Entré en vigueur le 1er janvier, le Brexit est devenu un révélateur de l’importance du système portuaire britannique. Une étude publiée en fin d’année par l’association des ports britanniques souligne l’importance d’investissements portuaires. Un article d'Hervé Deiss de Ports et Corridors
Si du côté du Détroit du Pas-de-Calais, le Brexit s’est opéré sans trop de couacs, les choses ont été plus compliquées sur les liaisons avec l’Irlande. En effet, selon la presse irlandaise, de nombreux camions se sont vus refuser d’embarquer sur les ferries entre les ports gallois et l’Irlande. Au plus fort de la crise, ce sont 20% des camions qui se sont trouvés bloqués dans le port de Holyhead, au Pays de Galles.
Premières fausses notes
L’Irlande du nord n’est désormais plus dans l’Europe quand la partie sud de l’île affiche toujours le drapeau aux 27 étoiles. Le ministère irlandais a rappelé que les marchandises en provenance d’Irlande du nord pour la République d’Irlande devenaient désormais des trafics arrivant depuis un pays tiers. Cela signifie pour les opérateurs logistiques, la réalisation d’opérations de dédouanement.
Développement de la conteneurisation
Dans ce contexte, une nouvelle tendance émerge. Les liaisons avec le Royaume-Uni pourraient se développer par des trafics conteneurisés depuis l’Europe continentale. Le GPM de Dunkerque l’a bien compris en créant une ligne conteneurisée par l’intermédiaire de Containerships vers les côtes est et ouest du Royaume-Uni.
Anvers mise sur les conteneurs
Le port d’Anvers s’inscrit aussi dans cette logique. Depuis plusieurs mois, le port scaldien se prépare à la mise en application du Brexit. Bien que le port estime que le Brexit n’aura qu’un très faible impact sur ses activités, n’étant pas un port côtier qui accueille des ferries, Anvers anticipe néanmoins une évolution vers plus de trafic de conteneurs entre le Royaume-Uni et le port belge.
Investir dans la connectivité
Cette évolution impose au gouvernement britannique d’avoir des ports efficaces. Dans une étude publiée en décembre par la British Ports Association (BPA), les différentes autorités portuaires locales demandent au gouvernement d’investir lourdement dans les infrastructures pour garantir le maintien de la fluidité des trafics. Cette étude reprend le rapport réalisé en 2018 par le ministère des transports britanniques.
Une étude sur la connectivité portuaire
Le rapport de 2018 analyse la connectivité des ports britanniques (English Port Connectivity Study) avec le réseau terrestre. Cette étude a permis au gouvernement de prendre conscience de l’importance du système portuaire britannique. Ce rapport énonce plusieurs recommandations :
S’engager dans une approche holistique du fret;
Accroître les échanges de données;
Améliorer le transport maritime à courte distance;
Engager les ports et les autorités gouvernementales à une plus grande coopération;
Assurer que la connectivité des ports pourra jouer un rôle essentiel.
Autant de recommandations que l’association des ports britanniques partage avec néanmoins une nuance. En effet, cette étude se cantonne à analyser la situation des ports en Angleterre. « La British Port Association souhaite que cette étude sur la connectivité des ports s’étende aussi aux établissements d’Écosse, du Pays de Galles et d’Irlande du nord ».
Un besoin en investissement
De plus, dans cette étude, il est rappelé que le besoin en investissements est essentiel pour la connectivité des ports. La BPA a proposé, pendant les auditions pour la rédaction de cette étude, la création d’un groupe de travail avec les partenaires publics pour s’assurer que les ports et le fret soient pris en compte dans les projets d’investissement.
« Les ports sont le mécanisme indispensable pour avoir une Grande-Bretagne connectée. Leur efficacité est fondamentale à l’économie », souligne d’entrée l’étude de la BPA. Le système portuaire britannique diffère des autres systèmes en Europe. Les ports sont gérés et exploités par des opérateurs privés. L’État ne conserve qu’un rôle de police. Alors, les investissements réalisés dans les ports sont financés par le secteur privé. À fin 2020, ce sont 1,7 Md£ que les privés ont injecté dans l’économie portuaire britannique.
Relier les ports
La BPA ne demande pas au gouvernement d’intervenir dans leurs circonscriptions. Elle souhaite que le gouvernement assure un réseau terrestre entre les ports et les destinataires finaux pour maintenir l’économie nationale à flot. « Maintenir un accès des ports au réseau de transport national est un élément vital pour la prospérité de l’économie britannique », continue l’étude de la BPA.
1,7 milliard de livres investies
En mai 2020, le ministre aux Transports, Grant Shapps, a annoncé une enveloppe de 1,7Md£ pour les routes et le réseau ferroviaire britanniques. La BPA s’en réjouit. Or, s’agissant du réseau ferroviaire, la BPA reproche au gouvernement de consacrer la majorité de l’enveloppe prévue au réseau passagers. « Le fret ferroviaire n’est pas mentionné », indique la BPA. Actuellement, le fret ferroviaire pèse 12% des transports terrestres. Un mode qui a permis de reporter 12,6 millions de trajets de camions sur le fer. « Avec des investissements ciblés, nous pouvons faire croître la part du fer dans le split modal », assure la BPA.
Favoriser des routes pour les déplacements personnels
La même analyse est faite sur le réseau routier. Les budgets en faveur des autoroutes et routes importantes sont en hausse au cours des trois dernières années. Or, les fonds prévus sont destinés à des infrastructures qui favoriseront surtout les déplacements personnels pas le fret, s’indigne la BPA.
De plus, la BPA s’inquiète des priorités du gouvernement. Une grande partie des fonds sera surtout destinée au réseau national sans prendre en considération les besoins des voies régionales et locales. La responsabilité de l’entretien de ces routes appartient aux autorités locales, rappelle la BPA. Ces collectivités locales ont vu leur ressource baisser de 40% depuis 2011. Dans ce contexte, les autorités locales ont dû prioriser leurs projets. « Nous devons montrer l’importance du fret dans les budgets et les projets et s’assurer que ce ne sont pas des projets destinés au trafic des particuliers qui sont pris en compte », indique la BPA.
Le HS2 et l’aéroport d’Heathrow
Deux exemples sont cités. Le premier vise la ligne de train à grande vitesse HS2. « Nous n’y sommes pas opposés dans le sens où les matériaux pour la construction de ces lignes passeront par les ports. Cependant, nous voulons nous assurer que la construction de cette ligne donnera l’assurance de dégager de nouveaux sillons pour le fret ». Le second exemple concerne les nouvelles pistes de l’aéroport d’Heathrow. La BPA s’inquiète que l’agrandissement de cette infrastructure ne soit pas faite en étudiant sa connectivité avec les ports.
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