Bénéficiant d’une amélioration notoire de son image, d’une fiabilité retrouvée des services portuaires et d’une action très volontariste des acteurs locaux, Marseille et sa région bénéficient de plus en plus de l’essor de la croisière, qui irrigue de nombreux secteurs économiques.
Le développement progressif de cette activité dans les bassins phocéens a permis à la cité provençale d’atteindre un cap crucial et d’entrer désormais dans une dynamique extrêmement prometteuse, tant en termes de trafics que de retombées économiques. « Marseille est entrée dans le Top 15 des plus grands ports de croisière mondiaux et un cinquième rang européen. Ce positionnement est essentiel car les grands acteurs de l’industrie ne nous regardent plus de la même manière et cela nous offre de nouvelles opportunités pour accentuer notre développement », souligne Jean-François Suhas, président du Club de la Croisière Marseille Provence. Le salon Top Cruise, qui a réuni le 18 novembre les professionnels du secteur au Palais du Pharo, a d’ailleurs été l’occasion pour le CCMP et ses partenaires de démontrer le dynamisme et les très belles perspectives que la croisière offre à Marseille.

Les acteurs marseillais réunis à Top Cruise (© : CCMP)
De 30.000 à 1.5 million de passagers en 20 ans
En 2015, Marseille battra un nouveau record historique, avec plus de 1.48 million de passagers, soit 170.000 de plus qu’en 2014. En tout, 68 navires appartenant à 27 compagnies auront fréquenté le port français pour un total de 450 escales. Avec une nouvelle hausse des têtes de ligne, c’est-à-dire des croisières au départ de Marseille. Elles ont été 342 cette année, pour 520.000 passagers, embarquant essentiellement sur les paquebots de Costa, MSC et Croisières de France. « Ce port est devenu incontournable et a connu une croissance incroyable en deux décennies. En 2016, Costa célèbrera ses 20 ans de tête de ligne à Marseille. A l’époque, on comptait 30.000 passagers par an dans ce port. Aujourd’hui, nous en sommes à 1.5 million et cela va continuer d’augmenter », explique Georges Azouze, président de Costa Croisières France.

(© : MER ET MARINE - KEVIN ZORCE)
A elle seule, la compagnie italienne, leader du trafic marseillais, avait quatre navire en escale le week-end du 14/15 novembre, dont le Costa Diadema, son navire amiral, qui embarque ici chaque dimanche depuis sa mise en service il y a un an plus de 1000 passagers français. Alors que MSC et Costa représentent à elles seules 75% du trafic, la montée en puissance de CDF soutient également la croissance marseillaise. S’y ajoutent d’autres opérateurs, comme Rivages du Monde et Ponant, alors que les compagnies américaines se ré-intéressent au marché français et aux embarquements à Marseille. Ainsi, NCL y repositionnera d’avril à novembre 2016 le Norwegian Epic, l’un des plus grands paquebots exploités en Méditerranée.
Le Norwegian Epic à Marseille (© : CAMILLE MOIRENC)
Le cap des 2 millions de passagers franchi d’ici 2020
Pour la suite, les perspectives sont excellentes. Ainsi, le Club de la Croisière table sur 1.7 million de passagers en 2016 et espère que le cap des 2 millions sera atteint d’ici 2020. Costa et MSC y contribueront notamment en positionnant leurs futurs paquebots géants, comme le MSC Meraviglia (2250 cabines) en 2017 et la première unité du programme Excellence de Costa (2605 cabines) en 2019. En attendant, Marseille accueillera l’an prochain l’Harmony of the Seas de Royal Caribbean International. Actuellement en construction au chantier STX France de Saint-Nazaire, ce navire, appelé à devenir le plus grand paquebot du monde (2700 cabines), sera exploité au départ de Barcelone et fréquentera tout l’été le port de Marseille.
Des retombées économiques sur un vaste territoire
Services portuaires, avitaillement, hôtellerie, restauration, commerces, transports, sites touristiques… La croisière engendre bénéficie pleinement à l’économie locale et engendre d’importantes retombées dans de nombreux secteurs. Et pas qu’à Marseille puisque les croisiéristes rayonnent, notamment lors des excursions en car, jusqu’à 1h30 de trajet autour de la Cité phocéenne. C’est-à-dire qu’ils visitent non seulement les sites remarquables des Bouches-du-Rhône, mais aussi ceux des départements voisins, comme le Gard et le Vaucluse. De la Camargue au Palais des Papes, en passant par la route des calanques, les retombées économiques, évaluées à plus de 80 millions d’euros par an auxquels s’ajoutent 100 millions de dépenses induites, concernent donc un vaste territoire. Les villes d’Arles, Avignon, Les Baux, Aubagne et Cassis sont d’ailleurs membres du Club de la Croisière Marseille Provence. « Depuis le début de la croisière à Marseille, cette activité a injecté un milliard d’euros dans l’économie. Nous sommes aujourd’hui sur un train de développement très important et bénéficions d’un écosystème extrêmement porteur. Si l’on prend Barcelone, qui est l’un des grands concurrents de Marseille, les passagers visitent la ville une fois, deux fois, trois fois mais n’ont pas grand-chose d’autre à voir. Ici, nous avons les commerces et l’offre culturelle en ville, mais aussi des activités nature, randonnées en VTT, varappe ou encore plongée sous-marine. Et puis il y a toutes les richesses offertes par la région, qui démultiplient les possibilités de découvertes des passagers en escale », explique Franck Recoing, vice-président de la Chambre de Commerce et d’Industrie Marseille-Provence.

(© : MICHEL CAVALIER)
Une ville métamorphosée à l’attractivité croissante
Alors que la cité phocéenne, capitale européenne de la culture en 2014, s’est littéralement métamorphosée en quelques années, retrouvant son dynamisme et augmentant son attractivité internationale, les collectivités locales misent sur la croisière pour accentuer cette tendance. « La croisière est depuis longtemps l’un des piliers du schéma de développement touristique de la Ville de Marseille, qui est d’ailleurs l’un des membres fondateurs du Club de la Croisière. C’est un axe de développement très important pour les retombées économiques mais aussi pour l’image de la destination au sens large. Alors que le Marseille Bashing s’est atténué, notamment depuis que Marseille a été capitale européenne de la Culture, chaque croisiériste devient un ambassadeur permettant de faire connaître le nouveau visage de la ville à l’étranger, ainsi qu’en France où la perception de notre ville est souvent erronée », note Maxime Tissot, directeur de l’Office du Tourisme et des Congrès de Marseille. Et les résultats sont là puisque, selon les enquêtes réalisées auprès des passagers découvrant Marseille en escale, 70% affirment disent vouloir y revenir, beaucoup étant agréablement surpris par une cité qui sait, une fois que l’on y est, faire taire la mauvaise réputation qui lui a si longtemps collé à la peau.
Nouvelles liaisons aériennes, notamment avec les USA
Le renouveau et le rayonnement de la grande cité provençale est donc un atout pour développer la croisière, mais ce n’est pas le seul. Le succès tient aussi à la situation géographique de la ville, sachant que la Méditerranée, par son climat et ses richesses culturelles, historiques et naturelles, est la première destination croisière en Europe. C’est également le cas sur le marché français et, de ce point de vue, Marseille profite très clairement de ses infrastructures de transport. Les autoroutes permettent aux régionaux de rallier facilement la ville, alors que le TGV et l’aéroport facilitent l’accès depuis les autres grandes villes de l’Hexagone. Reste maintenant à aller plus loin, en clair développer des liaisons aériennes directes avec d’autres pays, en particulier là où le marché de la croisière est le plus développé et pour lesquels les ruptures de charge constituent un frein. « Nous travaillons ardemment pour faire venir à Marseille des compagnies aériennes américaines et asiatiques. Le marché de la croisière est en effet énorme aux Etats-Unis et en pleine explosion en Asie. Marseille doit devenir l’un des trois premiers ports méditerranéens sur ce créneau, d’autant plus intéressant que cette clientèle dépense beaucoup », détaille Franck Recoing. Ainsi, l’ouverture d’une ligne avec les USA est espérée l’hiver prochain, des discussions étant en cours pour offrir des vols directs avec la Chine, ainsi que les Emirats Arabes.

L'Allure of the Seas à Marseille en mai dernier (© : CCMP)
Des terminaux capables d’accueillir les plus grands paquebots
Outre les transports, cruciaux pour les pré et post-acheminements, Marseille doit aussi son succès dans la croisière à ses infrastructures portuaires. Grâce aux imposants espaces disponibles dans les bassins, elle a pu développer un grand pôle croisière comprenant aujourd’hui trois terminaux, soit deux au môle Léon Gourret et le troisième (J4) à La Joliette, près des Terrasses du Port et au pied de la cathédrale de la Major. Ce dernier est plutôt réservé aux petits navires, les terminaux du môle Léon Gourret peuvant quant à eux accueillir les plus grands paquebots du monde. Preuve en a été faite cette année avec les escales de l’Allure of the Seas et de l’Anthem of the Seas de RCI, deux mastodontes longs de 362 et 348 mètres. « Le Costa Diadema et les grands paquebots de MSC, ce sont 5000 passagers, alors qu’un navire comme l’Allure of the Seas transporte plus de 6000 croisiéristes. Les bateaux sont de plus en plus gros et les escales de plus en plus lourdes. Il n’empêche, ça fonctionne bien et c’est fluide car nous disposons de terminaux bien faits et opérationnellement très bons », se félicite Jacques Massoni, directeur du Marseille Provence Cruise Terminal, dont l’activité ne cesse de croître. « En six ans, nous sommes passés de 600.000 à 1.5 million de passagers et, en octobre, nous avons établi un record mensuel avec 200.000 passagers, ce qui correspond au trafic annuel que nous avions au début des années 2000 ». D’autres records ont été enregistrés cette année, avec 7 navires simultanément accueillis avec leurs 21.000 passagers le 7 août, puis 36.000 croisiéristes lors du week-end du 12 et 13 septembre.

(© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)

(© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Nouveaux développements en vue pour le MPCT
Le MPCT, opérateur privé dont les actionnaires sont Costa et MSC, a débuté son activité avec le nouveau terminal construit par le Grand Port Maritime de Marseille et dont la gestion lui a été confiée en 2009. Pour faire face à l’évolution du trafic, la société s’est étendue grâce à la réhabilitation d’anciens hangars. De nouveaux développements sont aujourd’hui à l’étude, bien qu’aucune construction neuve ne soit pour le moment prévue. « Je pense que, rapidement, nous allons pouvoir étendre notre dispositif en investissant avec le port. En ces temps d’économies, il serait mal venu de construire un bâtiment neuf, nous resterons donc sur une politique de réhabilitation, qui a porté ses fruits et se révèle opérationnellement très bonne », précise Jacques Massoni.
Le môle Léon Gourret (© : CAMILLE MOIRENC)
Amélioration des accès nautiques de la passe Nord
Alors que de vastes parkings ont été aménagés aux abords des terminaux et que la problématique des navettes avec la ville s’améliore, le port de Marseille-Fos mènera à bien, dans moins de deux ans, le projet d’amélioration des accès nautiques. Un projet qui vise notamment à solutionner le problème des déroutements de navires lorsque le Mistral est trop fort (jusqu’à 10% des escales étaient auparavant annulées). « Nous investissons 35 millions d’euros pour l’élargissement de la passe Nord. La première des trois phases que comprend ce projet a été achevée au printemps 2015 et, cette année, nous n’avons eu aucune annulation d’escale pour cause de météo. Nous poursuivons les travaux dans le calendrier fixé et le chantier sera terminé en 2017 », précise Christine Cabau-Woehrel, présidente du Directoire du GPMM.

Paquebot en arrêt technique à Marseille (© : MER ET MARINE - KEVIN ZORCE)
Renaissance de la réparation navale
Le port de Marseille-Fos est, dans le même temps, engagé dans le projet de remise en service de la forme 10 qui, avec ses 465 mètres de long et 85 mètres de large, est la plus grande cale sèche de Méditerranée. Car à Marseille, la politique en faveur de la croisière est abordée dans toutes ses facettes, du trafic portuaire au tourisme, en passant par l’activité industrielle. S’il n’y a pas de chantier de construction navale dans le secteur, les bassins phocéens disposent de grandes cales sèches pouvant assurer la maintenance, la réparation et la refonte de paquebots. Comme le môle Léon Gourret, ces cales sèches sont l’héritage des transformations colossales entreprises dans les années 70 pour faire de cette partie du port un vaste pôle de réparation de supertankers. Une activité qui a rapidement périclité suite aux différents chocs pétroliers mais qui a laissé, comme c’est le cas à Saint-Nazaire, des installations hors normes constituant aujourd’hui un atout majeur face à la course au gigantisme dans la croisière. Après une longue période de difficultés, la réparation navale a été reprise en 2010 par Chantier Naval de Marseille, filiale du groupe italien San Giorgio del Porto, qui a depuis redressé et développé l’activité, en particulier grâce à la croisière, avec les formes 8 et 9, longues de 250 et 350 mètres. Le paquebot Costa Fortuna vient d’ailleurs d’y arriver pour un arrêt technique de près de deux semaines.

La forme 10 (© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
La forme 10 opérationnelle en 2016
Maintenant, il s’agit donc de remettre en service la forme 10. « C’est un outil incroyable qui offrira une efficacité économique très importante aux armateurs », assure Christine Cabau-Woehrel. En dehors du fait que ce sera l’une des très rares cales sèches européennes à pouvoir accueillir les plus grands paquebots du monde, la forme 10 présente l’avantage de se trouver à proximité immédiate des terminaux croisière. Les compagnies n’auront donc pas besoin de faire naviguer leurs bateaux à vide entre les chantiers et les ports de débarquement et d’embarquement de passagers. « Avec l’ensemble de ces atouts, Marseille dispose d’un potentiel incroyable. La forme 10 va contribuer au développement de l’activité et permettre de reconstruire et développer sur les bases existantes une industrie locale forte », estime Jacques Hardelay, président de CNM, qui exploitera l’ouvrage. Des soucis techniques sur le nouveau bateau-porte de la forme 10 ont entrainé un report de sa remise en service, prévue initialement cette année et qui interviendra finalement, selon la présidente du Directoire du GPMM, en septembre 2016.

(© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)
Alors que le développement de la croisière a suscité ces dernières années des réticences sur le port, certains réclamant « des cargos, pas des paquebots », les mentalités ont progressivement évolué. Aujourd’hui, on constate que le trafic marchand se poursuit sur le terminal de Mourepiane, même si ce n’est pas toujours sans difficulté et que, face à l’insolente santé du conteneur à Fos, des questions peuvent se poser. A côté, la croisière se développe en tous cas indépendamment et sans nuire à son voisin. Le môle Léon Gourret et le J4 sont aujourd’hui capables d’accueillir une dizaine de navires, ce qui est largement suffisant. Dans le même temps, les retombées économiques de la croisière, de plus en plus palpables, ont fini de faire accepter cette activité comme une source de richesse et d’emplois. Surtout que la saisonnalité a tendance à s’atténuer, 2000 passagers en moyenne étant accueillis chaque jour pendant les mois d’hiver, contre 4000 d’avril à novembre. En plus, le renouveau de la réparation navale vient revigorer l’emploi industriel dans les bassins phocéens, parachevant ainsi l’acceptation des paquebots. « Nous relançons grâce à la croisière une activité industrielle forte à Marseille. C’est bien la preuve qu’il n’y a pas d’antinomie entre activité touristique et développement industriel », conclut Christine Cabau-Woherel.

(© : MER ET MARINE - VINCENT GROIZELEAU)