Aller au contenu principal

Tristan Paillardon est président de la station de pilotage de la Gironde. Une station qui comporte 20 pilotes, 4 personnels aériens dédiés à l’hélicoptère, 7 marins et mécaniciens, deux chauffeurs et quatre employés administratifs répartis entre les sites de Bassens et du Verdon. La station sert tous les terminaux du Grand Port Maritime de Bordeaux, du Verdon – le plus éloigné- au port de la Lune en plein centre-ville, mais également Royan et Libourne. Comme tous les autres professionnels portuaires, les pilotes doivent faire face à un trafic en recul. « Ce n’est plus une baisse, c’est une chute », constate Tristan Paillardon. « Il a fallu nous adapter à cette situation et repenser notre manière de fonctionner. Nous avons commencé par réduire le nombre de pilotes en ne compensant pas certains départs à la retraite. Et nous avons aussi réfléchi à notre temps de transit et à la mer ».

La Gironde est un terrain exigeant. Les terminaux sont éloignés les uns des autres, parfois très loin de la mer avec des chenalages très long. « Nous avons réfléchi à commencer économiser du temps à la mer et du temps de repos. Nous avons donc pris la décision de radariser un certain nombre d’approches ». Quand il fait beau, c’est-à-dire moins de 3.5 mètres de houle et moins de force 6 de vent d’ouest, les pilotes peuvent désormais guider les navires de l’entrée du chenal à la rade du Verdon par radar. « Evidemment, cela se fait avec l’accord des bords et des conditions très encadrées. Si le bord désire un pilote présent dès le début du chenalage, nous y allons. Mais cette solution fonctionne bien ». Quand le temps est mauvais et que la houle se lève dans le golfe de Gascogne, les pilotes doivent recourir à l’hélicoptère, seul capable de s’affranchir des conditions nautiques sportives – barres et brisants – de l’embouchure du fleuve.

Du potentiel dans tous les terminaux

« Nos contraintes nautiques existent, mais elles sont quand même bien loin des préjugés que l’on entend régulièrement sur notre port. Alors c’est, entre autres à nous d’aller expliquer que nous avons du potentiel. Par exemple, en ce moment, nous sommes en train de travailler sur la modélisation du terminal d’Ambès, qui traite principalement des produits raffinés, du GPL et de l’ammoniac. Jusqu’à présent, nous avons des bateaux de 183 mètres de long. Or, avec un tirant d’eau de 10.5 mètres, nous pouvons accueillir des Aframax très facilement. Nous discutons donc avec les réceptionnaires de ces capacités, en leur montrant ce que nous pouvons faire et améliorer en termes de chenalage et d’amarrage. Accueillir des bateaux plus gros, cela permet de diminuer le coût du passage portuaire et donc d’augmenter le nombre de kilomètres de l’hinterland ».

Ne comptez donc pas sur Tristan Paillardon pour afficher un discours pessimiste. Il voit dans son port tout un tas de potentiels. Le Verdon, qui est vide depuis plusieurs années, « il faut y réinventer quelque chose. On a 120 hectares de disponibles prêts à accueillir n’importe quel trafic. Il faut garder toutes les possibilités ouvertes, notamment pour un logisticien ». Du feedering ou du transbordement, « on est sur une route Europe-Afrique », du conteneur ou autre chose, Tristan Paillardon estime que le Verdon va forcément « s’ouvrir. On a du foncier, un grand fleuve, des routes, du ferroviaire et des péniches. A l’heure où le consommateur demande de plus en plus de bilan carbone, le territoire a une carte à jouer en comptant sur son port ».

Trouver un modèle de travail adapté aux conditions nautiques

Et justement, les collectivités bordelaises et aquitaines semblent désormais avoir pris conscience de la présence de ce port. « Le dialogue s’est établi et on sent que tout le monde veut aller dans le même sens qui est d’essayer de s’ouvrir sur le tissu économique local et les territoires. Le port peut être un outil pour cette métropole bordelaise qui n’arrête pas de s’étendre : un outil qui peut désengorger les routes, qui peut faciliter les débouchés à l’export pour ce que la région produit, du vin aux colis industriels ». Il constate aussi que la communauté portuaire évolue dans ses méthodes et que le dialogue social s’améliore : « nous n’avons pas le choix : il faut trouver un modèle de travail qui gommera les difficultés naturelles de notre port : nous sommes dépendants de la marée, il faut donc y lier le rythme de travail. Notre chenalage est long, alors si en plus on prend du temps à l’escale, nous perdons tout intérêt pour les marchandises à faible valeur ajoutée ».

Tristan Paillardon voit, pour son port, des « chantiers. Il faut que nous nous adaptions au trafic. Examiner filière par filière ce que nous pouvons proposer et améliorer. On le voit, quand nous travaillons tous ensemble, celà fonctionne. Avec Cruise Bordeaux, qui s’occupe de l’organisation des escales de croisière, nous partons sur des évènements pour aider à faire connaître la destination. Bordeaux est une escale facile à vendre mais nous sommes très limités sur l’accès du port de la Lune où l’on peut accéder qu’à la fin du flot en raison du tirant d’air du Pont Chaban Delmas. Nous avons 65 escales et nous ne sommes pas loin du maximum. Mais d’autres solutions existent : Pauillac, qui va perdre le trafic Airbus, est une zone nautique parfaite avec du tirant d’eau et une belle zone d’évitage. On pourrait y accueillir des plus gros paquebots et la demande est déjà là ».

Propos recueillis par Caroline Britz, mai 2018

 

Aller plus loin

Dossiers
Port de Bordeaux Pilotage et pilotes maritimes