Les bilans semestriels des principaux manutentionnaires de conteneurs dans le monde affichent des taux de croissance tant pour les volumes que les revenus. Pour les groupes de manutention, la croissance économique a tiré les volumes et les revenus vers le haut. Ces rapports mettent en lumière la dé-corrélation entre les volumes traités et les chiffres d’affaires réalisés. Un article d'Hervé Deiss de Ports et Corridors
Des taux de croissance à deux chiffres
Ce premier semestre reste globalement positif pour les opérateurs de terminaux. Ils affichent tous une croissance de leur chiffre d’affaires et de leurs volumes. Dans ses commentaires sur le premier semester, le groupe Hutchinson indique que la croissance des volumes est à mettre au crédit du retour d’une consommation élevée et de la reprise des échanges. Les flux semblent être revenus à leur niveau d’avant la pandémie, « notamment pour la Chine continentale », précise le groupe chinois.
DP World: l’Europe a tiré la croissance
DP World indique dans son rapport semestriel que dans toutes les régions dans lesquelles il est présent, les volumes ont augmenté. En Europe, Moyen-Orient et Afrique, le groupe a constaté une progression de 8,4% de ses volumes. Dans le même temps, le chiffre d’affaires réalisé par les terminaux de cette région a augmenté de 7,5%. Pour DP World, l’Europe a tiré la croissance vers le haut au cours de ce semestre. Cependant, le groupe émirati investit lourdement dans les terminaux africains comme Berbera ou encore Dakar pour asseoir sa présence sur ce continent.
APM Terminals a perdu des flux à Cotonou
Une position que ne partage pas APM Terminals. En effet, le groupe basé à La Haye a vu ses volumes en Afrique et à Bahreïn se réduire. Pour le premier terminal, il s’agit de l’arrêt d’un service qui a produit des effets immédiats. Quant à Bahreïn, le terminal a profité au début de la crise sanitaire d’un effet de fermeture des frontières avec ses voisins. Les flux ont fait l’objet d’un transbordement. Avec le retour à la normale, les précédents transbordements ont repris la route comme auparavant.
HHLA a progressé de 0,5%
Le groupe allemand a enregistré, sur le premier semestre, une faible progression de ses volumes. Avec 3,07 MEVP réalisés à Hambourg, HHLA enregistre une hausse de 0,5%. L’explication tient, selon le groupe, à la croissance modérée des approvisionnements depuis l’Extrême Orient. Ils ont à peine compensé la perte de trafic liée à la pandémie et la perte d’un service sur l’Asie en mai 2020. De plus, les terminaux de Hambourg ont vu leur trafic feeder vers les ports de la Baltique se réduire.
Yantian et congestion portuaire oubliés
Enfin, les différents rapports semestriels ne font pas état ou peu des effets du blocage du canal de Suez, de la suspension d’activité d’un terminal à Yantian en raison de cas de Covid-19 parmi le personnel dockers. Néanmoins, dans ses chiffres, Cosco Ports indique un trafic de 615 800 EVP traités sur le Yantian International Container Terminal au mois de juin. Sur les cinq premiers mois de l’année, la moyenne de conteneurs traités par ce terminal avoisine les 1150 EVP par jour.
Aucun opérateur n’aborde la question de la congestion portuaire dans son rapport semestriel. Or, à en croire les armateurs, la croissance des volumes à laquelle est venue s’ajouter le blocage du canal de Suez et la suspension d’activité d’une partie du port de Yantian a créé dans les ports d’Europe et d’Amérique du nord une congestion. Les manutentionnaires n’ont pas la même lecture de ce dossier.
Pas de liens entre volume et chiffre d’affaires
Le monde de la manutention de conteneurs a cette particularité de ne pas établir de corrélation entre les volumes réalisés et le chiffre d’affaires. Le ratio entre ces deux données s’avère plus élevé pour les opérateurs disposant de terminaux dans l’hémisphère nord. Ainsi, APM Terminals affiche un ratio de 355$ par mouvement contre 10,9 $ par mouvement pour le groupe China Merchants.
Ces chiffres se confirment avec le résultat obtenu par HHLA, dont la majorité du trafic se réalise dans le port de Hambourg. Le manutentionnaire réalise 91% de son volume dans les trois terminaux dont il dispose dans le port allemand. Or, avec un ratio de 142,5$ par mouvement sur le premier semestre sur l’ensemble des terminaux opérés, il facture le mouvement à des niveaux plus élevés que son concurrent chinois de China Merchants.
Une présence chinoise forte signifie un chiffre d’affaires faible
Ce dernier affiche le ratio le plus faible avec 10,9$ par mouvement. Une raison de la faiblesse de ce chiffre peut provenir de sa présence importante en Chine et à Taïwan. En effet, China Merchants réalise 64% de son trafic en Chine populaire, Hong Kong et Taïwan. Des ports dont le coût du mouvement est nettement moins élevé qu’en Europe. De plus, si le groupe est présent à l’étranger, il l’est surtout dans des pays en voie de développement à l’image du Sri Lanka, du Togo, du Nigéria, de Djibouti ou encore du Brésil. La présence du groupe dans des pays développés s’est faite par l’acquisition de huit terminaux de Terminal Link auprès de CMA CGM.
Les groupes chinois sauvés par leur présence internationale
Le même raisonnement peut se tenir pour la division manutention du groupe Cosco, Cosco Ports, dont le ratio chiffre d’affaires sur volume atteint 11$ par mouvement. Le trafic réalisé en Chine continentale pèse 85% du global sur le premier semestre. La proximité de ce ratio avec China Merchants s’explique par une présence internationale (15% pour Cosco Ports contre 36% pour China Merchants). Les quelques centimes de dollars qui séparent les deux sociétés peuven se trouver par l’implantation de Cosco dans de nombreux ports d’Europe de l’Ouest, comme Anvers, Zeebrugge, Rotterdam, Bilbao, Valence ou encore Vado Ligure, et d’Amérique du Nord à l’image de Seattle.
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