Hier, port pétrolier et charbonnier, le Grand port maritime de Dunkerque a fait la démonstration de son inscription dans la transition écologique. Une démarche qui se traduit dans les trafics mais aussi dans ses projets, comme le montre ce nouvel article de notre confrère Hervé Deiss de Ports et Corridors, nouveau site dédié à la logistique portuaire.
En 2018, le Grand port maritime de Dunkerque affiche une nouvelle progression de son trafic global. Avec 51,6 Mt, Dunkerque Port a progressé de 3%. « Depuis cinq ans que nous travaillons sur le projet stratégique 2014-2018, nous y avons mis beaucoup d'énergie et de travail. Désormais, Dunkerque compte dans le range nord de l'Europe », souligne Stéphane Raison. Pour preuve, le président du directoire de Dunkerque Port rappelle que depuis 2015 la place nordiste affiche une progression constante. Pourtant, ces dernières années, Dunkerque a connu bien des mésaventures. La fermeture de la raffinerie des Flandres puis la baisse continue de charbon en Europe ont pesé sur les trafics d'hydrocarbures et de vracs solides. Deux courants majeurs et traditionnels pour le port. Dunkerque a réussi à s'en sortir. « Nous sommes le premier port post pétrole », affirme Stéphane Raison.

Le terminal méthanier (© DUNKERQUE LNG)
Montée en puissance du terminal méthanier
En 2018, Dunkerque a encore fait la preuve de cette tendance à devenir un port qui se diversifie et se tourne vers la transition énergétique. D'abord, la seconde année de plein exercice du terminal gazier a montré la place que le port peut occuper dans ce secteur de l'énergie en plein boom. Avec 56% de croissance en 2018, le GNL pèse désormais 1,2 Mt. Et pourtant 2018 a été pour ce terminal une année de nombreux changements. D'abord, Total et EDF, les deux partenaires fondateurs du site, ont cédé leurs parts à Fluxys pour la gestion du terminal. Ensuite, des soucis sur la torchère a obligé l'opérateur à suspendre l'activité du terminal entre août et septembre. Des opérations de maintenance sur la torchère et, profitant de l'arrêt du terminal, le changement des pompes de rechargement du GNL. Le terminal est maintenant en ordre de marche et assure des réceptions mais opère aussi sur du transbordement. Le gaz provient principalement du site de Yamal en Russie. Des navires brise-glaces ont assuré l'acheminement du GNL directement depuis la Sibérie lors des premiers chargements. Aujourd'hui, les navires transbordent au large de la Norvège entre les brise-glaces venant de Russie et les unités chargées d'assurer la liaison entre la Norvège et Dunkerque.
Le trafic conteneurs augmente de 45% en cinq ans
Autre courant de satisfaction pour la direction du port, les trafics conteneurisés qui atteignent 422.000 EVP en 2018, soit une augmentation de 13% du trafic. « De 2013 à 2018, la progression de ce trafic s'élève à 45% », assure le président du directoire, qui n'hésite pas à affirmer qu'aujourd'hui « Dunkerque devient une place importante pour le trafic conteneurisé en Europe du nord ».

Porte-conteneurs au terminal des Flandres (© JULIEN CARPENTIER)
Bonne année pour les vracs solides
Du côté des vracs solides, la situation s'inscrit aussi dans la performance. La bonne santé de la sidérurgie et notamment de l'usine d'ArcelorMittal sur le port a permis de battre un record dans l'importation de minerais. Avec plus de 15 Mt, ils franchissent un nouveau cap. Le port septentrional joue dans ce contexte un double jeu. Il sert pour l'usine d'ArcelorMittal de Dunkerque et assume une fonction de hub pour le groupe indien de la sidérurgie en assurant des transbordements vers l'usine de Brème en Allemagne.
D'autres courants de vracs solides progressent même s'ils ne battent pas des records. Ainsi, le charbon a gagné 7%. Le terminal fonctionne bien même s'il ne réalise pas des records mais dans le contexte de la transition écologique, la croissance de 7% sur cette filière à 6,4 Mt reste une donnée encourageante. Les céréales se redressent peu à peu dans le port nordiste. Après deux ans de baisse, Dunkerque revient dans ce secteur avec une hausse de 11% à 1,4 Mt. En 2015, le port réalisait 3 Mt de céréales pour n'assurer qu'un trafic d'environ 1Mt en 2017. Les choses s'arrangent mais il reste de la marge. « Nous espérons beaucoup de la seconde partie de la campagne », explique Stéphane Raison. Quant aux autres vracs solides, la politique industrielle du port commence à porter ses fruits. Des implantations sont attendues pour le courant de l'année qui devraient confirmer la bonne tendance de 2018. L'an passé, sur ce courant, Dunkerque Port a réalisé une hausse de 11% à 3,1 Mt.

Hydrocarbures et Transmanche en baisse
Des points positifs mis en avant par la direction du port qui n'oublie pas malgré tout d'observer avec attention les courants qui souffrent. D'abord, et toujours dans la transition énergétique, les hydrocarbures ont perdu 3% à 3,3 Mt. « Le port n'est plus attractif pour ces trafics ». Le Transmanche perd aussi de ses volumes avec 15,6 Mt, soit une diminution de 4%. Les options qui se présentent selon les différents scenarios du Brexit ont amené des baisses de trafic sur ce marché. Le président du directoire veut garder son optimisme et note malgré tout que le port affiche toujours un trafic supérieur à 15 Mt sur le Détroit. Quant aux marchandises diverses, autres que les conteneurs, elles sont à l’étale avec 1,1Mt.
Extension du quai des Flandres et une nouvelle zone logistique
Fort de ces trafics, Dunkerque Port continue d'investir pour son futur. En 2019, l'extension du Quai des Flandres, terminal à conteneurs, devrait être livrée à la fin du premier trimestre. Avec la fin de ce chantier, le terminal pourra réceptionner deux navires de dernière génération simultanément. « Nous disposerons de 1000 mètres linéaires à 17 m de tirant d'eau », rappelle Stéphane Raison. Des travaux qui placent désormais Dunkerque dans la compétition avec ses concurrents directs en Europe du nord. Fort de ce nouvel outil, le port prévoit un trafic d'environ 500 000 EVP en 2019. Attachée à ce terminal, la zone logistique, Dunkerque Logistique Internationale, devrait entrer en service avant l'automne. Le port réalise actuellement la route de contournement. Des travaux qui s'inscrivent aussi dans le cadre de la transition écologique puisque les soubassements de cette voie sont réalisés à partir de laitiers issus de l'usine d'ArcelorMittal et traité localement. « Cela évite d'aller piocher dans les ressources naturelles locales. De plus, nous évitons un trafic routier d'approvisionnement important ».
Ouverture de la ZGI
Parallèlement, la Zone de Grande Industrie (ZGI) devrait être mise en service en même temps. Cette superficie accueillera des entreprises qui souhaitent développer des activités industrielles sans pour autant avoir nécessairement des incidences sur le port. Une responsable de la communauté d'agglomération de Dunkerque nous a expliqué que la ZGI a été demandée par l'agglomération. « Nous n'avions plus d'espaces pour recevoir des industriels qui souhaitaient s'implanter localement alors qu'une demande croissante se faisait sentir. Compte tenu de l'espace encore disponible dans la circonscription du port (environ 4000 hectares), la création de cette zone permet d'implanter des sociétés qui ne seront pas obligatoirement en lien avec l'activité portuaire. »
Courant quai et avitaillement en GNL
Et parce que la transition écologique pour le port de Dunkerque n'est pas un vain mot, la direction a mis en place un système de courant de quai pour le terminal à conteneurs. Il s'agit de brancher les navires en escale directement sur l'électricité plutôt que de consommer des soutes pour faire tourner ses générateurs. « Nous serons le premier terminal à conteneurs de France à le faire », souligne le président du directoire qui voudrait voir cette initiative étendue à d'autres installations.
Par ailleurs, le terminal GNL va aussi servir de base pour alimenter les véhicules terrestres en GNL. Des navires pourront s'avitailler dans le port. Des camions devraient pouvoir circuler entre Dunkerque et Caen-Ouistreham pour alimenter le Honfleur nouveau navire de Brittany Ferries dont la mise en service est prévue cet été.
Accentuer le report modal
Dans le cadre du développement de ces transports moins énergivores, le port travaille aussi sur les parts modales de ses trafics. En regardant seulement le trafic conteneurisé, la part modale des modes massifiés s'élève à 56%. Un chiffre qui pourrait augmenter l'an prochain avec la mise en place de lignes ferroviaires sur le sud de la France et le nord de l'Italie. « Auparavant nous avions seulement une connexion ferroviaire avec Bonneuil sur Marne en région parisienne. Désormais nous utiliserons les points nodaux de Dourges et de Valenton pour disposer de relations avec les grandes métropoles du sud de la France comme Toulouse, Bordeaux, Lyon, Avignon, Montélimar ou encore Turin et Novara en Italie du Nord », se réjouit Stéphane Raison. Pour leur part, les services fluviaux se développent sur le nord. L'ouverture d'une nouvelle ligne sur Valenciennes devrait accroître la part modale du fleuve.
Un article d’Hervé Deiss, du nouveau site Port et Corridors