène et absorbe quelque 30 % du CO2. Il est au coeur de la machine climatique dans la relation entre l'océan (71 % de la surface du globe) et l'atmosphère. Or les océans - au menu, pour la première fois, des discussions de la Cop21 - sont affectés par le dérèglement climatique, la hausse de la température et l'acidification des eaux : une réalité qui a de lourdes conséquences sur les espèces marines.
Pour faciliter la participation au programme Planète plancton, élaboré dans la foulée de l'expédition Tara-Océans (2009-2013) qui avait effectué le premier échantillonnage global du plancton sur toutes les mers du monde, les scientifiques de Roscoff ont donc conçu un kit de collecte du plancton de surface.
Outre Isabelle Autissier, une trentaine d'équipages ont été équipés et ont récolté des micro-organismes marins sur quelque 200 sites océaniques
Avancer à grands pas
Les instruments mis à disposition des marins sont : un filet aux mailles de 20 microns avec une petite bouteille de 250 ml, un filtre et une membrane en polycarbonate de 47 mm de diamètre. Les micro-organismes récoltés sont ensuite chauffés (dans une simple poêle) au gaz ou même à la bougie et conservés par dessiccation (déshydratation). Leur lieu (point GPS) et date de prélèvement sont indiqués et les petites membranes et leur précieux contenu ensuite envoyés au CNRS.
Si le succès est là, « nous avancerons à grands pas pour connaître la diversité totale du plancton océanique de surface et comprendre son évolution, assure Colomban de Vargas. Ensemble, nous allons inclure le plancton dans l'écologie du système Terre et apprendre à gérer l'impact écologique de l'humanité sur les équilibres écologiques globaux pour, un jour peut-être, vivre en symbiose sur la planète bleue ».
Un article de la rédaction du Télégramme