Le coronavirus qui sévit actuellement en Chine produit ses effets collatéraux sur la logistique portuaire. Difficile de mesurer l’étendue des atteintes, mais déjà, les premières mesures de sauvegarde sont en cours. Un article d'Hervé Deiss, de Ports et Corridors
Depuis le déclenchement de l’alerte du coronavirus dans la ville du sud de la Chine, à Wuhan, l’épidémie prend de l'ampleur. La ville située en amont du Yangtsé est aujourd’hui entièrement fermée. Elle représente plusieurs millions de personnes bloquées sans possibilité de sortir. Si les autorités chinoises ont semblé « profiter » de ce virus pour mettre en place des mesures sécuritaires drastiques, c’est l’économie mondiale qui est en jeu.
Les différents analystes du transport maritime sont assez perplexes sur l’étendue des dégâts. Aujourd’hui, la situation reste malgré tout difficile, avec notamment la mise en quarantaine d’un navire de croisière au Japon avec 3700 passagers et d'autres refoulés de différents ports par simple crainte de propagation du virus.
Lors d’une conférence, qui s’est tenue le 4 février, Rail Freight a analysé la situation du point de vue ferroviaire. Hormis les trains venant du Hebei, région d’où le virus est originaire, les convois de fret sont autorisés à franchir la frontière. En effet, les liaisons entre le Kazakhstan et la Chine demeurent ouvertes. « Le souci n’est pas tellement sur les moyens ferroviaires mais plutôt sur la disponibilité de chauffeurs routiers qui sont cantonnés à rester chez eux », ont souligné les intervenants de cette conférence. De plus, les chaînes industrielles sont à l’arrêt d’une part en raison des congés mais aussi pour éviter la propagation du virus. L’épidémie s’étend à d’autres provinces chinoises indique Marco Reichel de Crane Worldwide Logistics. Tous les opérateurs s’accordent sur l’aspect temporaire de la crise. « Ce n’est pas quelque chose qui peut avoir un impact sur les volumes de la Nouvelle Route de la Soie. C’est un accroc dans la chaîne logistique, mais cela se résoudra sur le long terme », continue le responsable logistique.
Une opinion que le professeur Theo Noteboom reprend sur Linkedin. Dans une analyse réalisée par le site Alphaliner sur l’impact du Coronavirus sur la logistique conteneurisée, il se veut optimiste sur le long terme. « Il est encore trop tôt, selon mon opinion, indique Théo Noteboom, de tirer les premières conclusions de cette épidémie. En même temps, nous devrions être soumis à un choc sur toutes les chaînes logistiques avec la Chine quand la situation s’améliorera ou sera revenue à la normale. Les chargeurs doivent s’attendre à voir les navires en sous capacité quand les usines chinoises vont rouvrir. Il est probable, conclu le professeur, que des industriels choisissent de se tourner vers l’aérien et le ferroviaire à ce moment. »
Dans l’immédiat, le coronavirus a un premier effet sur le sourcing. Les acheteurs se tournent vers le Vietnam et la Corée du sud pour l’approvisionnement de leurs étals. « Un développement qui s’est déjà manifesté et qui démontre être une solution rapide à la crise. Cela coûte un peu plus et prend plus de temps mais un constructeur automobile en Europe ne peut souffrir de délais dans la production de ses voitures », rappelle Igor Tambaca, Rail Cargo Bridge.
Du côté maritime, le Bimco, organisation internationale maritime, met en garde ses adhérents. « Nous avons reçu de nombreuses demandes de la part de nos membres notamment sur les effets de ce virus sur le transport maritime et les équipages », indique un communiqué de l’organisation. Selon que le navire ait escalé dans un port chinois ou que son équipage a transité par un aéroport chinois, les difficultés peuvent survenir à bord d’un navire et répandre le virus. Des ports dans le monde, note le Bimco, ont mis en place des mesures de précaution pour éviter que les équipages ne puissent disséminer le virus auprès de la population locale en fonction des escales réalisées dernièrement. Plus globalement, les autorités portuaires demandent un bilan sur plusieurs points : déclaration de santé, mesure de la température corporelle, informations sur les maladies des passagers et des membres d’équipage, les précédents ports d’escales et informations sur les conditions de voyage des membres d’équipage ou des passagers (et plus particulièrement s’ils ont emprunté des moyens de transport en Chine).
Reprenant une analyse formulée parles avocats de Hill Dickinson, le Baltic Briefing met en garde sur la notion de Port Sûr. « Selon la charte-partie, l’affréteur doit nommer un port sûr. Un port qui présente un danger pour l’équipage sans qu’il ne présente de danger pour le navire n’est pas un port sûr. Ainsi, un risque de contagion peut faire d’un port un établissement non sûr. » Une analyse que le journal tempère. Selon les avocats de Hill Dickinson, l’évolution du virus n’a pas atteint un niveau suffisant pour qualifier un port de non sûr. Il faudrait que l’épidémie se propage encore avant de voir des ports classés comme non sûrs et dans lesquels les propriétaires de navires pourraient décider de refuser d’escaler.